LEGENDES D'AUTRES MONDES

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 Sujet du message: Re: Bérengère
MessagePosté: Dim Mai 28, 2017 2:51 pm 
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Journal de Molly - Séance 15 (27/05/17)

Mercredi 16/09 – 20h30 :
Nous avons décidé d’attendre le retour de Frank avant de partir pour le lycée mais Biz s’impatiente. Il ne cesse de répéter qu’il faudra partir dès que Frank arrivera.

En attendant, je monte me reposer dans une chambre, j’ai l’impression que tout le monde est en bas mis à part Ron qui doit être à l’étage lui aussi.

C’est décidé, je vais prendre ces foutus cachets et en finir avec tout ça. Je n’en peux plus d’être constamment à fleur de peau, épuisée, nauséeuse et faible. J’ai l’impression de ne plus être moi-même.
Je fais un rapide crochet par la salle de bain et avale les 2 comprimés. Lorsque je croise mon regard dans le miroir, je pense à Arthur. Pardonnes-moi mon amour. Je décide d’aller m’allonger dans une chambre, le cœur lourd.
Les voix des autres occupants de la maison font un léger bourdonnement qui m’aide à m’endormir progressivement.
Je suis réveillée en sursaut par une présence dans la pièce.
- Anna, tout va bien ?
- Euh...oui, je viens juste me reposer.
- Ah ok, je venais de m’endormir et j’ai eu peur quand tu es entrée.
- Désolée.


Elle vient s’allonger sur le lit et met de la musique douce. J’entends un bruit étrange, métallique dans le couloir. Annabelle ne semble pas réagir, je me lève pour voir de quoi il s’agit. Dans une chambre à côté, Suprême essaie de forcer ce qui ressemble à un petit coffre fort. Je retourne me coucher dans un haussement d’épaule. Que croit-il faire des trésors qu’il trouvera là-dedans maintenant que c’est le chaos partout ?

Je ne sais pas combien de temps s’écoule avant que Biz ne vienne interrompre notre repos. Il s’adresse à Annabelle :
- Tu sais quand Frank va arriver ? Il faudrait vraiment qu’on y aille maintenant.
- Il fait au plus vite. Tu devrais t’occuper en attendant. Pourquoi pas un jeu de carte ?
- Ouais, un jeu de carte, ça peut le faire.

Et il quitte la chambre, suivi de peu par Annabelle qui a rassemblé ses affaires. Elle se tient prête pour le retour de Frank.
Moi, je me sens exténuée et tente de me rendormir une nouvelle fois.

21h30 : je suis tirée du sommeil par une agitation dans le couloir. Lorsque j’ouvre la porte de la chambre, je suis surprise :
- Frank ! Est-ce que ça va ?
- Oui, oui, ça va. Et toi ? Comment ça se passe ici ?
Il désigne le rez-de-chaussé de la tête et je comprends qu’il s’inquiète du comportement des gangers avec nous.
- Ça va aussi. Désolée mais tu as une sale tête.
- C’était dur cette journée dans les bois.


Ron sort d’une autre chambre, il a les yeux rougis.
- Frank voici Ron, nous l’avons secouru dans la forêt après que nous ayons été séparés.
Ils se saluent rapidement, Frank se dirige vers la salle de bain tandis que Ron retourne dans la pièce d’où il venait.
Je le suis et m’approche doucement. Il est secoué de sanglots et se jette dans mes bras pour pleurer dès que je m’assoie près de lui. Je repense à Justin en le voyant dans cet état et je n’ai pas envie qu’il suive la même voie.

- Ron, qu’est-ce qu’il se passe ?
- Je n’ai pas de nouvelles de ma famille. Mes parents, mon petit frère, je ne sais pas s’ils sont encore en vie. Ils laissent toujours toutes les fenêtres ouvertes à la maison. Avec tout ce qu’il se passe, comment ils ont pu s’en sortir ?
- Il faut garder espoir, ils ont dû se barricader quand tout a commencé.
- Comment vous faites pour aller là dehors ? Moi, je ne veux plus sortir, j’ai trop peur.
- Je n’ai pas le choix, je dois retrouver mes enfants.
- Vous êtes courageuse.
- Non, je n’ai juste pas le choix si je veux les revoir et le groupe est un énorme soutien. On s’aide les uns les autres.
- Pourtant ça avait l’air tendu en bas tout à l’heure.
- Ah bon ?
- Oui, Dwayne et l’autre, euh, Biz je crois, ont failli en venir aux mains pour une histoire de canapé.

Dwayne ? Mais qu’est-ce qu’il lui prend ???
- Il y a des tensions parce deux groupes de personnes très différentes sont obligés de coopérer mais ils vont finir par se calmer, ne t’inquiète pas.
- Moi, je reste ici le temps que ça se calme. Il y a de quoi manger, je vais attendre que l’aide arrive.
- Et que feras-tu si l’aide n’arrive jamais ? Que feras-tu quand tu seras à court de nourriture ?
- J’irai chez les voisins, il doit bien y avoir des réserves de nourriture.
- Et quand elles seront épuisées ? Tu seras seul pour affronter les infectés au lieu d’avoir un groupe qui couvre tes arrières. Tu n’es pas seul à avoir peur, on est tous terrorisé par ce qu’il se passe dehors mais certains le cache mieux que d’autres. Je pense que c’est plus facile d’affronter ça à plusieurs.
Ron a l’air un peu mieux. Je le laisse donc et descend au salon.
Annabelle, Shredder, Brandon, Biz et Suprême réfléchissent à un plan pour retourner au lycée, ils aimeraient trouver un ou des véhicules.
Anna essaie d’obtenir des informations sur la configuration du lycée.

22h00 : Frank redescend après avoir pris une douche et s’être changé. Annabelle lui a préparé une conserve, il n’avait rien avalé de la journée.
Plusieurs lui posent des questions sur ce qu’il a vécu aujourd’hui, comment il s’en est sorti. Naomie lui s'enquiert du sort de Nathan.
- Il ne s’en est pas sorti. Frank ne s’étend pas sur les détails. Il ne s’en est pas sorti ou quelqu’un a abrégé sa vie avant qu’il ne se transforme en infecté ?
Il a couru une bonne partie de la journée. A chaque bruit, il se demandait si c’était un animal ou un infecté qui allait croiser sa route.
Brandon lui demande s’il est en état de repartir rapidement pour le lycée.
- Oui, ça ira. Ne t’inquiète pas. Je crois qu’il n’a pas bien regardé sa tête dans un miroir. Brandon lui explique le plan qu’ils ont en tête.
- Je pense que ce n’est pas une bonne idée de repartir en voiture. C’est trop bruyant, on attirerait l’attention et si proche de l’autoroute, c’est trop dangereux.

Chacun se prépare à partir, les dernières provisions sont fourrées dans les sacs à dos. J’espère que ça ira pour moi, je pensais qu’on resterait un peu plus longtemps ici. Pour l’instant, je ne ressens rien de particulier.

Harold et Suprême partent en éclaireur. Au moment de franchir la porte, je vois Ron hésiter. Je pose doucement ma main sur son épaule.
- Suis bien ce que font les autres et tout ira bien.
Il franchit le seuil, moi à sa suite.

22h45 : Notre groupe avance prudemment même si la route devant nous à l’air dégagée.
Je ressens quelques crampes dans le bas du ventre, douleurs familières de règles.

Nous progressons et pouvons rapidement voir que l’autoroute est complètement bloquée. Une scène de chaos se dessine devant nos yeux. Des voitures sont renversées, beaucoup ont les vitres cassées, certains ont tenté par tous les moyens d’y accéder en grimpant la colline avec leur véhicule mais n’y sont jamais parvenus. C’est un cimetière à ciel ouvert avec tous ces gens qui se sont retrouvés piégés dans leurs tombeaux d’acier.

Nous devons franchir un pont pour poursuivre notre route. Il semble dégagé par rapport à l’autoroute qu’il surplombe mais il n’est pas éclairé. Les rambardes de sécurité sont partiellement ajournées et ne permettent pas de nous dissimuler complètement.
Certains d’entre nous, comme Harold, Dwayne et moi, jetons un coup d’œil discret sur l’autoroute. J’aperçois un infecté en contre-bas qui tente de dégager sa jambe coincée sous un camion en poussant régulièrement des cris qui ressemblent à de la douleur. Je me détourne de cette vision.
Il faut ramper si on veut s’assurer de ne pas être détectés par les enragés. Nous progressons très lentement pour ne pas faire de bruit et surtout parce que c’est très pénible et difficile. Nos sacs à dos gênent les mouvements, il faut ramper sur des dizaines de mètres sans faire trop de bruit. J’ai l’impression de ne pas voir le bout de ce maudit pont.

Nous sommes quasiment à mi-parcours lorsque nous entendons des bruits de pas précipités en dessous de nous. Un cri de terreur semblant provenir d’un jeune garçon est suivi de hurlements de douleurs atroces.
Mon sang se glace, je suis paralysée par la peur et l’horreur. C’est un enfant qui est en train de se faire dévorer vivant. La scène de la forêt se reproduit, une nouvelle fois, nous sommes impuissants. Les infectés poussent des grognements de contentement. Les cris s’étouffent dans un gargouillis que j’imagine sanglant.
Je suis prise de tremblements incontrôlés.
Une main se pose sur mon épaule. Je sursaute et tente d'échapper à ce contact, terrorisée.

- C’est moi, c’est moi. Annabelle chuchote pour s’identifier et me rassurer. Il faut avancer.
Je m’accroche avec désespoir à cette voix familière et la suit.

Après avoir empêché Biz de se relever, Frank a dû rebrousser chemin pour ramener Ron qui, paniqué, avait fait demi-tour.
Au bout de quelques mètres d’une lente progression, une douleur fulgurante dans le bas ventre m’immobilise. Je ne peux retenir des gémissements que j’essaie de camoufler dans mon bras.
- Molly, ça va ? Dwayne s’est approché.
- Mon ventre... Je ne peux répondre que dans un souffle.
Annabelle revient à ma hauteur, me voyant en position fœtale, main sur le ventre :
- Tu connais cette douleur Molly. Respire doucement, ça va passer.
Dwayne impuissant me prend la main.
La douleur est effectivement familière, la vague redescend peu à peu.
- Merci Dwayne. Je lâche sa main et me tourne vers Annabelle :
- Il faut vite quitter ce pont avant la prochaine parce que je crois que j’aurais du mal à me contenir.
Je me relève car ramper prendrait trop de temps. Je veux atteindre l’autre côté du pont rapidement. Anna, comprenant mon intention, me prend les mains et les pose sur son sac, elle me guide tandis que Dwayne reste à mes côtés. Nous marchons au milieu du pont, à la faveur de l’obscurité.
Nous parvenons tout juste de l’autre côté quand je sens à nouveau la douleur monter.
Je m'accroupis, me cale le bras sur ma bouche pour étouffer les gémissements et respire profondément.
J’entends quelqu’un me demander ce qu’il m’arrive mais je suis incapable de répondre. C’est Brandon qui n’obtenant pas de réponse de ma part s’est tourné vers Annabelle :
- Maux d’estomac, ça arrive en cas de stress intense. Il paraît surpris de cette réponse mais n’insiste pas. Mon regard croise celui d’Anna, nous savons toutes les deux que mon estomac n’est pas en cause.
Je respire en attendant les signes que la douleur s’estompe. Anna me tend deux comprimés que j’avale, des antalgiques je suppose.

00h30 : Harold interpelle Frank, il a repéré un autre enfant sur l’autoroute. Ils s’approchent discrètement du bord pour évaluer la situation. A priori, l’enfant est réfugié sur un camion mais à une vingtaine de mètres du pont.
Un débat houleux a lieu entre ceux qui veulent tenter de sauver cette petite fille (Frank, Harold et Biz) et ceux qui pensent que c’est trop risqué (Dwayne, Annabelle, Brandon).
Nous découvrons avec horreur que Dwayne avait vu les enfants quand nous avons entamé la traversée du pont mais a préféré passer son chemin.
- Ben quoi ? Vous les aviez vu aussi non ? Se tournant vers Harold et moi notamment.
Comment a-t-il pu présumé que j’avais vu ces enfants et choisi de les ignorer ?
Harold secoue la tête, il est dépité.
Annabelle estime que sauver cette petite est une mission suicide. Je comprends qu’elle s’inquiète pour nos vies.

- Vous êtes complètement fous ! Elle se tourne vers Harold qui soutient son regard. Même si vous parvenez à descendre sans vous faire repérer, comment vous croyez qu’elle va réagir en vous voyant approcher ? Cette gosse doit être terrorisée. Si elle voit des ombres s’approcher, elle va hurler. Comment échapperez-vous à la horde d’infectés de cette autoroute ?
Prenant une grande inspiration, elle poursuit :
- Et si on continuait d’avancer un peu ? Vous pourrez trouver une voiture, revenir ici en la poussant et comme ça, vous auriez un moyen de déguerpir si ça dégénère.

Le compromis semble fonctionner et nous reprenons notre chemin.
Les vagues de douleur vont et viennent mais j’arrive à avancer malgré tout. Je me sens trempée en bas, est-ce que c’est normal ? Je chuchote :
- Anna, il faut se dépêcher, quelque chose ne va pas...
Elle acquiesce de la tête et presse un peu le pas.

01h00 : Après une vingtaine de minutes de marche interminable, nous arrivons à proximité d’une école maternelle.
Harold, Supreme et Dwayne partent devant pour vérifier si les lieux sont infectés. Le reste du groupe attend à l’écart.
Franck m’interpelle :
- Molly ça va ? Ton pantalon est tâché de sang.
- Je sais, j’espère qu’on va pouvoir entrer ici. Les douleurs commencent à passer.


Nous voyons nos compagnons ouvrir l’un des bungalows qui sert de salle de classe. Tout le monde est tendu, à l'affût du moindre bruit. Au bout de quelques instants, Harold nous fait signe d’approcher.
Lorsque nous entrons dans le bungalow, l’odeur est insupportable. Je me précipite vers une fenêtre ouverte avant que les nausées ne me reprennent.
A priori, l’odeur provient de l’occupant des lieux, Drew Brisbane. C'est un afro-américain d'une cinquantaine d'année. Il est très maigre, sale et porte des vêtements en lambeaux. Il était probablement SDF quand tout à commencé.
Nous lui demandons si l’école est sécurisée mais il n’en sait rien, il n’a pas osé entrer dans le bâtiment principal. Je lui demande où sont les toilettes, Annabelle inquiète m’y accompagne.

Une fois seules toutes les deux, je me déshabille et constate l’ampleur des saignements. Je commence à être vraiment paniquée.
- Ce n’est pas normal tout ce sang ?
- Je suis d’accord, ce n’est pas normal.
Annabelle me tend du change et prend mes vêtements souillés pour les laver.
- Mais tu m’avais dit que ça ferait juste des règles importantes !
Elle se tourne vers moi, le regard interrogateur :
- Comment ça je t’avais dit juste des règles importantes ? Puis comprenant ce que j’ai fait :
- Je t’avais aussi dit que tu avais le temps pour ça.
- Tu m’en veux ?
- Non, c’est juste que tu as mal choisi ton moment.
- Je pensais avoir le temps quand on a décidé d’attendre Frank. Je ne pensais pas qu’on repartirai si vite ! J’en ai assez d’être affaiblie comme ça, je n’en peux plus !
- Mais ce n’est pas grave ça. Notre force c’est le groupe, pas toi, pas moi ni personne d’autre.
- Je ne peux pas rester comme ça si je dois sauver mes enfants.
- On est là, on t’aidera.
- Et si, une fois chez moi, tu décides pour telle ou telle raison que c’est une mission suicide de sauver mes enfants ?
- Molly, ce n’est pas pareil que pour cette petite fille. Ses chances sont vraiment faibles. Si l’un de nous ou plusieurs d’entre nous meurent en essayant de la sauver, tu condamnes peut-être tes enfants.
- Mais c’est aussi l’enfant de quelqu’un !
- Oui, probablement l’un des infectés de l’autoroute.
- Je ne peux pas m’empêcher de penser à mes enfants. Ça aurait pu être l’un d’eux.
- Mais ce n’est pas le cas.
- Parfois je me demande : à quoi bon ? Pourquoi se battre quand on voit ce que le monde est devenu ? Tu as vu cette autoroute ? Un vrai cimetière avec tous ces gens pris au piège dans leur voiture. Il y a des infectés partout, où qu’on aille...
- Il faut continuer à vivre.
- Survivre serait plus juste…

Malgré une toilette rapide, je constate que les saignements sont toujours très forts.
- Je sais que tu n’es pas médecin mais qu’est-ce qui peut provoquer cette hémorragie ? Parce que là, on ne peut plus parler de règles.
- Ça peut être normal et s’arrêter tout seul, il faut attendre.
- Et si ça ne s’arrête pas ? Je vais me vider de mon sang et continuer de m’affaiblir. Ça ne peut pas être parce qu’il reste quelque chose à l’intérieur ?
- Si, ça peut être ça aussi.
- Et si je reprends des comprimés pour déclencher à nouveau des contractions ?
- Passe-moi la boîte.
Annabelle parcourt rapidement la notice. Ça peut marcher mais il va te falloir d’autres antalgiques. J’avale le nouveau cocktail de pilules qu’elle me tend.
- Annabelle, je t'en pris, ne dit pas aux autres ce que j'ai fait.
- Je ne dirai rien.
- Merci, pour tout.


Nous retournons auprès des autres dans le bungalow. On constate que Frank, Biz et Harold sont partis secourir la petite fille.
Dwayne et Anna partent à la recherche d’un véhicule. Je retourne près de la fenêtre ouverte et observe le quartier, calme pour le moment.

Nous entendons des coups de feu au loin. Anna se précipite sur le talkie-walkie :
- Frank ?
- On arrive et on a du monde qui nous colle aux fesses. Préparez-vous !
- Dwayne, il nous faut une voiture et vite !

Il laisse tomber ses tentatives infructueuses de démarrer un véhicule sans clé, se précipite dans le bâtiment principal et nous dit de le rejoindre sur le parking de l’autre côté de l’école.
On y trouve quelques voitures et un bus scolaire. Dwayne revient rapidement avec plusieurs jeux de clés. Il finit par trouver celles du bus mais a du mal à le démarrer.
Brandon prend place au volant et parvient à lancer le moteur du premier coup. Schredder se charge d’ouvrir la chaîne métallique barrant la grille du parking avec sa disqueuse.

01h45 : Une voiture arrive en trombe. Harold est au volant. Il échange sa place avec Frank. Le groupe se dépêche de monter dans le bus, je m'apprête à les suivre quand Anna me prend par le bras et m’entraîne vers la voiture.
Notre convoi s’élance, la voiture devant, alors qu’une horde d’infectés commence à envahir le quartier. Il va falloir les semer avant d’atteindre le lycée.
Malgré notre situation, j’arrive à me réjouir quelques instants :
- Anna regarde, ils ont sauvé la petite fille !
Mais Annabelle garde le visage fermé. Nous devons rouler assez lentement pour ne pas perdre le bus qui n’est pas très maniable dans les rues encombrées.
- Pour les semer, on pourrait essayer de déclencher une alarme de voiture. On repart aussi sec en espérant que la horde s’arrêtera à la source du bruit.
- Ok mais on ne peut pas s’arrêter maintenant. Frank est concentré sur la conduite et le rétroviseur.
Traverser l’interstate est une étape obligatoire de notre trajet. Frank demande à Biz le meilleur trajet pour rejoindre le lycée en évitant les routes principales.

La voiture passe devant une caserne de pompiers. Des sacs de sable ont été empilés devant dans une tentative désespérée de se barricader. Les infectés hantent les lieux.

La progression est difficile en ville. Beaucoup d’enragés se jettent sur la voiture à notre passage. Frank tente tant bien que mal de les éviter mais en percute quelques uns. La voiture commence à souffrir des différents chocs et émet des bruits inquiétants. Le bus a l’air d’avoir moins de soucis à ce niveau là. La horde de l’autoroute a été semée mais les enragés de la ville nous poursuivre et leur nombre augmente peu à peu.
Annabelle contacte le bus pour les prévenir qu’ils vont devoir nous récupérer avant que la voiture ne lâche.
Dans une grande avenue la voiture et le bus s’arrête côte à côte pour que le transfert se fasse le plus rapidement possible.

Brandon est toujours au volant, nous passons une zone commerciale, la station service est HS, plus loin, des incendies ravagent les bâtiments.

Anna tend une barre de céréales et de l’eau à l’enfant. La petite se jette dessus, affamée.
- Doucement, doucement, tu en auras d’autres. Comment tu t’appelles ?
- Maggie.
- Moi c’est Molly et la dame qui t’a donné à manger, c’est Annabelle.

Ses lèvres sont craquelées, ses joues sont creuses et ses traits tirés. Je ne sais pas combien de temps elle a pu rester sur ce camion sur l’autoroute, quelles horreurs a-t-elle pu vivre ?

Nous nous rapprochons du lycée mais nous devons nous débarrasser des infectés qui nous poursuivent sans relâche.
Supreme propose d’aller dans une zone industrielle désaffectée qu’il connaît. Il n’y aura personne, nous pourrons laisser le bus et rejoindre le lycée à pieds. Il y a juste un bout de forêt à traverser. Je sens que personne n’est emballé à l’idée de retourner dans une forêt après ce que nous avons vécu hier.
Annabelle reprend son idée de déclencher une alarme pour stopper nos poursuivants, ou du moins en réduire fortement le nombre. Nous mettons ce plan à exécution et l’arme d’un magasin est déclenchée en brisant la vitrine à coups de batte. Brandon arrête le bus quelques rues plus loin, une fois qu’on est sûr de ne plus être poursuivis.

02h30 : Le lycée n’est plus très loin, nous reprenons à pieds. Les gangers sont impatients d’arriver et retrouver les leurs.

Plus on s’approche de notre destination, plus il y a d’impacts de balles partout, dans les murs, dans les voitures… Quelque chose a dû se passer ici. Des cadavres de soldats nous indiquent que l’armée est intervenue au lycée.
Le bâtiment paraît sorti d’un film de guerre. Des corps jonchent la cour du lycée. Je serre Maggie contre moi pour essayer de la protéger. Elle a déjà vu trop d’horreurs pour une petite fille de son âge.

Certains cadavres sont alignés contre un mur. Biz se précipite, suivi des autres. Il prend une jeune fille dans ses bras et commence à pleurer. Je reconnais la petite amie dont il m'avait montré la photo.

Tous ceux près du mur ont reçu une balle dans la tête. C’est une exécution en règle qui a eu lieu ici. J’ai des frissons dans le dos. Comment l’armée a-t-elle pu faire ça à des civils ?


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 Sujet du message: Re: Bérengère
MessagePosté: Dim Juil 30, 2017 10:37 pm 
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Journal de Molly - Séance 16 (29/07/17)

17 Septembre 02h30

Biz pleure serrant contre lui le cadavre de sa petite amie. Il ne cesse de répéter son prénom :
- Treneesha, Treneesha...
En plus des gens qui ont été exécutés, il y a beaucoup de cadavres dans la cour du lycée : des soldats, des membres du gang mais aussi de simples civiles. Shredder, Brandon et Suprême passent de corps en corps, identifiant les leurs. Ils sont visiblement choqués, ils ne s'attendaient pas à ça, personne d'ailleurs n'aurait imaginé une telle issue... Ron a le regard fixé sur l'un des corps, ses yeux ne parviennent pas à s'en détacher. Voyant cela, Annabelle demande :
- Ron, Drew, vous pouvez surveiller les alentours ?
Cela a le mérite de détourner l'attention de Ron du tableau morbide qui s'étale devant nous. Annabelle inspecte et fouille également quelques cadavres. Les soldats appartiennent à la garde nationale. J'essaie de protéger la petite Maggie de ces atrocités, je la serre contre moi, essayant de lui barrer la vue des corps déchiquetés par les balles.

- C'était vraiment une perte de temps de venir ici,
soupire Dwayne.
- T'as dit quoi là ? Shredder se retourne vers lui, menaçant. Tous nos potes sont morts et t'appelles ça une perte de temps ?
- J'ai ma famille à retrouver...
- Rien à foutre de ta famille,
crache Shredder.
- Rien à foutre de tes potes.
Shredder, qui se préparait à ruer sur Dwayne, est interrompu par une espèce de « clic » bruyant. Un spot lumineux nous éblouit tout à coup, une voix résonne dans un mégaphone :
- Vous tous, à genoux et tout de suite ! Mains derrière la tête, posez vos armes !
Je m'exécute immédiatement, entraînant Maggie dans le mouvement. La plupart des autres en font autant sauf Biz, qui continue à pleurer, et Shredder qui par provocation, s'agenouille très lentement, imité par Suprême.
Mes yeux finissent par s'habituer quelque peu à la lumière vive du spot. Trois soldats sortent d'un Humvee garé devant le lycée et nous braquent avec leurs armes. Personne n'y a fait attention en arrivant car il était camouflé par un camion de transport de l'armée stationné devant. Deux des soldats s'avancent tandis que le troisième, plus petit reste près du Humvee. Je distingue également un quatrième soldat sur le toit, en charge de la mitrailleuse lourde qui équipe le véhicule.
Les deux soldats, une fois dans la cour du lycée s'écartent en arc de cercle de façon à nous garder tous en ligne de mire. Les soldats, des gardes nationaux, écartent d'un coup de pied les armes posées au sol. Le plus grand des deux se met à parler d'une voix claire:
- Qui êtes vous et qu'est-ce que vous faîtes là ?
Mon regard est attiré par un écusson qu'il arbore sur sa poitrine. « Gallows Tree Wotansvalk ». Je me rappelle avoir vu un reportage télé sur ce groupe neo-Nazi sympathisant du KKK. Est-ce qu'ils ont perpétré ce massacre ?
Frank prend la parole :
- Du calme soldats, je vais vous expliquer. Il essaie alors de passer la main dans sa poche mais le plus petit des deux soldats panique et l'assomme d'un coup de crosse sur la tête. Frank s'effondre inconscient.
L'autre garde intervient :
- Vas-y mollo Miller quand même !
- T'as bien vu, il allait prendre un truc...
- Ouais ben, regarde ce que c'était.

Les deux semblent très nerveux, leurs armes ne cessent de balayer les personnes agenouillées devant eux. Miller extrait le portefeuille de Franck de la poche et l'ouvre :
- Merde Price, c'est un agent fédéral. Il est de la DEA.
- Un agent de la DEA ?
s'étonne Brandon. La stupéfaction se lit sur le visage des gangers.
- On est sous sa protection, explique Annabelle avant que Brandon n'est le temps d'en dire plus.
- Miller, mets-le dans le Humvee, c'est des mecs comme ça qu'on doit protéger.
- On cherchait un refuge ici,
poursuit Annabelle, les lieux étaient censés être sécurisés.
- Ben on vous a mal renseigné. C'est pas un refuge mais une propriété du gouvernement occupée par des rebelles. Vous là, avec la petite fille, le soldat me désigne avec son arme, avancez jusqu'au Humvee. Le soldat Young va vous expliquer la procédure d'extraction jusqu'à Fort Bragg.
- Fort Bragg ? Mais je ne peux pas partir, je dois retrouver mes enfants.
Mon esprit lutte mais mes muscles obéissent cependant à ses ordres.
- Bon, Madame, une bonne partie de la ville a été évacuée, vos enfants sont probablement déjà la-bas. Maintenant, avancez avec la gosse.
- Le petit joufflu là, vas-y aussi,
désignant Ron. Toi, debout, c'est au tour d'Harold. Directement, celui-ci se tourne vers Annabelle qui le met en garde :
- Fais pas de connerie et obéit. D'un léger signe de tête il acquiesce et avance vers le véhicule. Dwayne est le dernier à être désigné et à nous rejoindre.
Des tirs nourris se font entendre au loin, les soldats semblent encore un peu plus nerveux.
Le soldat Young s'avère être une femme :
- Ne vous inquiétez pas, vous allez être évacués rapidement vers Fort Bragg, tout va bien se passer. Une opération d'évacuation est en cours dans tout le sud-est de Charlotte. Elle se dirige vers la radio à l'intérieur du Humvee :
- Unité 4, demande d'évacuation pour une dizaine de civils. A vous. Je ne comprends pas la réponse qu'elle reçoit, les parasites sont très forts.
- Reçu. Où en est l'aide médicale demandée ?
- Ils... coincer... route... Je ne comprends que des bribes de mots mais le visage inquiet de la jeune femme me dit que ce n'est pas la réponse qu'elle attendait. Je m'approche un peu et vois, près de Franck toujours inconscient, aune autre femme soldat couchée à l'intérieur du Humvee. Elle saigne au niveau de la poitrine.
- On a quelqu'un qui peut l'aider. Annabelle peut aider votre blessée. La soldat ne m'écoute pas, elle est concentrée sur la radio.
- Madame, reculez un peu. Qui sont les rebelles ? Vous pouvez me les désigner ?
- Les quoi ?
De quoi parle-t-elle ?
- Ils vous ont menacés ? Vous pouvez parler maintenant, vous êtes en sécurité. Alors, qui sont les rebelles ?
- Mais il n'y a pas de rebelles ! On est juste venu ici parce qu'ils voulaient retrouver leurs proches et aider les gens du quartier.
- Madame, ça c'est ce qu'ils vous ont raconté mais ils n'aident personne. Ils veulent juste s'approprier des quartiers et des bâtiments qui sont la propriété du gouvernement. En plus de l'évacuation, nous avons pour mission d'arrêter ces rebelles par tous les moyens.

Je suis sidérée d'entendre un tel discours. Les morts se relèvent pour attaquer les vivants et le gouvernement s'inquiète qu'on occupe ses bâtiments illégalement !
- Mais qui désigne les rebelles ? C'est lui là bas ? Je vise clairement Price.
Ron s'approche de moi :
- Il ne faut pas s'énerver, ils sont là pour nous sauver.
- Mais tu ne comprends pas ? Si tu es de ce côté c'est parce que t'es blanc !
Me tournant vers la soldat à nouveau :
- Vous ne pouvez pas faire ça, ils n'ont rien fait !
- Si certains sont clean, désignez-les moi.
- Les deux femmes, laissez-les nous rejoindre.

Mais la radio crépite de nouveau et Young m'ignore complètement.

De l'autre côté du Humvee :
- Bon ben y'a le compte là, annonce Price l'air satisfait. Il se tourne vers Annabelle. Toi la, qu’est-ce que vous faisiez ici ? tu venais piller ?
- A toi de me dire, c’est toi le chien renifleur.
- Le compte de quoi ? demande Brandon. Vous comptez faire quoi ?
- Ta gueule !
- Elles ne sont pas avec nous, on les a forcé à nous suivre,
Brandon essaie aussi de sauver la peau de Naomi et Annabelle.
Biz semble enfin réaliser ce qu'il se passe autour de lui. Il se met à rire alors que les larmes coulent encore sur ses joues :
- Je sais ce qu'ils vont faire. On est dans la merde mais ils en ont quand même après nous.
- Ta gueule toi ! Tous des rebelles, c'est tout.
- Y'a que des américains ici et c'est votre mission de les protéger. Y'a juste des gens qui en ont aidé d'autres ici. Ces mecs sont venus nous sortir du Concord Mills alors que les infectés bloquaient tous les accès. Vous pouvez passer l'info d'ailleurs, il y a encore des survivants à sauver là-bas. Ils ne sont pas venus voler, ni piller. Ils sont juste venus la sauver et nous aider. On a dû se démerder seuls pour s'en sortir, on a rampé dans les égouts, on a traversé une forêt grouillante d'infectés en pleine nuit. Eux nous ont aidé, vous étiez où ? Vous parlez de rebelles, moi j'vois des mecs qui ont essayé d'aider les gens de leur quartier comme ils ont pu sans voler, sans piller, sans tuer d’autres personnes. Nous avons juste sauvé notre peau. Plus on perd de temps à parler, plus on laisse de temps aux infectés pour nous trouver. Et quand ils nous auront trouvé, peu importe qu’on soit militaire, rebelles ou civils. Ils vont tous nous tuer.
Plutôt que de perdre du temps à discuter, gagnez-en !! Chargez nous dans le camion et emmenez-nous à fort Bragg. Vous pourrez étudier nos cas là-bas.

Miller semble hésiter :
- Mec, ils étaient même pas là quand on a attaqué. Qu'est-ce que ça peut faire ? On peut les embarquer...
- Tu veux des mecs comme ça à Fort Bragg ? A côté de ta femme ?
- Tu sais ce que je vais lui faire à ta femme ?
Biz a l'air d'avoir complètement perdu la tête. Laisse moi seul avec elle et je vais la faire jouir comme jamais elle a joui avec ta petite bite de blanc ! Elle va en redemander tellement elle va aimer ça.
- Putain ta gueule ! Ferme ta putain de grande gueule !
hurle Miller
- Biz, la ferme, intervient Naomi. Elle tourne son regard successivement vers les deux soldats. Vous êtes là pour nous protéger, s'il vous plaît...
- Si vous n'avez participé à aucune action sécessionniste, alors on peut peut-être vous emmener,
hésite Miller.
- Monsieur, j'ai rien à faire avec tout ça moi, je ne suis pas d'ici... explique Drew. Je suis un être humain, comme vous.
- Les agents fédéraux doivent aussi faire appliquer la loi martiale, si l'un de nous avait fait quelque chose, vous croyez que l'agent Farmer l'aurait laissé en vie ? renchérit Annabelle.
- Price, on peut les embarquer et on verra plus tard pour le reste...
- Si t'as pas les tripes de faire ce qu'il faut, je m'en occuperai. T'as vu comment ils nous ont accueillis ici tout à l'heure ? C'est le même genre de gars ! Va voir avec Young si elle a pu avoir des infos sur les rebelles.
- Mais Price...
- Miller, c'est un ordre !

Ce dernier s'éloigne à regret, partagé entre ses ordres et les arguments d'Annabelle.

Lorsque Miller arrive auprès de sa collègue, il chuchote :
- Price a complètement pété les plombs.
Young l'emmène un peu à l'écart pour discuter hors de portée d'oreille.

Dans la cour du lycée, Shredder se lève lentement. Price tourne sa mitraillette vers lui :
- A genoux ! Tout de suite !
- Si tu veux me buter, ce sera debout, en me regardant droit dans les yeux.
- Ça ne ramènera personne, d'un côté comme de l'autre,
Annabelle essaie à nouveau de percer la carapace de Price.
Shredder profite de la distraction pour se jeter sur Price mais celui ci presse la gâchette et une rafale vient l'arrête dans sa course. Brandon hurle :
- Nooonnn !
Tout s'accélère d'un coup. Brandon se précipite à son tour sur Price, Suprême ramasse son arme et Naomi rampe en direction de l'arme de Biz tandis qu'Annabelle essaie de se mettre à couvert.
Le soldat perché sur le Humvee se met à tirer en direction de la cour. Shredder et Drew sont touchés par la salve.
Harold en profite pour se jeter sur Young, il la fait tomber au sol et tente d'attraper son arme. J'attrape Maggie et la cache derrière la roue du camion :
- Reste là et ne bouge pas, je reviens.
Ses yeux me fixent apeurés mais elle me lâche malgré tout.
Miller hurle :
-  Cessez le feu ! Arrête putain ! 

Brandon parvient à mettre un coup dans la mitraillette de Price et la rafale part dans les airs. Après quelques instant de lutte, il lui arrache son arme et lui met un coup de crosse sur la joue. Il tombe à genoux. Suprême est parvenu atteindre son Uzi et tire vaguement en direction du Humvee. Le soldat de la tourelle tire à nouveau, cette fois Naomi et Suprême sont touchés.
Harold parvient à arracher l'arme des mains de Young avant de la mettre en joue. Lui-même est mis en joue par Miller. Je me précipite sur lui et hurle :
- Mais arrêtez les ! Arrêtez ce massacre !
Brandon vide son chargeur sur Price. Young supplie Harold les mains en l'air:
- Tire pas ! Tire pas !
La mitrailleuse du Humvee crache une nouvelle salve de balles mais sans faire de nouvelle victime. Miller implore Harold :
- Ne tirez pas !
- Fais le arrêter ou je la butte !
désignant la mitrailleuse du Humvee.
Miller hurle à nouveau :
- Cessez le feu ! Cooley, arrête de tirer putain de merde !
Le soldat Cooley arrête enfin de tirer. Dans la cour du lycée, Drew, Shredder, Suprême et Price sont venus grossir le nombre de cadavres jonchant le sol. Naomi est blessée au bras, Brandon est déjà en train de s'occuper d'elle. Je ne vois Annabelle nul part.
Harold s'est relevé tenant toujours l'arme de Young, Miller a baissé son arme.
- Je dois aller écouter la radio, c'est urgent, trépigne Young. Harold lui fait signe qu'elle peut y aller.
- Qu'est ce qu'il a votre copain ? demande Miller en désignant Biz du menton.
Celui-ci tient son fusil à canon scié et s'avance calmement en direction du Humvee. Cooley oriente sa mitrailleuse vers lui :
- Hé toi ! Lâche ton arme !
Mais Biz ne semble même pas l'entendre, il avance le regard vide. J'avance de quelques pas dans sa direction mais reste hors de portée de Cooley :
- Biz ? Biz ça va ?
Il tourne doucement la tête vers moi, il lui faut quelques secondes pour me reconnaître.
- Elle est morte putain. Elle est morte, répète-t-il comme pour assimiler la nouvelle.
- Je sais... Je suis désolée.
J'ouvre les bras, l'invitant au peu de réconfort que je peux lui offrir. Il vient contre moi, je le prends dans mes bras quelques instants. Son corps se met à trembler violemment, il pleure. J'entends son arme tomber au sol.
- Bon on arrête les conneries, plus personne ne braque personne ! suggère Miller.
Young est à la radio :
- Répétez. Répétez !
Une voix paniquée hurle :
- Ils sont des milliers ! Ça marche pas de tirer à la tête ou au cœur ! Tirez-vous le périmètre est compromis !
Miller et Young bondissent dans le Humvee. Miller nous crie juste « Planquez-vous on reviendra ! » avant de partir en trombe et nous abandonner là. Frank est toujours dans leur véhicule.

Nous entendons un espèce de brouhaha s'intensifier rapidement dans le quartier. Une foule déchaînée et rageuse se rapproche rapidement.
Dwayne monte à l'avant du camion de transport de l'armée et le démarre. J'attrape la petite Maggie et l'aide à monter à l'arrière. Je vois Annabelle et Harold fouiller à la hâte les corps pour récupérer les armes.
Je monte dans le camion avec Ron, Brandon arrive bientôt. Je l'aide à faire monter Naomi. Biz grimpe à son tour. Annabelle monte à l'avant, Harold nous rejoint à l'arrière.

03h00 : La foule d'enragés est au bout de la rue. Dwayne fonce pour mettre le plus de distance possible entre nous et la horde d'infectés.

Je suis assise au fond du camion, Maggie est collée à ma droite, Ron à ma gauche. Il ne cesse de marmonner quelque chose d'incompréhensible. Je fouille mon sac à dos et donne à Brandon de quoi bander Naomi qui saigne beaucoup. Biz est tombé dans un profond mutisme.
Annabelle ouvre une petite trappe vitrée qui permet la communication entre la cabine et l'arrière du camion. Elle me montre une carte où plusieurs points sont identifiés :
- A priori, ils avaient prévus d'évacuer tout le sud est de Charlotte. Ta maison est dans la zone ?
- Oui mais vu comment ça se passe, j'irai quand même vérifier si mes enfants sont chez moi. Elijah m'a dit que quelqu'un avait frappé à la porte mais il n'avait pas ouvert...


Dwayne doit faire plusieurs détours pour éviter les milliers d'infectés qui s’agglutinent dans les rues. Un hélicoptère survole le quartier. Au bout de longues minutes, nous parvenons dans un quartier résidentiel plus calme. Mes douleurs au ventre ont repris. Elles montent rapidement en intensité.
Le camion stoppe brutalement, moteur en marche.
- Pourquoi on s'arrête ? demande Harold en se tournant vers la trappe mais il voit qu'Annabelle est en train de descendre. Il en fait autant.

Brandon se met en position à l'arrière du camion de façon à surveiller ce qu'il se passe. Naomi me demande d'approcher :
- Ça va Molly ? Tu n'as pas l'air bien.
- Ce sont mes maux de ventre qui reprennent mais c'est plutôt à moi de te demander comment tu vas...
- J'ai eu beaucoup de chance... Ils sont tous devenus complètement cinglés. Avec Scott, on avait nos problèmes mais je ne lui souhaitais pas ça. Il est venu avec Brandon pour me sortir du Concord Mills. Je ne sais pas comment Brandon va s'en remettre.


La voix d'Annabelle retentit à l'arrière du camion :
- Brandon, t'es en état de conduire ?
- Ouais.
- Alors on transvase tout le monde dans le SUV, vous serez mieux. Suis le camion, Dwayne va nous
emmener chez sa sœur.


04h00
Les douleurs sont au plus fort. Les antalgiques qu'Annabelle m'avaient donné ne font visiblement pas effet, les secousses de la voiture n'aident pas.
Brandon râle après Dwayne qui a subitement pris une rue à gauche. J'ai le temps de voir le parc qu'il a voulu éviter, les infectés grouillent sur les pelouses. Des hordes d'infectés semblent se disputer la ville. Nous empruntons un carrefour dont l'une des avenues est complètement envahie d'enragés. Certains se mettent systématiquement à courir à notre suite mais la vitesse des véhicules permet de les distancer rapidement.

Nous atteignons un nouveau quartier résidentiel. Les deux véhicules s'arrêtent l'un derrière l'autre.
- Putain c'est une impasse ! Qu'est-ce qu'ils foutent ? Brandon regarde de tout côté à la recherche d'infectés.
Dwayne descend rapidement du camion et se dirige vers la dernière maison de l'impasse. Annabelle qui a pris la place du conducteur fait signe à Brandon d'avancer le SUV à côté du camion.
Elle désigne le terrain vague qui s'étend devant nous :
- En cas de pépin, on peut descendre par là. Une rue se trouve effectivement en contre-bas.

A notre gauche, Dwayne est précipité au bas des quelques marches qui permettent d'accéder au porche par une infectée qui s'est élancée de l'intérieur de la maison. Elle a traversé la porte d'entrée vitrée, ignorant ses blessures causées par le verre cassé.

- Il faut l'aider ! Je m'écris suppliante. Brandon sort précipitamment de la voiture, Harold descend également du camion. Biz n'est toujours pas sorti de son mutisme, il est imperméable à tout ce qu'il se passe.
Brandon ne peux pas utiliser son arme sans risquer de toucher Dwayne. Harold essaie d'atteindre l'infectée avec son marteau ; à priori, c'est la mère de Dwayne.
Je surveille les alentours, stressée que le bruit n'en attire d'autres. Un infecté arrive en courant à l'autre bout de l'impasse, je hurle pour prévenir les autres. Maggie sursaute à côté de moi.
Annabelle m'a entendu, fait une marche arrière et parvient à l'écraser.
Harold assène un grand coup de marteau sur l'épaule de l'infectée, elle est écartée de Dwayne par l'impact ce qui donne l'occasion à Brandon de tirer. Elle s'effondre enfin. Dwayne reste figé les yeux rivés sur le cadavre de sa mère.


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 Sujet du message: Re: Bérengère
MessagePosté: Sam Avr 28, 2018 11:27 pm 
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Journal de Molly - Séance 17 (28/04/18)

06h00

L’aube commence à poindre doucement, tandis que Dwayne entre dans la maison de sa mère. Je me tourne vers Annabelle, toujours dans le camion de l’armée. Elle fixe le bas du talus devant elle, le visage tendu. Du 4x4, je ne peux voir ce qui l’inquiète. Elle tourne la tête vers moi, nos regards se croisent. Le sien est déterminé. Elle fixe un instant Harold avant d’appuyer sur l’accélérateur du camion et disparaître en bas du talus. Qu’est-ce qu’il lui prend ? Non ! Harold s’avance à l’angle de la maison aussi désemparé que moi. Il s’accroupit brusquement et revient vers le porche. Il jette un œil vers la voiture et lance à Naomi qui s'apprêtait à descendre :
— Il y en a des centaines là-bas ! Elle les éloigne de nous. Ne vous montrez pas, je vais chercher les autres.
Naomi remonte dans le 4x4. Les secondes s’étirent, Harold et les autres ne reviennent toujours pas. Les vagues des contractions s'enchaînent, je me retiens pour ne pas crier. Naomi se tourne régulièrement pour surveiller l’entrée de l’impasse. Elle annonce soudain, apeurée :
— Ils sont là, je les vois.
Je lui ordonne :
— Prends le volant et mets la voiture devant la maison.
Elle s’exécute rapidement. Dès que nous sommes en place, elle commence à paniquer :
— Ils vont nous rattraper, ils sont au bout de la rue.
— Va chercher les autres.
Je me mets au volant tant bien que mal. A l’arrière, la petite Maggie s'agrippe à Ron qui ne cesse de tourner la tête entre la maison et la horde qui approche. Biz est toujours en état de choc.
Ils sont trop nombreux, on ne pourra jamais passer avec le 4x4.
— Ron, emmène la petite à l'intérieur de la maison.
— On ne part pas ?
— On ne passera jamais, il faut se mettre à l’abri. Vite !
Je descends et ouvre la portière arrière :
— Biz, on ne peut pas rester là, c’est trop dangereux. Viens !
— Jesus, il a buté le mec qu’a tué Shredder ? me demande-t-il l’air égaré.
— Oui. Viens avec moi, je t’en prie !
Je l’attrape par le bras et il finit par me suivre. Lorsque nous arrivons à l’intérieur, il y a du sang partout. Harold est dans la cuisine, Brandon, Naomi et Dwayne descendent un escalier. Je leur explique la situation. Nous montons rapidement à l’étage. Brandon ferme les portes à chaque extrémité de l’escalier. Dans le couloir, le cadavre d’un enfant jonche le sol. Un infecté. Nous nous réfugions dans une chambre et attendons dans le silence. Je m’assois dos contre le lit et attrape un oreiller pour étouffer mes gémissements de douleur. Petit à petit, le brouhaha de la foule d’enragés s’intensifie. Ils sont là, ils envahissent la maison. Au bruit de verre brisé et aux grognements, s’ajoutent des coups contre la porte du bas. Naomi essaie de réconforter Maggie qui est terrorisée. Harold est debout près de la porte, son marteau sanglant toujours à la main, un air absent sur son visage.
L’oreiller étouffe à peine le cri de douleur qui m’échappe, mais le bruit de la horde est tellement puissant que les infectés ne doivent pas l’entendre. Ron, assis près de moi pose sa main sur mon épaule.
Naomi s’approche inquiète :
— Qu’est-ce qui t’arrive ? Ton pantalon est plein de sang !
Je sens les regards braqués sur moi. Je ne peux pas leur dire, ils ne comprendraient pas. Le mensonge me vient subitement :
— Je suis en train de faire une fausse-couche.
La honte m’envahit aussitôt face aux regards pleins de sollicitude.
— Je suis désolée, me dit la jeune femme. Qu’est-ce qu’on peut faire pour t’aider ?
— J’ai besoin d’anti-douleurs.
— Dans la salle de bain, il doit y avoir ce qu’il faut, annonce Dwayne.
— Je m’en charge, dit Brandon en s’éclipsant.
Naomi se pose à mes côtés et me caresse le bras. J’avale les comprimés que son petit ami me tend. Un fracas retentit en bas. La première porte a cédé. Des pas précipités résonnent dans l'escalier. Dwayne et Harold sortent de la chambre pour barricader celle de l’étage avec la commode.
Le sang. Mon sang. C’est ce qui les attire ici. Je me tourne vers Naomi :
— Il faut que j’aille dans la salle de bain. Je vais avoir besoin de vêtements de rechange.

7h00

Le bruit de la horde est assourdissant. Je m'assois au fond de la baignoire, rince le sang qui continue de s'écouler entre mes jambes. Naomi dépose le change et récupère mes vêtements souillés pour les mettre dans un sac plastique. Elle retourne auprès de Brandon après m’avoir demandé une nouvelle fois si elle pouvait faire quelque chose. Il n’y a rien qui puisse m’aider. Je dois expier pour mon geste. Je suis épuisée. Les antidouleurs commencent à agir, je me sens étourdie et laisse ma tête reposer contre le bord de la baignoire. Les sons s'amenuisent peu à peu, je sombre...

Quelqu’un me secoue, j’entends une voix au loin. J’essaie de me concentrer dessus.
— Molly ! Molly ! Réveille-toi ! Tu perds trop de sang, m’annonce Naomi inquiète.
Je relève la tête. Une traînée écarlate s’écoule jusqu’à la bonde.
— Il faut qu'on fasse quelque chose, je… je vais t'examiner.
J’articule difficilement :
— Tu n’es pas médecin.
— Non, mais il faut bien tenter quelque chose.
Elle m’aide à sortir de la baignoire et m’allonge sur le sol. La jeune femme attrape une paire de gants dans l’armoire à pharmacie et braque sa lampe torche entre mes jambes.
— Bon, j’y vais. Je ne vois rien, m'annonce-t-elle après quelques instants, il y a trop de sang !
— Il faut… que je reprenne les cachets…
— Quels cachets ?
— Dans mon jean.
Elle s’absente quelques instants et revient avec la plaquette :
— C’est quoi ces médicaments ? C’est toi qui a provoqué la fausse-couche ?
— Annabelle me les a donné pour arrêter l’hémorragie.
Nouveau mensonge. Je ne suis plus à ça près. Naomi semble accepter cette explication. Elle m’aide à me relever. Je me nettoie et me rhabille. Elle me tend une barre de céréales pour que je mange un peu. Nous rejoignons ensuite les autres dans ce qui était la chambre de la sœur de Dwayne. Celui-ci est allongé, yeux fermés mais ne semble pas dormir. Je murmure :
— Désolée pour ta mère. Tu as une idée de où peut être ta sœur ?
— Aucune. À quoi bon ? Ça sert à quoi de continuer ? Y’a pas d’espoir. On retrouvera jamais personne de vivant.
— Je ne peux pas abandonner mes enfants. Je dois savoir.
— Parfois, il vaut mieux rester dans l’ignorance, crois-moi.
— Ouais, il a raison, approuve Biz, assis contre le mur à gauche.
Il se tourne vers moi :
— Tu étais enceinte alors ? me demande-t-il. Ma copine aussi. Les choses allaient changer pour moi... pour nous. Ah ça, elles ont bien changé, ‘tain.
— Je suis navrée.
Il retourne dans son mutisme. Je cherche une position pour soulager la douleur dans mon ventre, mais rien n'y fait. Je me relève, chancelante. Harold s'approche et me demande s'il peut m'aider. Je secoue la tête. Il tend un bras vers moi, m’invitant pour une étreinte :
— On va la retrouver ta famille, t'inquiète pas.
Je hoche la tête en acquiescement. Il me presse un peu plus contre lui. Je lui demande :
— Tu crois qu’elle s’en est sorti ?
— Annabelle ? C’est une lionne ! Elle peut se sortir de tout. J'ai une idée pour s’échapper d'ici, ajoute-t-il.
Je relève la tête et recule d’un pas :
— Quelle idée ?
— Je passe par une fenêtre, grimpe sur le toit et saute sur la maison d’à côté. Par les arbres, je peux sûrement m’éloigner encore un peu.
— Et après ?
— Je redescends au niveau de la rue et j’attire les infectés. Je les emmène loin de vous, et vous, vous retournez dans la voiture.
— Et toi ?
— Vous me récupérez un peu plus loin. Dwayne m’a parlé d’un centre de don du sang.
— Ça parait dangereux ton plan, rétorque Brandon.
— Je peux le faire, assène Harold, sûr de lui.

Pendant les heures qui suivent, je suis incapable de me reposer. Les contractions ne finissent par s'arrêter qu’en début d'après-midi, comme les saignements. Je peux enfin dormir un peu. Je ne suis plus enceinte.

16h30

Brandon fait le point sur la situation. Le bruit diminue progressivement autour de la maison, certains infectés sont partis, attiré ailleurs par quelque chose. Il réexplique le plan d'Harold à tous. La voiture est un peu abîmée par les infectés qui ont tenté de grimper sur le toit, mais devrait rouler. Noémie aurait voulu contacter le Concord Mills par talkie-walkie, pour avoir des nouvelles de son père, mais Annabelle avait le dernier appareil sur elle. Harold a une confiance absolue sur le fait qu'Anna nous attendra chez moi. J’aimerais en être aussi sûre, mais un mauvais pressentiment m’oppresse. Dwayne se propose de faire la diversion car il connaît mieux le quartier qu’Harold. Il a récupéré le sac avec mes vêtements plein de sang pour les attirer. Je m’approche de l’ancien basketteur, lui saisit les bras et demande :
— Tu ne comptes pas faire une mission suicide ?
— Non, bien sûr que non.
Je le fixe intensément, sentant qu'il me cache quelque chose. Il dépose un baiser sur mon front, avant de sortir par la fenêtre et gagner le toit. L'impression d'adieu me glace le sang. Les grognements à l'extérieur reprennent de plus belle. Harold referme la fenêtre, mais surveille l’extérieur. Je m’assure que Maggie a bien compris ce qui va se passer :
— Tu sais ce qu’on va faire ?
— On va retourner à la voiture et aller dans ta maison.
— Oui, on va sortir d’ici. Dehors, il y aura peut-être encore des infectés. Il faudra courir et rester près de nous, d’accord ?
— Tu me diras quand je pourrais ouvrir les yeux ? me demande-t-elle apeurée.
— Oui, ne lâche pas ma main.
Au bout de quelques minutes, les bruits de pas qui s'éloignent dans l'escalier. Le plan semble fonctionner, les infectés quittent la maison. Harold murmure enthousiaste :
— Il est bientôt au coin de la rue.
Il s’exclame soudain :
— Ah merde !
— Qu'est-ce que tu fais ? lui demande Brandon tandis qu’il ouvre la fenêtre.
— Il est dans la merde.
Il saute par la fenêtre sans attendre et disparaît.
— Putain ! C’est pas vrai !
Après de longues minutes, Brandon ouvre la porte de l'escalier. Biz derrière lui pointe son fusil. Il n'y a personne.
— On y va, mais doucement, ordonne Brandon.
Arrivé en bas, il sort de la maison et se met presque immédiatement à tirer. Ron panique et veut rentrer dans la maison bloquant ainsi le passage vers la sortie. Je le pousse en avant :
— C'est pas le moment ! Cours à la voiture !
Il s'exécute. En sortant, je vois Harold à quelques mètres, un infecté a agrippé son T-shirt. Il abat son marteau à plusieurs reprises. Les infectés sont encore trop nombreux et trop près de la maison. Je cours vers la voiture, entraînant Maggie avec moi. J'ouvre la portière arrière et fait monter la petite. Je contourne le véhicule et prends le volant. Je démarre au moment où Ron monte. Naomi reste près de Brandon qui continue de tirer. Biz se rapproche d’Harold et tire à bout portant sur l’infecté. Tout le monde saute dans la voiture. Harold nous annonce que Dwayne ne s'en est pas sorti. C'est la vue brouillée par les larmes que j’appuie sur l’accélérateur.


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 Sujet du message: Re: Bérengère
MessagePosté: Dim Juil 01, 2018 12:48 am 
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Journal de Molly - Séance 18 (30/06/18)

22h45
Je distingue à peine la route devant nous. J'essaie en vain de chasser les larmes d'un revers de manche. Harold pose une main réconfortante sur mon épaule. Après l'avortement et la disparition d'Annabelle, la mort de Dwayne est l'épreuve de trop, celle qui consume l'espoir et le réduit à une lointaine lueur.
— Attention ! crie Brandon à mes côtés.
La voiture vient de buter contre un trottoir. Je donne un coup de volant. Il faut que je me concentre, nous allons enfin chez moi. Aussi faible soit elle, une lueur d'espoir brille toujours pour mes enfants. C'est tout ce qui compte. J'espère qu'Elijah a bien eu mon dernier e-mail et qu'il a mis ses frères et sœurs en sécurité dans le garage. Arthur, mon mari, est une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. Chaque jour passé loin d'eux, le crin s'effiloche un peu plus. J'espère que nous arriverons à temps.
Un crissement de taule me sort de mes pensées. J'ai accroché une voiture qui était abandonnée au milieu de la rue. Brandon m'ordonne de m'arrêter pour reprendre le volant. Un immense incendie nous oblige à faire un détour. La ville est ravagée, je reconnais à peine certains quartiers.
À l'arrière, le talkie-walkie crépite. Je me tourne vers Harold qui fixe l'objet plein d'espoir. Il appuie sur le bouton et attend. La réponse est quasi immédiate :
— C'est Anna. Vous allez bien ?
Elle est vivante !
— Ici Harold, on a connu mieux.
Il lui explique rapidement les évènements après son départ précipité avec le camion et lui apprend la mort de Dwayne. Nous nous donnons rendez-vous sur un pont qui devrait nous permettre de traverser l'interstate et d'éviter les hordes d'infectés qui hantent désormais les grands axes.
Lorsque nous arrivons sur place, nous retrouvons Annabelle non pas dans le camion de l'armée mais dans un 4x4. Trois hommes sont avec elle. Brandon nous demande de rester à l'intérieur tandis qu'il s'avance vers l'autre véhicule. Harold ne résiste pas et le rejoint rapidement. Les gens du 4x4 descendent de leur véhicule. Harold et l'un des hommes observent le pont. Un camion accidenté encombre une bonne partie des voies. Naomie ouvre sa portière, je ne résiste pas plus longtemps et l'imite. Je me précipite vers Annabelle et la serre dans mes bras :
— Je ne pensais pas te revoir vivante !
Elle m'étreint brièvement avant de se libérer, peu à l'aise de cette démonstration d'affection. Elle se tourne vers la petite Maggie, la salue et l'examine rapidement. Elle est toujours très déshydratée et nous devrons nous assurer qu'elle boive régulièrement.
Harold et l'autre type se sont avancés sur le pont. Les véhicules peuvent passer à côté du camion mais une voiture s'est encastrée dans le parapet juste derrière. Il va falloir la déplacer. Les hommes s'y mettent à six. Je reprends le volant de la Jeep, Naomi celui du 4x4. Maggie est montée avec moi. Je l'observe un instant dans le rétroviseur. Elle ne parle quasiment pas et a le regard apeuré en permanence. Mes enfants auront-ils ce regard-là ?
Naomi s'est positionnée devant. Anna est avec elle, debout, la portière ouverte, elle surveille les alentours. Les hommes doivent s'y reprendre à deux reprises pour dégager la voie. L'agitation a réveillé les infectés de l'interstate qui commencent à grimper la pente de chaque côtés du pont. Tout le monde regagne les voitures. J'appuie sur l'accélérateur alors que les premiers enragés tentent de nous barrer la route. Brandon m'ordonne de foncer. J'écrase la pédale au plancher et ferme les yeux au moment où le pare-choc avant percute un homme au visage couvert de sang. Je les rouvre sur une route dégagée. Dans le rétroviseur, un groupe de poursuivants est rapidement semé. Loin du centre-ville, nous pouvons circuler plus facilement. Je double le 4x4 et emmène notre groupe vers ma maison. Une sensation d'irréalité me saisit alors que nous passons le panneau Mint Hill. Les rues sont quasiment désertiques, les boîtes aux lettres parfaitement alignées, comme si rien n'avait changé. Une chaussure abandonnée sur la chaussée, une poubelle renversée et plus loin, une vitre cassée sont les seuls signes d'une paix troublée. Nous y sommes, je gare la voiture le long de la route qui passe juste derrière mon quartier. Un bosquet d'une dizaine de mètres me sépare maintenant de mon jardin. Les autres discutent, ils veulent établir un plan, me posent des questions. Tout ce que je veux, c'est qu'on se mette en route. Mes enfants sont là, juste derrière...
Je n'en peux plus et fais quelques pas en direction des arbres. Naomi me retient par le bras :
— N'oublie pas, quoiqu'il arrive, on sera là pour toi.
Quoiqu'il arrive. J'accélère encore le pas. Harold et un certain Tony passent devant moi. Ils vont aller vers le garage, voir si les enfants s'y trouvent bien. Nous quittons le couvert des arbres, un grondement incessant me fait tourner la tête. Deux maisons plus loin, une centaine d'infectés a pris d’assaut une maison. Ils ne peuvent pas nous voir.
La silhouette de ma maison se dessine au bout du terrain, je cherche un signe de vie de mes enfants mais elle est plongée dans le noir. Nous nous rapprochons, à couvert des massifs de fleurs qui ornent le jardin. Harold et Tony se faufilent vers le garage. Je fais machinalement un pas en avant lorsqu’ils disparaissent de ma vue. Annabelle me retient, bientôt rejointe par Naomi. Les secondes s’écoulent lentement, l’attente s’avère une torture insupportable. Je tente de me dégager les bras, Annabelle resserre un peu plus sa prise :
— Il faut que je sache !
— Tu vas savoir, patience.
Un mouvement attire mon regard vers le bureau d'Arthur. La silhouette de Zoé se détache dans l'ombre. La joie qui s'empare de moi est aussitôt étouffée. Ma fille est couverte de sang. Ses yeux vides fixent un point au loin. Je m’effondre à genoux. Mon bébé, ma petite espiègle...
Annabelle me serre dans ses bras et murmure à mon oreille :
— Ce n'est pas fini. C'est pas fini, répète-t-elle. Il y a les autres.
Je tente de me calmer pour ravaler le cri coincé dans ma gorge. Je peine à respirer mais je tente de me relever. Il faut que je sache. Annabelle accompagne mon mouvement mais ne me lâche pas :
— Ils vont revenir.
Mes les minutes s'écoulent, impitoyables. Lorsque Harold et Tony réapparraissent, Anna me relâche enfin. Harold semble chercher ses mots, il prend une grande inspiration :
— Molly, je suis désolé.
Annabelle demande sans détour :
— Combien ?
— Deux dans le garage. Une petite fille...
Eve.
— ... et un garçon de dix ou douze ans.
Aaron.
Mes jambes tremblent, je tombe à genoux en étouffant un gémissement. Je ne peux plus respirer, je n'entends plus rien que cette douleur qui creuse mes entrailles. Inspirer, expirer, inspirer, expirer. Les murmures des autres deviennent plus clairs. Ce Tony pense que les enfants ont pu se réfugier dans cette maison cernée par les infectés, Harold veut inspecter la mienne pour s'assurer qu'il n'y a plus personne. Il commence à s'éloigner mais Annabelle l'attrape par le bras :
— Pas tout seul.
Un cri de douleur provenant du bureau fait frémir tout le groupe.
Zoé.Ma fille souffre, elle a besoin de moi.
Je me relève brusquement et fonce vers la baie vitrée. Tony esquive un mouvement pour m'arrêter. Trop tard. Harold bondit devant moi et m'oblige à reculer. Je lutte mais il est plus fort que moi. Il m'attire en arrière et nous tombons entre les rosiers. Il plaque une main sur ma bouche pour atténuer le bruit de mes sanglots. Il ma garde contre lui tandis que Tony et Brandon vont tenter d'attirer Zoé dans le garage avec les autres pour les y enfermer.
Annabelle surveille les alentours. Elle aperçoit un homme sur le toit de la maison assiégée. Elle tente de lui signifier notre présence par des signaux lumineux avec sa torche mais l'homme ne regarde pas dans cette direction. Je me redresse, il me semble reconnaître un voisin dont j'ai oublié le nom.
Brandon ouvre la porte fenêtre et nous fait signe d'entrer. Les traces de sang un peu partout dans la pièce contractent mon estomac. Annabelle me suggère d'aller faire mes adieux aux petits, au travers de la porte de la cuisine. Je sors dans le couloir. Brandon, suivi de Tony, monte à l'étage. Un grognement retentit. L'instant d'après, Tony bondit au dessus de la rambarde alors que Brandon est propulsé en bas de l'escalier. Un adolescent se redresse au dessus de lui, une batte de baseball levée. J'ai l'impression de prendre un coup de poing dans l'estomac lorsque je reconnais mon aîné. Je crie pour l'empêcher abattre son arme sur la tête de Brandon :
— Eli !
Ce n'est pas le doux regard de mon fils qui se tourne vers moi. Ces yeux-là sont rougis et vides de toute humanité. Elijah bondit vers moi. Par réflexe, je lève ma batte de baseball entre nous. Sa force me fait basculer en arrière. Il m'écrase et cherche à mordre ma gorge. Harold le repousse et Tony abat son marteau contre sa tempe. Le craquement écœurant me fait sombrer dans un abîme de douleur. Je rampe jusqu'à lui. Ma main se tend, tremblante. Je caresse les quelques mèches de ses cheveux qui ne sont pas souillées de matière. Je serais prête à mourir pour le voir sourire ou passer la main dans ses cheveux pour leur donner cet effet coiffé décoiffé qui m'amusait tant.
Une petite voix retentit à l'étage malgré les coups qu'Arthur donne contre la porte de notre chambre.
— Maman est là ?
L'adrénaline envahit mes veines. D'un bond, je me redresse et franchis les marches quatre à quatre vers la de Luke. Mon petit bonhomme est là, il me tend les bras, bien vivant. Je le serre contre moi, respire l'odeur de sa peau, de ses cheveux. Il est en pleurs, moi aussi. Annabelle et Tony referment la porte de la chambre pour camoufler le bruit. Je regarde mon fils sous tous les angles pour m'assurer qu'il n'est pas le fruit de mon imagination :
— Tu vas bien, tu es blessé ?
— Non, ça va.
— Ethan était avec vous ?
— Non mais Elijah lui a parlé. Je sais pas où il est. Eli m'a dit de te dire qu'il t'aime très fort.
L'émotion me serre la gorge, je presse mon petit garçon contre moi.
À l'extérieur, une détonation retentit, aussitôt suivie des grondements des centaines d'infectés alentours. Nous nous précipitons au rez-de-chaussée. Dehors, les infectés sont occupés à dévorer le corps de l'homme du toit. Nous parvenons à regagner les voitures. Je ne sais pas où nous allons. La seule chose dont je sois sûre, c'est que je ferai tout pour protéger Luke, blotti contre moi. Il redresse subitement la tête et me fixe de ses grands yeux marrons :
— Maman, j'ai oublié ! Elijah m'a aussi de dire "pardon d'avoir menti".
Je serre les lèvres et ravale la boule d'émotions qui me serre la gorge. Ils étaient malades depuis le début et il a voulu quoi ? M'épargner plus de souffrance ? J'aurais dû rentrer plus vite à la maison, ôter ce fardeau de ses épaules. C'est moi qui aurait dû prendre soin de ma famille et je n'étais pas là.


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 Sujet du message: Re: Bérengère
MessagePosté: Lun Juil 23, 2018 8:44 am 
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Journal de Molly - Séance 19 (22/07/18)

01h00
Les phares des voitures percent la nuit noire tandis que nous roulons vers Fort Bragg. Le paysage défile lentement alors que nous nous éloignons de la banlieue de Charlotte, de chez moi, de ma maison. Je ne sais pas si je reviendrais un jour ici. Je serre Luke un peu plus fort contre moi et sens peu à peu son corps se détendre. Combien de temps a-t-il passé dans cette chambre, seul, sur le qui-vive, terrorisé à l'idée que son frère puisse s'en prendre à lui ?
Je n'ai pas pu dire adieu à mon mari, ni à mes enfants. Dans l’urgence, je n'ai rien pu emmener d’eux, pas même une photo. Ils n'ont pas eu le droit à une tombe et l'idée qu'ils puissent hanter les lieux à jamais me fait frissonner.
Brandon est au volant. Guidé par Annabelle, il fait de nombreux détours pour éviter les autoroutes et les villes, envahies d'infectés. Le trajet qui devrait prendre moins de trois heures en temps normal s'éternise.

04h00
Notre vitesse ralentit jusqu'à ce que nous soyons complètement immobilisés au milieu d’une route bordée d’arbres. Brandon baisse la vitre et fait signe au véhicule derrière nous d’avancer. Bobby John arrive à pied à notre hauteur :
— Qu'est-ce qui se passe ?
— Pourquoi tu t'es pas garé à côté ? C'est dangereux de sortir à pied comme ça et regarde devant.
La route est bloquée par un poteau électrique qu'un camion est venu percuter.
— Prends ça et retourne à l'abri, ordonne Annabelle en lui tendant un talkie-walkie.
Le talkie crépite quelques instants plus tard. Bobby nous prévient qu'il a vu du mouvement dans un buisson à l'arrière du camion.
Alors que chacun réfléchit au meilleur moyen de passer, Harold descend de voiture, impatient. Annabelle tente de l'en dissuader, sans succès. Elle descend à son tour, espérant le faire changer d'avis. Mes battements de cœur s'accélèrent alors que je les regarde s'éloigner. Je scrute inquiète les alentours.
À la lumière des phares, Harold lève puis abat son marteau. Probablement le chauffeur. L’air satisfait sur son visage lorsqu'il revient vers les voitures est déstabilisant. Au lieu de le suivre, Annabelle se dirige vers la cabine, son fusil pointé vers l’avant.
Devant moi, Brandon s’agace contre Harold. Il en a assez qu'il se comporte constamment comme une tête brûlée. Naomi partage son point de vue.
— Si même Annabelle ne peut pas le retenir, je ne vois pas ce qu'on peut faire de plus, dis-je tout bas.
— C'est pas faux, admet Brandon qui semble un peu moins tendu.
Annabelle démarre le camion et effectue quelques manœuvres pour le dégager de la route. Harold attend qu'elle soit revenue à sa hauteur avant de remonter dans la voiture.
Nous pouvons enfin repartir, le trajet qui nous attend est encore long. Lorsque j'aperçois un panneau Morrow Mountain, je rappelle aux autres que mon chalet familial est tout proche, mais tous semble décidés à atteindre Fort Bragg au plus vite.
Bercée par le ronronnement du moteur, je ferme les paupières et cale ma tête contre la vitre. Mon esprit divague et me ramène dans mon jardin. Zoé est là, derrière la baie vitrée, couverte de sang. Elle tourne son regard vide vers moi et pousse un hurlement de douleur.
Je rouvre les yeux, le souffle haletant. Luke est toujours blotti contre moi, profondément endormi. Je dépose un baiser sur sa tête et hume ses cheveux.
La route est bordée par une forêt qui laisse place de temps à autre à quelques maisons éparses. À l’horizon, la cime lointaine des arbres commence à se teinter d’une lueur rouge, à peine visible.
Dans le talkie, Tony s’inquiète du lever du soleil imminent. Les deux tout-terrain s’arrêtent quelques instants côte à côte pour une concertation. Annabelle voudrait qu’on essaie de traverser la prochaine ville et si ça se passe bien, continuer jusqu’à la base militaire. Harold, sans surprise, est d’accord avec elle. Qu’est-ce qu’il leur prend de vouloir traverser cette ville en plein jour ? Après tous les détours qu’on a dû faire depuis que nous avons quitté Mint Hill…

— C’est trop dangereux, on devrait trouver un abri, dis-je sans espoir.
— Moi, je suis d’accord avec la dame, là, me soutient Jim. En plus, je suis pas sûr que les militaires pourront nous protéger. De ce que j’ai pu voir, ils avaient l’air débordés par la situation.
— On ne peut pas savoir tant qu’on n’y sera pas, lance Annabelle.
— Tout le monde est fatigué, on ferait mieux de s’arrêter et se reposer plutôt que de prendre des décisions inconsidérées, rétorque Naomi.
Brandon qui était resté silencieux jusque-là relève la tête qu’il avait appuyée contre le volant :
— Bon, on tente et si ça va pas, on fera demi-tour.

Un dégradé de feu repousse progressivement les ténèbres et le premier rayon du soleil s’étire jusqu’à nous. Notre convoi pénètre à peine dans la banlieue de Troy que des dizaines d’infectés se lancent à notre poursuite. Certains essaient de se jeter devant la voiture, d’autres frappent contre la carrosserie.
Luke se réveille en sursaut et hurle de terreur. Je le serre contre moi, et caresse ses cheveux pour tenter de le calmer. Je lui murmure sans en être convaincue :
— Ça va aller, ça va aller.
— Ça va pas le faire, concède Annabelle.
Brandon bifurque à gauche, puis encore à gauche et nous fait ressortir du quartier. Il accélère pour semer nos poursuivants avant de s’engager sur un petit chemin secondaire. Annabelle lui montre un panneau au bord de la route. Il prend la sortie suivante qui nous mène sur un petit sentier cabossé qui débouche sur un chantier de construction. Les camions et engins présents sont à l’arrêt. Les moteurs des voitures sont coupés. Rien ne bouge, mais les cris et grognements de nombreux infectés nous parviennent. Luke émet un petit gémissement. Le chantier culmine sur une petite colline. En contrebas, je peux voir la route qui nous a mené à Troy et de l’autre côté, une zone commerciale. Le grondement semble provenir des bâtiments de cette zone. Je murmure à l’oreille de mon fils :
— Luke, on les entend, mais ils sont loin. Ils ne peuvent pas nous voir.
Cela semble le rassurer légèrement.
Nous descendons des voitures. Harold, Brandon, Annabelle et Bobby John partent inspecter les préfabriqués. Nous avons à peine le temps de souffler qu’un infecté fracasse une vitre et se jette sur Bobby John. Brandon reste surpris par l’attaque. Immédiatement, je fais monter Luke dans le 4x4 et me met au volant, Naomi grimpe avec moi. Jim fait de même dans le second véhicule. Ron, Maggie et Biz montent avec lui.
Un second infecté agrippe Annabelle à travers la fenêtre. Harold se jette immédiatement sur lui et le repousse à l’intérieur à coups de marteau. À deux contre un, ils ont du mal à venir à bout de l’enragé à la carrure imposante.
Jim commence à reculer avec son 4x4. Je descends précipitamment et lui fais signe d’arrêter. Il stoppe et lève les mains en l’air, comme s’il n’avait pas voulu déplacer la voiture. À l’intérieur de l’habitacle, Biz prend Jim à partie. Je les laisse et retourne auprès de Luke.
Tony va prêter main forte à Bobby John et Brandon. Ils finissent par venir à bout de l’ouvrier.
Anna nous fait signe, le bâtiment est maintenant sécurisé. Je sors. Derrière, Biz descend le premier et contourne la voiture. Il ouvre la portière conducteur, empoigne Jim et le jette au sol sans ménagement :
— Espèce de connard ! T’allais te barrer sans eux !
— Non, je sais pas conduire, j’ai pas fait exprès !
Annabelle s’approche et pose une main sur l’épaule du jeune excité :
— Viens, faut rentrer maintenant.
— Mais il a essayé de se barrer sans vous !
— J’ai pas fait exprès, supplie Jim.
— Toi, la ferme ! Biz, il faut rentrer, on verra ça plus tard.
Jim essuie ses lunettes sur son T-shirt, se relève et se dirige d’un pas pressé vers le préfabriqué.
Je pose mes mains sur les yeux de Luke le temps que les corps soient déplacés. Ron ouvre une porte au fond et nous invite à le suivre dans ce qui doit être la salle de repos des ouvriers. L’équipement est sommaire mais fera l’affaire : quelques lits de camp, une table, des bancs, et une étagère avec quelques victuailles.
— Maintenant qu’on est en sécurité, tout le monde se calme et se repose ! ordonne Brandon, l’air épuisé.
J’installe Luke sur l’un des lits et sort la bouteille d’eau et quelques gâteaux secs de mon sac. Il semble affamé et dévore le tout avec appétit. Une seule bouchée m’aura suffit pour comprendre que les nausées n’ont pas encore complètement disparues. Je renonce à manger quoi que ce soit.
— Maman ? Comment papa peut être au Paradis alors qu’il tape contre la porte de la chambre ?
La question me fait l’effet d’un coup de poing dans l’estomac. Je prends une inspiration avant de répondre :
— Tu ne l’as pas vu, mais papa est mort dans notre chambre. Son âme est montée au Paradis à ce moment-là. Celui-qui frappait contre la porte, ce n’était plus vraiment ton papa.
Il se blottit contre moi et pleure à gros sanglots. Je le berce doucement jusqu’à ce qu’il s’endorme. Je le dépose ensuite sur le lit et m’assoie près de lui, contre le mur. Je ne veux pas dormir et risquer de nouveaux cauchemars.
Chacun se restaure, sauf Annabelle qui se contente de boire un peu d’eau tout en fumant une cigarette. La petite Maggie se glisse sur les genoux de Bobby John. L’homme lui fait penser à son grand-père.
— Bon, qui prend le premier tour de garde ? demande Brandon.
Je me lève aussitôt :
— Moi !
— Tu es sûre ? Ok. Ron, tu prendras le suivant, ensuite tu me réveilles et Harold, tu finiras ?
— Pas de problème.
— Attendez-là ! lance Jim. Vous ne voulez pas qu’on discute un peu, qu’on s’organise pour la suite ?
Brandon pose une main sur l’épaule de Jim :
— Si, mais pas maintenant. Là, on est tous crevés.
Les uns et les autres trouvent un coin où se poser. Annabelle quitte la petite pièce, suivie par Harold :
— Où tu vas ?
— T’es ma mère ? demande-t-elle sans s’arrêter.
— Anna, souffle-t-il le ton implorant.
— T’inquiète ! lance-t-elle dans une imitation parfaite du jeune homme.
Il revient quelques instants plus tard, l’air vexé. Brandon lui demande :
— Où elle va ?
— Dormir dans une voiture.
Brandon lâche un profond soupir mais renonce à faire quoi que ce soit. Il s’allonge près de Naomi et ferme les yeux.

Malgré les stores baissés, le soleil pénètre dans la petite salle occupée par notre groupe. Les respirations ralentissent et les corps se détendent lentement. Ma vessie se rappelle à moi. Je jette un oeil à Luke, il dort d’un sommeil agité. Je dépose un baiser sur son front, ce qui semble le calmer un peu.
À l’extérieur du bâtiment, je jette un œil sur le chemin par lequel nous sommes arrivés, ma batte de baseball serrée entre mes mains. Tout semble calme. Annabelle est invisible dans la voiture. Je prends la direction opposée et avance jusqu’à l’angle du mur. La terre est meuble sur tout le chantier. Je m’agenouille et creuse un trou avec mon couteau. J’essuie mes mains sur mon jean puis sors un tampon et une serviette hygiénique de ma poche et baisse mon pantalon. Je constate que je saigne encore beaucoup. Après avoir soulagé ma vessie, je remonte mon jean tout en rebouchant le trou du pied. Un grognement me fait lever la tête vers la forêt devant moi. Un adolescent rondouillard à l’arcade sourcilière enfoncée sort du couvert des arbres. Il semble humer l’air à la recherche d’une odeur. Mon sang, ça ne peut être que ça. J’attrape ma batte contre le mur et me met à courir dans le chemin vers l’autre bout du bâtiment. Je ne veux pas mettre le groupe en danger mais il faut que je prévienne Anna qui me paraît vulnérable, seule dans cette voiture. Je sprinte sans regarder derrière moi. Les cris et grognements me confirment qu’il s’est lancé à ma poursuite. Alors que je longe les voitures, je donne des coups de batte contre la carrosserie pour la réveiller, si ça n’était pas déjà le cas. Je cherche un abri, un de ces camions le long du chemin peut-être ?
Derrière moi, un bruit de choc. J’ose un coup d’œil par dessus mon épaule. Anna a ouvert sa portière, l’infecté est à terre. Je fais demi tour. Elle grimpe sur le toit et crie à mon intention :
— Au dessus ou en dessous !
Elle attire l’infecté à l’autre bout de la carrosserie. Je fonce et me glisse sous la voiture avant qu’il ne me remarque. J’entends des bruits de course. J’aperçois Harold et Brandon qui arrivent en courant. Anna fait toujours distraction ce qui permet à Harold d’arriver dans le dos du jeune enragé. Il lui brise le genou avant de l’achever au sol. Je sors de ma cachette. Brandon n’a pas le temps de me demander des explications que j’entends la voix paniquée de mon fils :
— Maman ? MAMAN ! MAM…
Sa voix est étouffée brusquement.
— Je suis là ! Je suis là ! Je suis désolée, dis-je en lui ouvrant les bras.
La voix de Brandon retentit à l’extérieur :
— Ils arrivent ! Aux voitures !
J’attrape Luke et court jusqu’à la Jeep. Mon sac ! Tant pis, je ne prends pas le risque de faire demi-tour. Brandon est déjà derrière le volant et démarre le moteur. Anna s’installe à l’avant. Biz, Naomi et Harold grimpent avec nous. Les voitures quittent le chantier alors que les premiers infectés parviennent à grimper la colline. Ils sont rapidement distancés.
L’ambiance dans la voiture est pesante. Je sens les regards lourds de mes compagnons. Brandon se décide à briser le silence :
— Molly, mais qu’est-ce qu’il s’est passé ?
La voix hésitante, je m’explique :
— J’avais juste envie de faire pipi et comme je saigne encore beaucoup, j’ai dû changer de protections hygiéniques. Il a senti le sang. Mais je les avais enterrées tout de suite ! Je suis désolée.
— Bon, la prochaine fois, on fera des tours de garde deux par deux, annonce-t-il d’un ton sec.
Un profond sentiment d’injustice s’empare de moi. Je marmonne :
— Si on n’avait pas traversé cette ville en plein jour, on n’en serait pas là...


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 Sujet du message: Re: Bérengère
MessagePosté: Lun Sep 03, 2018 1:58 pm 
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Journal de Molly - Séance 20 (02/09/18)

vendredi 18 septembre, 08h00

Les deux voitures se sont arrêtées devant une maison isolée. Tout semble calme ici, j'espère que nous allons avoir un peu de répit. Un petit groupe est parti explorer la maison, Harold en tête. Au bout de quelques minutes, Tony nous fait signe d'entrer. Les meubles couverts de draps et de plastique donnent l'impression que le temps s'est arrêté ici. Bobby John disparaît dans une chambre, à droite de l’entrée, une bouteille de whisky à la main. Il ferme la porte derrière lui. Je repère une autre chambre sur la gauche et j’y emmène Luke. Ron me suit, accompagné de la petite Maggie. Celle-ci me demande :
— Il est où papy ?
— Il vaut mieux le laisser se reposer. Reste avec nous ici.
De grosses larmes perlent aux yeux de la petite fille, déçue de ma réponse. Elle se couche en position fœtale sur le lit et pleure doucement. Luke la rejoint et tente de la réconforter. Ron fouille le placard et nous tend des couvertures et des oreillers. J'installe les enfants. Dans la pièce principale, Naomi, Brandon et Biz déchargent les sacs et les armes sur la table de la salle à manger. Épuisée, je me résous à m'allonger auprès de mon fils. Annabelle passe dans la chambre, une casserole d'eau chaude fumante à la main, et s'enferme dans la salle de bain. Elle ressort au bout de quelques minutes et murmure à Ron et moi :
— Il y a de l'eau chaude si vous voulez en profiter.
Je suis trop éreintée pour me relever maintenant. Ron me conseille de dormir pendant qu’il monte la garde. Je me laisse aller peu à peu au sommeil.

Je suis dans mon jardin, Arthur et les enfants sont là, jouant et riant ensemble. Ils se tournent soudainement vers moi. Leurs visages sont couverts de sang, leurs regards sont vides. C’est de ma faute s’ils sont comme ça. Ils avancent vers moi, mais la terreur me paralyse.
Je me réveille dans un hurlement. Les enfants sursautent et se mettent à pleurer, Ron bondit de sa chaise :
— Tout va bien, Molly. C'était juste un mauvais rêve.
J'essaie de rassurer Luke et Maggie alors que toute la maison s'affole suite à mon cri. Ron passe la tête à la porte de la chambre :
— C'est rien, du calme. Molly a fait un cauchemar.
Impossible pour moi de me rendormir après ça. J'attends que Luke sombre à nouveau dans le sommeil pour quitter la chambre. Je vais dans la cuisine et me sert un grand verre d'eau. Annabelle me rejoint et me tend un comprimé :
— Tiens, avale ça.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Un anxiolytique, ça t’aidera à te détendre et à dormir.
— Mais je ne veux pas dormir.
— Il le faut. Tu dois te reposer pour prendre soin de ton fils.
— Tu ne comprends pas. Je… je les vois dans mes cauchemars… C’est de ma faute s’ils sont morts.
— Non, tu n’es pas responsable.
— J’aurais dû rentrer tout de suite à la maison...
— Il faut que tu arrêtes de rejouer le scénario, ça ne sert à rien. Maintenant, tout ce qui compte, c’est Luke et Ethan. Ça doit être ça ta priorité.
J’avale le cachet sans conviction.
— Je ne sais même pas où est Ethan.
— Il y a de l’eau chaude dans la salle de bain, tu devrais en profiter et te recoucher ensuite.
Lorsque je passe dans la chambre, Luke s’agite dans son sommeil. Je dépose un baiser sur son front avant de passer dans la salle de bain. L’image que me renvoie le miroir n’est pas glorieuse. Mes cheveux sales sont emmêlés, les cernes marqués sous mes yeux et mes traits tirés me donnent l’impression d’avoir pris dix ans en quelques jours. Je passe rapidement la main dans la masse de mes boucles rousses et tente de leur donner meilleur aspect. Je m’asperge le visage et procède à une rapide toilette. Séchée et rhabillée, j’ouvre la porte sans faire de bruit. Luke bondit devant moi, un léger sourire aux lèvres :
— Tiens maman ! C’est pour toi !
Il me tend un petit paquet, emballé dans du papier journal. Surprise, j’ouvre le présent : une photo de notre famille. Une boule d’émotion me serre immédiatement la gorge.
— C’est toi qui a fait ça ?
— Oui !
Je prends mon fils dans mes bras :
— Merci beaucoup. C’est un cadeau très précieux.
Alors que nous restons dans les bras l’un de l’autre, je ne peux m’empêcher de me demander à quel moment il aurait bien pu penser à prendre cette photo, vu la situation dans laquelle il se trouvait à la maison. D’ailleurs, elle était accrochée dans le couloir, sur le mur et bien trop haut pour lui. Est-ce qu’Elijah lui a donné avant de l’enfermer dans la chambre ?
— Maman ? me demande-t-il de sa petite voix. Est-ce qu’on peut prier pour eux ?
Arthur aurait été fier de lui.
— Bien sûr, viens.
Je referme la porte de la salle de bain et nous nous agenouillons côte à côte.
Pendant dix-huit ans, je n’ai été qu’une épouse et une mère. Lorsque j’ai commencé à souhaiter autre chose dans ma vie, lorsque j’ai refusé cette dernière grossesse, j’ai perdu mon mari et quatre de mes enfants. Dieu m’a-t-il punie ? Existe-t-il réellement ? Arthur me dirait que c’est dans les moments les plus difficiles qu’il faut garder la foi. Mais, Arthur n’est plus là. Alors au lieu de prier, j’observe mon fils. Les mains jointes et les yeux fermés, il est concentré. Qu’a-t-il vu exactement ? A-t-il assisté à l’agonie de ses frères et soeurs ? Je n’ai pas envie de le submerger de questions. J’espère qu’un jour, il trouvera la force de me parler. Moi, je suis tiraillée entre le vide que laissent Arthur, Eve, Zoe, Aaron et Elijah, la joie d’avoir retrouvé Luke, l’espoir et le désespoir de retrouver Ethan vivant. Cette ambivalence constante de sentiments est déchirante. Je choisis de me concentrer sur mon petit garçon à cet instant. Il est bien vivant, juste-là, et il a besoin de moi.
Il rouvre les yeux et me sourit. Ce moment nous fait du bien à tous les deux. Je glisse la photo dans la poche intérieure de ma veste et nous retournons nous coucher.



16h00

Un nouveau cauchemar me réveille brusquement. Au moins, je n’ai pas hurlé cette fois. Je me lève discrètement et me dirige dans la cuisine. Mon estomac crie famine. Les placards sont désespérément vides. Je me rabats sur une tasse de café. Anna est assise sur un fauteuil du salon, les jambes en tailleur, un ordinateur portable sur les genoux.Ce n’est pas celui qu’elle trimballe avec elle habituellement. Je m’approche et reconnais celui d’Elijah.
— J’essaie de retrouver les échanges entre tes fils, mais je ne vois aucun emails entre eux, m’explique-t-elle en me voyant arriver.
Elle me tend l’objet, l’air impuissant.
J’essaie de me rappeler le nom de l’application qu’ils utilisent tout le temps… Je clique sur l’icône, une fenêtre apparaît. Pour récupérer l’historique des conversations, il faut entrer des lignes de commandes. Je n’ai aucune idée de ce qu’il faut saisir. Je demande à ceux qui sont réveillés si quelqu’un sait utiliser cette application, sans succès. Il faudra que je vois si Ron peut m’aider lorsqu’il sera réveillé. J’éteins l’ordinateur pour économiser ce qu’il reste de batterie.
Naomi et Jim sont affairés dans la cuisine, je me joins à eux pour préparer le repas. Brandon et Annabelle commencent à discuter de ce qu’il convient de faire pour la suite et de l’organisation du groupe. Le jeune homme a reconsidéré son idée d’aller à Fort Bragg. En repensant aux évènements récents du lycée, il doute que les militaires accueillent tout le monde les bras ouverts ou même qu'ils soient capables de nous protéger. Annabelle est plus nuancée. Elle a pu voir des militaires tenter d’aider Tony et Bobby John. Fort Bragg est une grande base militaire. Les soldats auront là-bas une force de frappe plus importante. Le risque, en revanche, est que les civils soient désarmés et mis en quarantaine en arrivant, puis parqués dans des camps fermés. Pas sûr qu'ils aient ensuite une liberté d’action très étendue. Jim explique que les soldats qu’il a vu avaient plutôt l'air débordés par la situation. Il ne pense pas qu'ils pourront nous aider ni nous protéger.
Brandon attend que Tony et Ron soient réveillés pour proposer un conseil. L'idée est de définir où nous allons ensuite et d'organiser un peu mieux le groupe. Il est rapidement établi que personne n'a envie de se rendre à Fort Bragg. Annabelle propose qu'on essaie de trouver une maison isolée. Elle a en tête le bâtiment des gardes forestiers aperçu plutôt sur la route. Il y avait de l'électricité là-bas, reste à déterminer si les lieux sont habités. Il serait alors possible de prendre des bateaux et remonter la rivière pour trouver une zone isolée, loin des grandes villes. Je rappelle à tous que le chalet de mes parents se trouve non loin de là et qu'il est même accessible par la route. L'approvisionnement en nourriture sera notre problème principal. Le chalet est en bord de rivière et nous permettrait de pêcher. Il faudrait aussi peut-être chasser ou trouver d'autres sources d'approvisionnement. Tout le monde semble s'être mis d'accord sur ce prochain objectif. Tony réserve sa décision pour le moment, jusqu'au réveil de Bobby John qui cuve encore son whisky.
Nous prenons quelques minutes pour partager nos informations sur les infectés. Certains ont des comportements étranges, comme utiliser des outils ou essayer d’ouvrir une porte. Il semblerait également qu’une balle dans la tête de les arrête pas à tous les coups. À l’inverse, le torse, au niveau du cœur, resterait un endroit à cibler pour les achever. Annabelle se demande si nous ne pourrions pas utiliser leur propre sang comme camouflage. En effet, les infectés ne s’attaquent pas entre eux et ne réagissent pas les uns par rapport aux autres. Comment s’identifient-t-ils ?
Le conseil semble toucher à sa fin lorsque, à ma grande surprise, et à celle d'Annabelle, Harold s'avance et prend la parole :
— Quand on partira, toi, annonce-t-il à Jim, tu resteras ici.
L'intéressé semble surpris et blessé :
— Quoi ? Comment ça rester ici ?
Tony s’interpose entre les deux :
— Qu’est-ce qui t’arrive, là ?
— C’est un faible, on n’a pas besoin de lui.
— Dans ce cas-là, reprend Tony, on n’a qu’à abandonner les gosses !
— Non mais les gosses, c’est pas pareil...
Je l’interpelle :
— Et moi, dans quelle catégorie tu me mets ?
— Toi, tu es forte Molly.
— Forte ? Ce n’est pas l’impression que j’ai.
Tony le prend à partie :
— Et puis ça veut dire quoi être faible, être fort ? D’accord, tu es balèze quand il s’agit d’affronter les malades, mais tu ne connais pas les compétences de Jim. Peut-être que demain, il pourrait te sauver la mise.
Annabelle expire la fumée de sa cigarette et lance à l’assemblée :
— C’est précisément ce qu’il faut définir.
Tous les visages se tournent vers elle.
— Ben oui, comment est-ce qu’on veut que ce groupe fonctionne ? Qui en fait partie ? Tous ceux qu’on rencontre ? Est-ce qu’on a des critères ?
Je me tourne vers elle :
— Si on abandonne quelqu’un, on ne vaut pas mieux que l’armée.
Naomi et Tony m’appuient sur cette idée. Reste le problème de savoir si on peut faire confiance à Jim. Je lui demande :
— Est-ce que tu te serais enfui du chantier en abandonnant les autres ?
Il semble apeuré et tendu :
— Non. Je… je ne savais pas ce que je faisais. J’avais juste peur.
Harold s’agace :
— On ne peut pas faire confiance à ce mec ! Et si l’un de nous meurt par sa faute ?
Je suis outrée à l’idée qu’il continue d’envisager de laisser Jim derrière nous :
— On fait tous des erreurs.
— Ah ouais, t’as un exemple précis ?
— Traverser une ville en plein jour.
Il lâche un soupir avant de me répondre :
— Il fallait bien que quelqu’un tranche et prenne une décision.
Annabelle bondit sur l’occasion :
— Du coup, on est quoi ? Une démocratie, tout le monde à son mot à dire ou alors on laisse quelqu’un décider pour le groupe ?
Je ne sais pas à quoi elle joue. Un instant, j’ai l’impression qu’elle soutient Harold, le suivant, qu’elle est contre son idée.
Chacun reste muet, plongé dans ses pensées. Brandon brise le silence :
— Il faut que quelqu’un prenne les décisions dans le feu de l’action.
— Je ne pense pas que mettre le poids de nos vies sur les épaules d’une seule personne soit une bonne idée, dis-je.
— Alors quoi ? demande Annabelle. Tout le monde doit tout le temps avoir voix au chapitre ?
— Je suis contre l’idée de laisser une seule personne décider de tout. Lorsque la situation le permet, comme aujourd’hui, nous devrions pouvoir discuter ensemble des sujets importants. Dans le feu de l’action…
— Deux ou trois personnes devraient prendre les décisions, finit-elle pour moi.
— Ça veut dire quoi “dans le feu de l’action” ? interroge Tony. Parce que je ne vais pas attendre de feu vert pour taper sur un malade qui se jette sur moi.
J’essaie de clarifier :
— Par exemple, si nous arrivons dans le bâtiment des gardes forestiers et qu’il est infesté, il faudra décider rapidement de ce qu’on fait avant d’être vu.
— OK, vu comme ça.
— En qui avez-vous le plus confiance, pour prendre des décisions ? demande Annabelle.
Elle est désignée par moi, Ron, Harold, Tony. Naomi et Biz désigne Brandon. Jim ne se prononce pas.
— OK, donc c’est Annabelle et moi qui prendront les décisions quand c’est nécessaire. Tout le monde est d'accord avec ça ?
Tony se racle la gorge :
— Vu que vous avez tous les deux le même type de fonctionnement, il faudrait peut-être contrebalancer un peu. Je verrais bien Molly. Elle a l’habitude de gérer un groupe avec sa famille et elle me paraît plutôt censée dans ses raisonnements.
— Oui, c’est une bonne idée, s’empresse Ron.
Naomi hoche la tête en signe d’approbation.
— Pas d’objection ? lance Brandon. Bon, j’aimerais aussi qu’on discute des rôles de chacun. Y’a environ la moitié d’entre nous qui se charge des infectés, mais on ne peut pas tout faire. Il faudrait, pour les autres, que vous preniez en charge les stocks de nourriture, le compte des munitions par exemple. Il faut qu’on sache où on en est, c’est important. Pour les tours de garde, il faut qu’on soit deux personnes et ce serait bien d’avoir un combattant et un non combattant pour qu’on ait tous l’occasion de se reposer correctement.
— En parlant de se reposer, dis-je, je pense que nous devrions rester ici encore cette nuit. La journée a été… agitée et nous ne sommes pas en état de reprendre la route. La nourriture est un problème, nous n’en avons pas suffisamment pour tout le monde jusqu’à demain. Harold, Tony ? Vous êtes sortis aujourd’hui. Est-ce qu’il y a possibilité de fouiller les maisons alentours ?
— Celle d’à côté est habitée. Harold pense qu’ils sont au moins cinq à l’intérieur.
— Ouais, et les autres maisons ne sont pas à côté. Il va falloir sortir plusieurs heures et probablement prendre une des voitures.
— On peut aussi essayer de faire sortir les infectés de la maison d’à côté, propose Anna. Y’en a deux qui prennent une voiture, ils se postent devant. On casse une vitre et le passager de la voiture agite un mouchoir plein de sang. On roule une vingtaine de minutes avant de laisser tomber le mouchoir et puis, demi-tour. Pendant ce temps, un groupe va inspecter la maison et s’assure qu’il n’en reste pas à l’intérieur.
— Ça pourrait marcher, approuve Tony.
Le plan semble établi. J’espère qu’il n’y aura pas de mauvaises surprises.


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 Sujet du message: Re: Bérengère
MessagePosté: Ven Nov 02, 2018 1:12 am 
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Journal de Molly - Séance 21 (01/11/18)

23h00

Le conseil vient de se terminer et chacun se prépare à la mission qui nous attend. Nous devons fouiller la maison d’à côté pour trouver de quoi nourrir tout le monde. Pour cela, il faut d’abord se débarrasser des cinq infectés qui hantent les lieux. Une voiture servira de leurre et aura pour mission de les entraîner loin d’ici pendant que les autres fouilleront les lieux. Comme d'habitude, Harold s’est porté volontaire pour cette tâche. Même s’il sera accompagné de Brandon et Tony, je ne peux m’empêcher d’être inquiète de le voir aller au devant du danger constamment. Assis sur le dossier du canapé, il boit quelques gorgées d’eau, l’air absent. Après les échanges houleux du conseil, j’ai besoin d’une forme de réconciliation. Je me pose à côté de lui :
— Tu sais, je n’ai pas oublié tout ce que tu as fait pour moi et pour ma famille. Merci.
Il reste silencieux, mais son corps se détend et il me semble percevoir un léger hochement de sa tête. Bobby John émerge de la deuxième chambre d’un pas mal assuré. Sourcils froncés, il se gratte la barbe négligemment et a l’air d’essayer de se rappeler ce qu’il fait ici, avec nous. Je me dirige vers la cuisine et lui sert un café :
— Ça devrait vous faire du bien.
Il regarde le contenu de la tasse d’un air suspicieux puis me demande :
— Y’a pas un p’tit extra à mettre dedans ?
Je secoue la tête, ce qui semble le décevoir. Il commence à ouvrir les placards lorsque Tony s’approche et lance d’un air moqueur :
— Cherche pas, y’a plus de sucre.
Bobby John lui répond par un grognement. Je réalise soudain que Biz n’est plus dans la pièce depuis un bon moment. J’inspecte les chambres rapidement. Ron me confirme qu’il ne l’a pas vu.
— Je voulais te dire Molly, désolé pour ta famille.
— Merci. Tu pourras peut-être m’aider. J’essaie de retrouver sur l’ordinateur les conversations entre mes fils. Est-ce que tu connais SDNJ ?
— Ils utilisaient ça pour communiquer ?
— Oui, pourquoi ?
— C’est plutôt underground comme outil. C’est ma copine qui s’en servait, mais je peux essayer.
— Merci.
Je jette un œil sur le lit. Luke et Maggie dorment collés l’un à l’autre. De retour dans le salon, j’interroge Naomi, mais elle non plus n’a pas vu Biz. La dernière pièce que je n’ai pas visité est la buanderie adjacente à la cuisine. Je toque contre la porte fermée :
— Biz, tu es là ?
— Ouais, qu’est-ce qu’il y a ?
— Est-ce que tout va bien ?
— Ouais, ouais, je vais bientôt sortir.
Je m'assois à la table de cuisine, ne voulant pas lui imposer ma présence. Brandon n’a pas l’intention d’attendre, lui. Il frappe trois coups francs contre la porte et demande à Biz de le laisser entrer. Il referme derrière lui, ce qui ne m’empêche pas de les entendre. Biz se prépare à consommer du crack et Brandon tente de l’en dissuader, lui disant qu’il a besoin de lui et qu’ils doivent garder les idées claires. Biz n’en peut plus de souffrir de la mort de sa petite amie, reproche à Brandon d’avoir dû la laisser pour l’accompagner au Concord Mills, pour lui retrouve sa copine. Brandon se défend, les choses ne sont pas si simples, ils devaient s’occuper de lui s’il avait été là.
Qui ça "lui" ?
Ils évoquent ensuite Tony, ils ont l’impression de l’avoir déjà vu. J’espère que cela ne déclenchera pas de nouveaux problèmes dans le groupe. Notre cohésion est loin d’être acquise. Lorsqu’ils sortent, Tony interpelle Biz :
— Tu vas où comme ça ?
— Nulle part, j’voulais juste être tranquille. En quoi ça te regarde ?
— Avec ton sac sur le dos ? Tu faisais quoi là-dedans ?
— Qu’est-ce que ça peut te foutre ?
Brandon fait un signe à Tony pour qu’il laisse tomber. Biz va s’assoir dans le canapé et se met à compter les cartouches de son fusil. Je le rejoins et dis à voix basse :
— Moi aussi, on me dit d’oublier cette culpabilité qui m’habite. Ils ne peuvent pas comprendre que c’est impossible de l’effacer. Maintenant, il faut vivre avec.
Il s’arrête un instant et me fixe, surpris. Il reprend ensuite sa tâche :
— Ton gamin, c’est Luke, c’est ça ?
J’acquiesce.
— On va tout faire pour qu’il ne voit pas toutes ces horreurs.
— J’espère qu’on y arrivera.
Un sourire se dessine peu à peu sur ses lèvres. Le premier depuis bien longtemps. Brandon, Tony et Harold commencent à se répartir les rôles pour la suite. Brandon propose que cinq personnes montent dans la voiture leurre pour qu’en cas de problème, ceux qui restent puissent s’échapper dans la seconde voiture. Je leur explique que les enfants devraient rester ici, ce sera moins traumatisant pour eux. Brandon accepte à condition qu’ils se tiennent prêts dans le second véhicule. On perdrait trop de temps à les réveiller et les faire monter en voiture si les choses devaient mal se passer ici.
Annabelle s’est enfermée depuis un long moment dans l’une des salles de bain. Je frappe doucement à sa porte :
— Anna, je peux entrer ?
— Non.
— On commence à s’organiser pour la suite, on a besoin de toi.
— J’arrive.
Lorsque le plan est enfin clair pour tout le monde, je sors la photo de ma poche et m’approche d’Annabelle :
— C’est toi que je dois remercier pour ça ?
— Ce n’est pas moi qui te l’ai donnée, non ?
— Je doute que Luke n’ait eu l’idée de récupérer une photo de famille vu la situation dans laquelle il se trouvait.
— C’est lui qui t’a fait la surprise pourtant.
— Merci.
Je ne comprends pas pourquoi il lui est si difficile d’admettre qu’elle a eu ce réflexe si précieux pour moi. Sans elle, je n’aurais plus aucun souvenir de ma famille.
Chacun s’active et les voitures sont à nouveau chargées de nos quelques affaires. Je rejoins Ron et Bobby John dans la chambre et nous réveillons les enfants. À peine les yeux ouverts, Luke me sourit et me serre dans ses bras. Alors que je leur explique ce qui nous attend, je vois leurs yeux s’emplir de craintes. Ils se sentaient bien ici et l’idée de retourner dehors, dans une voiture réveille leurs peurs. J’essaie de les rassurer tant bien que mal. Si tout se déroule comme prévu, nous allons juste attendre dans la voiture et dès que la maison d’à côté sera fouillée, nous pourrons retourner à l’intérieur. Maggie s’inquiète de ne pas être dans la même voiture que Bobby John, elle accepte cependant de monter avec nous dans la voiture. Ron monte à l’arrière avec les enfants alors que je prends le volant. L’attente débute. Nous sommes dans le noir, à peine éclairés par les rayons de la lune, l’air est frais et pourtant, mes mains sont moites sur le volant. Maggie se met à paniquer à l’arrière et tente d’ouvrir la portière pour rejoindre Bobby John. J’ordonne à Ron de la retenir et de l’empêcher de crier. J’explique à la petite que Bobby John a besoin qu’elle reste silencieuse, qu’elle doit rester calme avec nous et qu’elle le reverra ensuite. Mon fils me fixe, les yeux écarquillés, ne sachant comment réagir à la peur de son amie. Je finis par capter le regard de Maggie qui se calme petit à petit et m'écoute.
Au bout de quelques minutes, la voix d’Annabelle crépite dans le talkie-walkie :
— C’est parti.
Il me semble percevoir un cri lointain. Je me sens frustrée de ne pas voir ce qu’il se passe. La voiture a été poussée de l’autre côté de la maison pour ne pas risquer d’être vue par les infectés qui prendront en chasse la voiture de Bobby-John, Anna, Naomi, Biz et Jim. J’ai juste le temps d’apercevoir les phares de leur voiture poursuivie par deux infectés. Harold avait identifié cinq habitants dans la maison d’à côté. Je me demande comment ils s’en sortent avec Tony et Brandon. Mes yeux parcourent les alentours, mais rien ne bouge depuis le départ de la Jeep. Le talkie-walkie crépite à nouveau : “Tout va bien ici”.
Le temps semble passer lentement. Par chance, le voisinage ne semble pas avoir réagi au départ de la Jeep. Un coup de feu éclate dans le silence de la nuit. Mon sang se glace et mon ventre se contracte sous la peur. Ron me cherche du regard dans le rétroviseur. La peur a envahi l’habitacle. Les minutes qui s’écoulent sont interminables. Qu’est-ce qu’ils font ?
Deux silhouettes se dessinent enfin dans la nuit. Tony s’assoit côté passager. La lumière du plafonnier éclaire un court instant ses vêtements tâchés de sang. Brandon grimpe à l’arrière :
— Roule.
Je demande, tout en redoutant la réponse :
— Où est Harold ?
— Il ne s’en est pas tiré.
Non, pas lui.
Je démarre le moteur, sous le choc. Mes larmes refusent de couler, ça n’est pas possible, ils ont dû se tromper. Le teint livide de Tony ne trompe pas. J’attrape le talkie-walkie et presse le bouton :
— Ne revenez pas ici. Rendez-vous chez les gardes forestiers.
Sans attendre, Annabelle me répond :
— Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Je ne veux pas lui annoncer la mort d’Harold comme ça. J’élude :
— Ils ont dû tirer un coup de feu.
— Tout le monde va bien ? me demande-t-elle.
Est-ce ma voix qui m’a trahie ou son instinct qui lui dit que quelque chose ne va pas ?
— Molly ? insiste-t-elle en l’absence de réponse.
— On revient sans Harold, je suis désolée, dis-je la gorge nouée.
— Comment ça ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Je passe l’appareil à Tony, attendant moi aussi quelques explications.
— Il en a fait qu’à sa tête, comme d’habitude. Il… il s’est fait mordre, désolé.
— Même mordu, il avait du temps. Qu’est-ce que vous avez fait ? C’était pour lui le coup de feu ?
Tony ne sait que répondre à l’interrogatoire d’Annabelle, il passe la main à Brandon.
— Anna, c’est Brandon. Il était mordu, je ne pouvais pas prendre de risque. Je suis désolé.
Le talkie-walkie reste silencieux. J’aurais voulu être avec elle. Elle n’aurait pas dû affronter ça comme ça. J’accélère légèrement. Un silence lourd s’installe dans la voiture pendant tout le trajet.
Nous mettons un peu plus d’une demi-heure à rejoindre la cabane des gardes forestiers. Lorsque je tourne sur le parking, les phares éclairent furtivement la silhouette d'Annabelle, seule à une vingtaine de mètres de la Jeep. Dans une main, une cigarette, dans l'autre, un pistolet. La lueur orangée qui éclaire son visage lorsqu'elle tire sur le filtre révèle une colère sourde. C'est pire que ce que je pensais. Je gare la voiture à côté de la Jeep et ordonne aux autres de rester à l'intérieur tandis que je descends et me dirige lentement vers elle. Alors que je suis à une dizaine de mètres, elle lève son arme et la pointe sur moi. J’inspire profondément pour me donner du courage et lui demande :
— Qu'est-ce que tu comptes faire avec ça ?
— Avance encore et tu le sauras.
Derrière moi, les portières claquent. Je lève les yeux au ciel et soupire. Pourquoi ne peuvent-ils pas suivre une simple consigne ?
La voix de Bobby John s'élève derrière moi :
— Range ça ! Je sais ce que c'est de perdre quelqu’un, mais fais pas de connerie.
— Ta gueule ! T'en sais rien du tout ! Va cuver ton whisky !
— J'ai perdu des tas de potes au Vietnam...
— Qu’est-ce que tu racontes ? Ça n'a rien à voir ! Là, c'est un meurtre !
— Mais la guerre, c'est une série de meurtres…
— Toi et tes potes vous avez signé pour aller faire la guerre, Harold, lui, il a rien demandé ! Il aurait pas dû crever, abattu comme un chien.
Voyant Annabelle laisser libre cours à sa colère, je me retourne et ordonne :
— Taisez-vous tous et rentrez dans les voitures !
Bobby John garde le silence, mais reste dehors, comme Tony. Naomi esquisse un geste pour retenir Brandon qui s’avançait. Seul Biz se rassoit, mais garde la portière ouverte.
Je me tourne vers Annabelle :
— Tu es en colère et tu en as le droit, mais les tuer ne changera rien.
— Ça me fera du bien !
— Non, et tu le sais. Il n'aurait pas voulu que tu réagisses comme ça.
Elle me jette un regard noir :
— Qu’est-ce que tu en sais ? Je n'avais plus que lui et vous l'avez descendu.
— Vous ? Ils étaient trois à l’intérieur de cette maison. Je n’ai pas eu mon mot à dire sur ce qui est arrivé.
— Il était mordu, explique Tony, à une dizaine de mètres derrière moi. Il l'a reconnu lui-même.
Brandon avance de quelques pas.
— Ah, voilà le chef ! ironise Annabelle.
— Tu as raison, je l'ai tué. On ne pouvait pas prendre le risque d'emmener un infecté dans la voiture, à côté des enfants.
— Il avait encore du temps ! Peut-être qu'il voulait aider, qu'il avait encore des choses à faire… moi je vous ai aidés, je vous ai sauvé et c'est comme ça que vous me remerciez tous ? J'aurais peut-être pas dû vous sortir de ce merdier, dit-elle en pointant Brandon, Biz et Naomi.
Elle se tourne ensuite vers Tony et Bobby John :
— J'aurais pas dû m'arrêter pour vous sauver.
Son regard se pose à nouveau sur moi :
— Et toi, je t'ai donné cette photo. Et moi, j'ai quoi en échange ? Qu'est-ce que vous faites pour moi ?
Je murmure :
— On est là, ici, maintenant.
J'avance à nouveau vers elle les mains ouvertes. J'essaie d'ignorer l'arme pointée dans ma direction. Annabelle secoue la tête les yeux pleins de larmes. J'avance encore, lentement sans m'arrêter. Lorsque je suis suffisamment près, j'ouvre les bras et Annabelle me repousse de toutes ses forces. Je ne renonce pas, elle recule et me repousse encore, mais de moins en moins fort, jusqu'à accepter que je l'enlace. Ses bras pendent le long du corps, elle se laisse faire sans retourner mon étreinte. Je murmure à nouveau :
— Je suis désolée.
J'essaie de lui retirer son arme, mais elle refuse de la tête.
— Range-le au moins.
Elle refuse à nouveau.
— Marchons un peu alors.
Je passe un bras sous son coude et l'entraîne faire quelque pas à l'écart du groupe.
— Je suis désolée pour Harold et je suis désolée de ne pas avoir été là pour toi. Tu sembles toujours supporter tout ça mieux que tout le monde, être forte… J'ai l'impression que tu ne laisses personne percer ta carapace. Dès qu'on s'approche un peu trop, tu te fermes, tu nous repousses, même Harold dernièrement. J'ai envie d'être là pour toi, mais pour ça il faut que tu me laisses une chance.
— Y'en a deux que je vais peut-être laisser approcher.
— Et quoi ? Tu vas les tuer ?
— Peut-être pas, mais ils mourront, comme tous les autres, me dit-elle d'une voix grave.
— Comment ça, “tous les autres” ?
— Mary, Will, Joachim, Cali, Hector, Noah, Mitch, Harold.
Je reconnais quelques prénoms de sa liste.
— Tu n'es pas responsable de leurs morts. Je crois que tu te donnes un rôle plus important qu'il ne l'est.
— C'est pas un rôle, c'est le film de ma vie. Ils sont tous morts.
— Je peux en dire autant pour Arthur et les enfants.
— Mais tu as encore Luke et Ethan.
— Je ne sais même pas s'il est encore en vie.
— Au moins, tu as encore de l'espoir. Moi, je n'ai que des certitudes, et ça fait trente ans que ça dure. Si tu restes, tu mourras aussi.
— Je fais un choix éclairé alors.
— Pas sûre que Luke soit d'accord avec toi.
Jamais je n’aurais pensé qu’Annabelle allait aussi mal. Elle a tant gardé en elle, pas surprenant que tout ça finisse par éclater. Elle me paraît encore trop fragile pour retourner auprès des autres. Je l’emmène à l’écart, nous continuons de marcher sous la lueur des étoiles. J’espère trouver les mots pour apaiser, si ce n’est sa douleur, au moins sa colère.


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 Sujet du message: Re: Bérengère
MessagePosté: Dim Déc 02, 2018 10:35 am 
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Journal de Molly - Séance 22 (01/12/18)

02h45

Annabelle me confie quelques informations sur la liste des noms qu'elle a égrainé plus tôt.
— Tu n'es pas responsable de toutes ces morts.
— Je ne me sens pas coupable, je dis juste que les gens meurent autour de moi.
— Tu n’as rien à voir avec ces morts. Ce sont des événements tragiques et ce virus ou cette maladie qui a décimé peut-être 90 % de la population qui sont responsables.
— Harold de ne serait peut-être pas d'accord avec toi. D'ailleurs, où a-t-il été mordu ?
— Je ne sais pas. Je te l'ai dit, j'étais dans la voiture quand ça s'est passé.
Elle me scrute d’un regard intense et je devine qu’elle cherche à savoir si je lui mens.
— Ils ont tiré combien de fois ?
— Une seule. On aura des choses à clarifier avec Brandon et Tony...
Annabelle s'éloigne de moi.
— Attends ! Il y a mon fils là-bas. Tu comptes faire quoi avec cet arme ?
— M'en servir, s'il y a des infectés là-dedans, lance-t-elle sans se retourner.
J'accélère le pas pour me remettre à sa hauteur :
— Tu as encore ces médicaments que tu m'as donné tout à l'heure ?
— Quels médicaments ? lance-t-elle le regard suspicieux.
— Les anxiolytiques.
— Pas besoin.
— Oui, parce que tu gères tellement mieux la mort d'Harold que moi celle de mon mari et mes enfants !
— Ils n'ont pas été assassinés, eux, assène-t-elle aussi efficacement qu’elle enfoncerait un pieu dans mon cœur. Blessée, je m’offusque :
— La douleur n’en n’est pas moins forte.
À ma grande surprise, elle ne se dirige pas vers les autres mais vers le bâtiment de l'agence immobilière juxtaposée au parking. Je la suis, ne voulant pas la laisser seule dans cet état. Tandis qu'elle commence à inspecter une voiture garée juste là, je m'avance à proximité du bâtiment. Aucun son suspect, aucun grognement ne semble venir de l'intérieur. D'ici, nous voyons l'angle sud. Sur le mur à ma droite, une porte de service. Je me décide à avancer le long du mur à ma gauche. Aucune ouverture visible. Arrivé à l'angle je décide de poursuivre tout en restant sur mes gardes. Toujours aucune fenêtre ni porte de ce côté. J'arrive maintenant au niveau de la façade. Une petite fenêtre et une porte vitrée constituent les seules ouvertures de cet étrange bâtiment. La fenêtre est occultée par un store. J’avance jusqu'à la porte et me risque à jeter un œil à l’intérieur. La salle d’accueil et les bureaux semblent vides. Lorsque je rejoins Annabelle, elle tente d'ouvrir la portière de la voiture, sans succès.
— Tu as fait le tour ? me demande-t-elle.
— Oui. Ça a l'air vide et il y a juste une fenêtre et une porte vitrée à l'avant.
Annabelle se dirige maintenant vers les quelques arbres qui séparent l'agence de la route.
— Mais qu'est-ce que tu fais ? Attends les autres…
— Ils font ce qu'ils veulent, moi je vais à la caserne.
Je me sens déchirée entre l'envie de la suivre et celle de retourner auprès de mon fils. Je la laisse s'éloigner et retourne vers les autres d'un pas rapide. Tony est en train de ranger des affaires dans le coffre d'une des voitures et j'aperçois Bobby John qui parle avec la petite Maggie. Luke descend dès qu'il m'aperçoit et se jette dans mes bras :
— Qu'est-ce que tu faisais, maman ? Pourquoi ça a été si long ? Et Annabelle, pourquoi elle voulait te faire du mal avec son pistolet ?
— Annabelle souffre énormément et elle peut faire des choses qui font peur, mais elle ne m'aurait pas fait de mal.
Il semble quelque peu rassuré.
J'avance jusqu'à la seconde voiture. Naomi, Brandon et Biz semblent être en pleine conversation. Ils s'interrompent à mon approche. Je leur annonce :
— Je pense lui avoir retiré ses envies de meurtre, mais elle fait cavalier seul.
— Qu'est-ce que j'aurais dû faire là-bas ? me demande Brandon comme s'il continuait une conversation.
Comprenant qu'il parle de Harold, je dis simplement :
— Venir me voir. J'étais de l'autre côté de la maison, dans la voiture.
— Tu sais, quand on était encore au lycée, j'en ai vu des gens se faire mordre et certains se transformaient en à peine quelques minutes. C’était super rapide pour certains. Je pouvais pas l'emmener dans la voiture, pas avec les gosses, se justifie-t-il.
— Je n’ai jamais dit que nous aurions dû l'emmener, mais j'étais là, avec le talkie-walkie... On aurait pu lui laisser au moins ça.
— On avait dit qu'en cas d'urgence, il fallait prendre des décisions rapides. C'est ce que j'ai fait.
— Et bien, tuer l'un des nôtres est hors limite, sauf urgence vitale.
Il pousse un long soupir, n’ayant pas obtenu la rédemption qu'il semblait chercher.
— Tu dis qu'elle fait cavalier seul. Bon, on va remonter dans les voitures et on va aller la chercher.
— Dans les voitures ? C'est trop risqué. À pieds, on sera plus discrets.
— On ne va pas emmener tout le monde à pied. Dans ce cas, il vaut mieux qu'il y en ait juste deux ou trois qui la rejoignent. Biz, ça passera mieux si c'est toi, dit-il la voix pleine de lassitude.
— Je viens aussi.
Je n’ai pas envie que ça dégénère et Annabelle a toléré ma présence, même si je la sens très distante.
— Je vais y aller, propose Bobby John, je crois qu'elle a pas trop envie de te voir, dit-il à Tony.
Je me tourne ensuite vers Luke et lui explique qu’Annabelle a de nouveau besoin de moi qu'il doit rester ici avec les autres et faire exactement ce qu'ils lui disent. Il me demande si on va trouver une autre maison et je lui réponds en toute sincérité que je n'en ai aucune idée.
Je l'embrasse, attrape ma batte de base-ball et emprunte le chemin suivi par Annabelle, accompagnée de Biz et Bobby John. Nous rejoignons rapidement la route. Devant nous, le pont surplombe un bras mort du lac. J'avance avec prudence, à la recherche de la silhouette d'Annabelle. Un bruit métallique retentit tout à coup à mes pieds. Je baisse les yeux et constate que c'est ma batte de base-ball. Je regarde ma main vide avec étonnement avant de réaliser que des taches noires brouillent ma vision. Je cligne des yeux, mais elles ne disparaissent pas. Je ne vois plus rien. Mes jambes flageolantes cèdent sous moi. J’essaie de lutter tout en sombrant dans le néant petit à petit. La dernière chose que j’entends, c’est le grondement d’un moteur se rapprochant.

Le contact de l'eau glacée sur ma peau me réveille instantanément. L'eau pénètre dans ma bouche et dans mes poumons à la recherche d'oxygène. Je panique et cherche la surface en battant des pieds. Mon blouson de cuir semble peser une tonne sur mes épaules. Une main se saisit de moi et me ramène à l'air libre. Je crache et tousse l'eau qui encombre ma gorge avant de pouvoir prendre une goulée d'air.
— Molly, laisse-moi t’aider ! grogne Bobby John alors que je me débats dans l’eau.
— Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— Tu t'es évanouie, un énorme camion nous a foncé dessus et on a dû sauter du pont.
— Ouais, c’est la merde, renchérit Biz.
Nous parvenons enfin regagner la rive de l'autre côté du pont. Mes vêtements trempés me donnent l'impression de peser une tonne. Je claque des dents, mais je n'ai qu'une idée en tête : retourner auprès de Luke et des autres. Cet énorme camion doit charrier son lot d'infectés derrière lui et ils seront bientôt sur nous.
— Il va falloir qu’on se sèche rapidement, annonce Bobby John.
— Non, mais t’es sérieux mec ? Il faut surtout qu'on se planque ! Va y avoir des tonnes d'infectés derrière ce camion !
J’avance lentement sur le pont, chaque pas me coûte un effort considérable, comme si toute mon énergie avait été drainée subitement. Bobby John m’attrape par le coude et m’entraîne vers la caserne :
— Viens, ils vont arriver.
Le bruit des moteurs des voitures parvient en effet jusqu’à nous. Vacillante, je me résous à le suivre. Biz part à la recherche d’Annabelle. Les voitures arrivent à notre hauteur, je monte, soulagée de m'asseoir. Naomi et Brandon les garent ensuite à proximité de la caserne. Biz nous rejoint au bout de quelques instants. Il y a deux personnes à l'intérieur dont une femme, sûrement des soldats. Annabelle est derrière le bâtiment. Brandon et Tony s'attaque à la porte avant et la crochètent. Une lampe torche s'allume derrière celle-ci :
— Qui que vous soyez, barrez-vous ! ordonne une voix de femme sur un ton féroce.
Tony avance et lance :
— On a besoin d’aide, on a des enfants avec nous, laissez-nous entrer !
— Vous avez des enfants avec vous ? demande la voix derrière la porte, avec une pointe de doute.
Annabelle apparaît à ce moment au coin du bâtiment :
— Personne n'est infecté et il y a un médecin parmi nous.
— Je vais vous laisser entrer, mais vous déposez vos armes à l'intérieur !
J'observe les alentours inquiète alors qu’un grondement de plus en plus fort se fait entendre au loin.
— Ils arrivent, il faut entrer à l’intérieur !
Je prends Luke par la main et descends aussitôt de la voiture. Annabelle entre la première dans le bâtiment.
— Pose ton attirail par terre et recule par là, lui ordonne la soldat.
— C'est moi le doc, se présente Anna.
— Je ne suis pas armé, annonce Brandon alors qu’il vient de cacher son arme dans son dos.
Annabelle le dénonce sans hésitation :
— Tu joues le jeu toi !
— Petit fumier, gronde la soldat tandis qu’il lâche son pistolet sur le tas.
J’entre dans le réfectoire, serrant la main de Luke dans la mienne.
— Toi, tu vas au fond avec les enfants.
Je me débarrasse de mon blouson de cuir, je me sens comme engourdie par le froid.
Biz entre à son tour, son fusil à la main. Il semble hésiter sur la conduite à tenir.
— Toi pose ton arme ! Pose ton arme, vite !
— C'est cool Biz, le rassure Anna. Vas-y, pose ton arme. Déconne pas.
— Tu es toute seule ma jolie ? lance-t-il avec un demi sourire à la femme qui le tient toujours en joue.
Elle ne se laisse pas démonter :
— Pose ça ou tu dégages.
Des gémissements et de petits cris commencent à s’élever d’une pièce à côté. Les pleurs d'un bébé.
Je suis la direction des cris lorsque la soldat m’interpelle :
— Attendez ! On va établir des règles, dit-elle en empaquetant les armes dans un gros sacs de sport.
— Ils arrivent, il faut pas que ce bébé pleure !
— Je vais m’en occuper. Restez ici et pas un bruit.
Je pars à la recherche du vestiaire des pompiers. J’ai besoin de vêtements secs. Je fouille les rangées de casiers. Mes mains tremblent de froid et mon corps frissonne tout entier. Luke m’accompagne l’air perdu. Une fois changée, je me dirige vers la pièce où se trouve le bébé. La soldat aura peut-être besoin d’aide avec lui. Je trouve porte close. Je toque une fois doucement et entrouvre :
— Partez ! aboie-t-elle immédiatement.
— On a besoin d’intimité ici, m’explique Anna.
Le bébé gémit à côté d’elles.
— Donnez-le moi, je peux m’en occuper.
— Hors de question, il reste avec moi.
Je soupire en refermant. Comment peut-on être un groupe soudé si certaines se mettent toujours à l’écart ?
Je me sens tellement faible et épuisée. Je m’appuie dos au mur, juste à côté de la porte. Les deux femmes échangent quelques paroles. La soldat est blessée, mais ne doit pas être infectée. Annabelle ne serait pas aussi sereine dans le cas contraire. Elle a quitté sa confrérie pour aller récupérer son fils chez son ex-mari. De quelle confrérie parle-t-elle ?
Annabelle essaie de glaner des informations sur Fort-Bragg. La soldat lui explique que les soldats devaient rétablir l’ordre, récupérer les civils et les emmener vers la base. Le problème est que la situation a totalement dégénéré et qu’elle n’est jamais arrivée jusque là-bas.
— De toute façon, je m’en sors mieux toute seule.
— Moi aussi, approuve Anna ce qui me fait lever les yeux au ciel. Mais on aura toujours besoin des autres, ajoute-t-elle.
De nouvelles taches noires apparaissent devant mes yeux. Oh non. Je me laisse glisser contre le mur pour éviter de m’évanouir. Je respire profondément, accroupie par terre, jambe serrées entre mes bras.
— Maman ! Maman, ça va pas ? s’inquiète Luke.
Je lui prends la main pour le rassurer. Au même moment, un coup retentit dans le hangar. Puis un second, et un autre, et un autre… Ils ne savent pas qu’on est là, pourtant, ils cherchent un moyen d’entrer.
Ron et Jim qui m’ont vu m’affaisser au sol s’approchent, l’air inquiet. Ils sont bientôt rejoint par Tony qui d’un geste de la main me demande si ça va. Non, ça ne va pas. Je ne tiens plus debout, je suis à bout de force, nous sommes enfermés ici, cernés par une horde d’infectés qui essaient d’entrer.
La porte s’ouvre, Annabelle demande à Tony d’aller renforcer la porte arrière dans un murmure, avant de refermer derrière elle. Il se relève et emmène Bobby John avec lui.
Brandon, Biz et Naomi reviennent du hangar équipés de haches de pompier.
— Il ne faut pas rester ici.
Il ouvre la porte et tout le monde rejoint Anna et la soldat dans la petite salle de repos. Je suis incapable de me mettre debout. Tony est déjà de retour et m’aide à me relever. Il m’accompagne jusqu’à un lit où je m’assois près de mon fils. J’ai toujours froid et la peur n’aide pas à réprimer les frissons.


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 Sujet du message: Re: Molly (Lunamous)
MessagePosté: Jeu Déc 27, 2018 2:08 pm 
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Journal de Molly - Séance 23 (22/12/18)

La soldat Shannon s'isole dans un coin avec son fils contre elle et un pistolet tenu bien en évidence sur sa cuisse.
Annabelle me lance un regard contrarié lorsqu’elle me voit frissonner malgré la couverture posée sur mes épaules. Elle disparaît quelques instants puis revient dans la salle de repos :
— Vous trois, à la douche, lance-t-elle à Biz, Bobby John et moi.
Sans attendre le jeune homme fait passer son t-shirt par-dessus sa tête. À l'autre bout de la pièce, Shannon fronce les sourcils, un air de dégoût passe sur son visage face à ce spectacle. Mon cerveau fait tout à coup le lien : Oh non... Est-ce qu’elle faisait référence aux Hallows Tree Wotansvalk lorsqu’elle parlait de sa confrérie ? Si elle était au lycée et que les HVK l’apprennent…
Je croise le regard d'Annabelle, il faudra que je lui en parle. Pour le moment, elle a plutôt l’air de s’agacer.
— Je ne suis pas en état de me lever, dis-je pour ma défense.
— Biz, Tony, vous pouvez l'aider à aller jusqu'aux douches ? leur demande-t-elle aussitôt avec autorité.
Les deux hommes me soutiennent. Annabelle nous suit jusqu'aux douches. Je me déshabille en prenant appui sur le mur. L'hémorragie s’est enfin arrêtée, mais mes sous-vêtements sont souillés de sang. Je demande à Anna de me trouver un sac plastique. Elle revient quelques instants plus tard :
— Merci. Il faudrait que je te parle en privé tout à l'heure.
Aucune réponse. Je suppose qu'elle a entendu malgré l'eau qui coule. Je tourne un peu plus le robinet d'eau chaude. Les tremblements disparaissent et mon corps se détend enfin. Tout ce qu'il me demande maintenant, c'est de manger et dormir. J'abrège la douche et me rhabille rapidement. Annabelle n'est visible nulle part. J'attends que Bobby John termine sa propre douche. Il me raccompagne ensuite jusqu'au lit où m'attend Luke.
— C'est bien ce que vous faites pour Maggie, lui dis-je.
— Elle en a besoin.
— Et merci de m'avoir sauvé la vie sur le pont.
— C'est normal, je n'allais pas laisser ce camion t’écraser.
Lorsque je m'assois, mon fils est en train de manger l’une des barres de céréales que Tony a étalé sur le lit d'à côté. J'en attrape une que je mange rapidement. Je me couche ensuite, Luke entre mes bras, et je m'endors quasiment aussitôt.

Un nouveau cauchemar me tire du sommeil alors que mon corps proteste contre ce réveil prématuré. Je me redresse et aperçoit Shannon, toujours éveillée alors que tout le monde dort autour de nous. Je m’approche d’elle :
— Vous avez pu vous reposer un peu ?
— Je me suis reposée avant que vous arriviez. J’ai pas besoin de dormir.
— Qu’est-ce que vous faites avec ces gars-là ? me demande-t-elle en désignant les lits où dorment Brandon, Naomi et Biz.
Je lui répond sèchement :
— On survit ensemble.
Je la laisse et pars à la recherche d’Annabelle. Un camion de pompier attire mon attention. Ses vitres sont camouflées par des journaux et couvertures. J’essaie d’ouvrir la portière, elle est verrouillée. Je soupire. Quand elle sera décidée, j’essaierai de lui parler.
Une main se pose sur mon épaule et me fait sursauter. C’est Biz qui me dit sur un ton de conspiration :
— Molly, les choses vont dégénérer ici à un moment. Faudra que tu quittes la salle de repos avec les gosses. Faut pas qu’ils voient ça.
— Comment ça les choses vont dégénérer ?
— Ben, on a besoin de nos armes et elle va pas s’en sortir comme ça.
— C’est juste une femme seule, une mère qui veut protéger son bébé…
— J’en connais une autre de femme seule qui voulait protéger le bébé qu’elle avait dans le ventre, elle a fini avec une balle dans la tête.
— Alors tu vas te venger sur la première venue ?
— C’est une soldat, putain ! J’t’aime bien, et j’te ferai pas de mal, mais elle, elle partira pas d’ici.
— Une fois que les choses se seront calmées dehors, elle nous rendra nos armes et on pourra partir...
— Et tu la crois ?
— Si je récupère les armes, tu les laisseras tranquilles, elle et son bébé ?
— Ouais, souffle-t-il en levant les yeux au ciel.
Je ne suis pas du tout convaincue par sa réaction.
— Alors laisse-moi le temps.
— Fais vite, plus le temps passe, plus j’aurais d’occasions.
Il me laisse là et commence à fouiller le hangar. Toujours aucune réaction dans le camion. Je me doute pourtant qu’Anna a dû entendre une bonne partie de cette conversation.
Je vais chercher Brandon dans la salle de repos et demande à lui parler en privé ce qui me vaut des réflexions de Tony et Naomi.
Brandon fait signe à Biz qui quitte le hangar sans hésiter. Je toque à la portière du camion. Annabelle daigne l’entrouvrir :
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— Tu as entendu ce que Biz m’a dit ?
Elle secoue la tête.
— Il faut qu’on parle du meurtre qui se prépare. Tu es forcément au courant, toi, dis-je en me tournant vers Brandon qui avoue de la tête. Et comment tu peux laisser faire ça ?
— Tu as vu ce qu’il s’est passé au lycée ? Biz n’est plus le même depuis. Il a besoin de sa vengeance.
— Ça ne lui rendra pas sa copine, tout comme une balle dans ta tête ne ramènera pas Harold. Ce n’est pas ça la justice !
— Si le sang coule, ils entrent, si vous tirez un coup de feu, ils entrent, si elle crie, ils entrent, énumère Anna d’une voix dure. Il va falloir y aller à mains nues, oh, et il ne faut pas oublier le bébé non plus. Qui va le tuer ?
Brandon ignore sa question :
— Ils n’ont laissé aucune chance à Treeneesha et son bébé, vous vous souvenez ?
— Et la première venue devrait payer pour ça ? Je ne vous laisserai pas faire et je te préviens, si vous les tuez, nos chemins se sépareront.
— Et Naomi ne te le pardonnera pas, ajoute Anna. Tu la perdras aussi.
Brandon semble enfin quelque peu flancher :
— Je vais essayer de lui parler, mais on a besoin de nos armes pour partir d’ici.
— Ça, je m’en charge, dis-je.
— Et comment tu vas t’y prendre ? me demande-t-il incrédule.
— C’est mon problème.
Je n'en ai aucune idée pour le moment, mais ça, il n'a pas besoin de le savoir.

Dès qu’il a quitté la pièce, Anna se tourne vers moi :
— Elle a un tatouage identique à l’écusson que portait Price sur son uniforme. Elle était au lycée.
— Je sais.
Elle s’apprête à refermer sa portière.
— Anna, tu veux vraiment t’isoler du groupe ?
— Entre tes cauchemars et ceux de Bobby John, oui, je préfère m’isoler pour me reposer. C’est un problème ?
— Non, non. Je te laisse.
Si la fatigue est sa seule motivation pour s’isoler, ça me va parfaitement.

Lorsque je retourne dans la salle de repos, la plupart du groupe est réveillé. Brandon discute avec Biz et l’invite à le suivre. Il semble réticent mais finit par quitter la salle de repos avec lui. Je m’installe près de Tony, Ron et Naomi et leur explique la situation avec Biz. Je demande à Ron d’emmener les enfants en sécurité si jamais les choses devaient mal tourner ici. Bobby John, qui se tenait près de Shannon endormie, s’approche de nous. Alors qu’il commence à discuter avec Tony et Naomi, je saisie l’occasion qui se présente à moi. Je m’approche du lit de la jeune femme, m’accroupis et pose mes mains sur les sangles du sac de sport avec les armes. Je commence à tirer. Le sac est plus lourd que ce que j’imaginais et émet quelques cliquetis métalliques qui réveillent aussitôt la soldat. Elle braque son arme sur moi :
— Qu’est-ce que tu fous ?
— J’essaie de vous sauver la vie, dis-je en levant les mains.
— C’est un malentendu Shannon, tente de la rassurer Bobby John derrière moi. Calmez-vous !
— Un malentendu qui se reproduira pas, promet-elle en glissant à nouveau le sac sous son lit. Sortez tous ! Sauf toi ! lance-t-elle à Annabelle.
Je me relève doucement, les mains bien en évidence et retourne dans le hangar sous le regard accusateur de Bobby John.
Annabelle vient me trouver quelques minutes plus tard :
— Ça rimait à quoi ce que tu as fait ?
— Si j’avais réussi, on aurait pu les empêcher de s’entretuer.
— Ben c’est réussi ! Elle ne comprend pas pourquoi tu lui as dit ça maintenant… J’ai éludé ses questions. Elle était bien au lycée, mais n’a pas pris part au massacre directement. C’est un soldat infecté qui l’a blessée.
— Elle est infectée ?
— Non, mais ils avaient pour ordre d’éliminer toute personne contaminée, civil ou soldat. L’un des leurs a été mordu. Il a riposté quand ils ont voulu l’abattre et elle a pris une balle. J’ai refusé de la soigner.
— Elle n’a pas dû apprécier.
— Elle sait pourquoi… Pour elle, il n’y a plus rien à Fort Bragg. Elle veut attendre d’aller mieux pour rejoindre son groupe ou qu’ils viennent la chercher. Ils ont un bunker quelque part.
— Il faut qu’on parte d’ici avant qu’ils arrivent. Jim pense qu’on pourrait utiliser les camions de pompier…
— Il y a peut-être un système d’alarme pour prévenir les gens de la région des incendies et des inondations… réfléchit-elle tout haut. Viens avec moi.
Je la suis jusqu’au PC de sécurité où elle explique son idée à Tony : éloigner les infectés en activant le système d’alerte.
— Je vais voir si je peux désactiver les hauts-parleurs d’ici et essayer de trouver comment enclencher les autres.
Je réalise soudain la portée de ce que m’a dit Annabelle sur Shannon.
— Est-ce qu’elle a un portable ou une radio ?
— Non, elle va venir ici.
Effectivement, la soldat arrive quelques instants plus tard et demande à tout le monde de partir.
— Je finis ça sinon, la radio ne fonctionnera pas, lui explique Tony.
— Tiens, l’eau que tu m’as demandé, lui dit Anna en s’approchant de lui.
Celui-ci la regarde surpris, mais prend la bouteille. Je quitte la petite pièce sans comprendre ce qu’il se trame entre les deux.
Dans le couloir, Luke m’interpelle et me montre les trouvailles découvertes dans la caserne : les photos des pompiers et des coupes pour diverses compétitions. Il semble avoir retrouvé une certaine forme d'insouciance. Rien ne pouvait me faire plus plaisir. Je lui rappelle tout de même de rester le plus silencieux possible. Il repart en exploration d’un pas léger. Devant la salle radio, Biz semble monter la garde, attendant Shannon. Bobby John et Tony se tiennent eux aussi prêts à intervenir s’il tente quoi que ce soit. J’approche Biz avant que le jeu d’intimidation ne tourne à l’affrontement. Ma voix est presque suppliante :
— Laisse-moi encore du temps...
Son regard noir se baisse sur moi, il secoue la tête :
— Elle a toujours nos armes.
— Eh, éh, monsieur Biz, tu peux m’aider à attraper le casque là haut s’te plaît ? lui demande Luke, complètement inconscient de la tension qui règne ici.
La détermination de Biz flanche face au sourire innocent de mon petit garçon.
— Euh, ouais, bien sûr que je vais t’aider.
Les deux s’éloignent jusqu’à une étagère. Biz porte mon fils suffisamment haut pour qu’il s’empare d’un casque de pompier. Il l’enfile aussitôt et se retrouve englouti par le couvre-chef bien trop grand pour lui. Biz semble oublier sa rancœur et son besoin de vengeance, du moins pour le moment. Je les garde à l’œil, tandis qu’ils jouent ensemble.
Shannon quitte le poste radio et retourne s’enfermer dans la salle de repos, suivie de Bobby John. Tony retourne bricoler le poste de commande.
Annabelle me demande de la rejoindre dans l’un des camions, elle est suivie de Brandon. Elle déverrouille son téléphone portable et nous fait écouter un enregistrement. C’est la voix du soldat Shannon et d’un homme. Elle lui explique qu’elle est en présence de rebelles et qu’elle les attend pour les éliminer.
— La salope ! s’écrie Brandon en tapant du poing sur le tableau de bord. C’est Biz qu’avait raison, j’aurais dû l’écouter !
Tony et Bobby John sont rapidement mis au courant de la situation.
Personne ne sait combien ni combien ils sont ni comment ils sont armés. Faut-il fuir ou les affronter et même tenter de prendre leur bunker comme Annabelle le souhaite ? Pour cela, il faudrait réussir à faire parler Shannon. Le seul moyen de pression contre elle serait de mettre la main sur son bébé.
Je n’aime pas du tout la tournure que prennent les événements...


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 Sujet du message: Re: Molly (Lunamous)
MessagePosté: Mar Fév 26, 2019 10:56 am 
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Journal de Molly - Séance 24 (23/02/19)

16h00
La tension et la colère sont palpables dans le camion de pompiers. À part Biz et Ron, tout le monde a entendu l’enregistrement de la conversation entre Shannon et le type qui a promis de venir la chercher et de l’aider à s’occuper des “rebelles”.
Tony essaie de décrypter avec Bobby-John les codes utilisés par la soldat au début de sa conversion. Pour Bobby-John, ce sont bien des codes militaires, mais l’un d’eux semble inhabituel, le 88. Jim intervient et nous explique que le chiffre 8 est utilisé par les néo-nazis. Il fait référence à la lettre H. Quatre-vingt huit est donc le salut hitlérien “Heil Hitler”. Contrairement à ce qu’espérait Anna, ce n’est pas l’armée, mais un groupuscule de néo-nazis qui va venir à la caserne, probablement le même que celui à qui nous avions eu affaire au lycée.
Tout le monde semble plus ou moins d’accord sur le fait que nous devons partir d’ici avant qu’ils n’arrivent. Anna reste accrochée à l’idée que nous devrions essayer de récupérer leur bunker. Je ne la comprends pas. Comment peut-elle imaginer que notre groupe puisse faire le poids face à des soldats fanatiques et déterminés ? Heureusement, Brandon ne souhaite pas non plus aller à l’affrontement. Nous partirons donc, mais pour où ? Le chalet est le seul lieu que nous ayons en tête pour le moment. Pour Annabelle, son unique point positif est qu’il soit isolé, mais comment se protéger si des infectés nous suivent jusque là-bas ou pire, s’il y en a déjà sur place ? Personne n’a d’alternative à proposer. Le chalet sera donc notre prochaine destination.
Reste la question des armes. Pour moi, il est inutile de se mettre en danger pour les récupérer alors qu’on ne peut plus les utiliser sans ameuter les infectés à chaque tir.
— Même sans tirer, une arme peut avoir un effet dissuasif non-négligeable contre les vivants, me rappelle Anna.
C’est Brandon qui tranche sur le sujet en soutenant le point de vue de la vétérinaire.
Bobby-John va tenter de récupérer les armes auprès de Shannon. Il est le seul qu’elle tolère auprès d’elle.
— Si elle n’entends pas raison, je la maîtriserai, annonce-t-il sûr de lui.
Je m’inquiète :
— Qu’entends-tu par “maîtriser” exactement ?
— Par la force, je l’assommerai.
Tant qu’il ne compte pas la tuer froidement, ça me va.
Avant qu’il n’aille lui parler, chacun charge les camions. Mieux vaut se tenir prêts au départ, juste au cas où. Luke, le casque de pompier vissé sur la tête, s’occupe toujours avec Biz. Ils essaient de faire fonctionner la lance à incendie. La bonne humeur de mon garçon semble avoir déteint sur Biz. Les deux ont le sourire et prennent plaisir à passer du temps ensemble. Je les garde tout de même à l’œil, ne sachant pas à quel moment la nature violente de Biz pourrait refaire surface.
Bobby-John est interrompu dans ses préparatifs par la petite Maggie. Il pose un genou à terre pour se mettre à la hauteur de l’enfant. C’est bien qu’elle ait trouvé une figure d’attachement en lui. Peut-être parviendra-t-elle à le maintenir loin des bouteilles d’alcool.
— Ils se sont bien trouvés ces deux-là, remarque Ron qui vient se poser à mes côtés.
— Oui, je me disais que ça leur fait du bien à tous les deux.
Un masque d’inquiétude traverse soudain son visage :
— De quoi vous parliez dans le camion ? Pourquoi tout le monde s’agite tout à coup ?
Je lui explique alors ce qui nous attend si nous ne quittons pas la caserne avant l’arrivée des Wotansvolk. Il a hâte de quitter les lieux, tout comme moi.

18h30
Bobby-John disparaît dans la salle de repos. Brandon et Tony vont couvrir ses arrières en restant derrière la porte, prêts à intervenir.
La petite Maggie va s’assoir, seule, sur un banc du hangar. Elle observe de loin Biz et Luke sans oser se joindre à eux.

18h50
Des coups de feu retentissent. Je cours aussitôt vers Luke et le fais monter dans le camion avec Maggie. Je me mets au volant, prête à démarrer. Anna est dans le second camion, l’air tendu. Les coups reprennent contre les portes de la caserne. Ils ne semblent pas être trop nombreux. La horde d’infectés a dû progresser sur la route depuis la dernière fois où nous avons regardé dehors. La porte arrière reste le point le plus fragile du bâtiment. Anna ordonne à Jim de la sécuriser avec la hache qu’il tient fermement entre ses mains. Il s’avance et donne deux grands coups sur la poignée qui cède.
Biz a rejoint Tony et Brandon. Naomi a du mal à tenir en place, elle est debout sur la marche du camion, portière ouverte.
Le temps semble s’être arrêté. J’ai les mains crispées sur le volant, les yeux rivés sur la salle de repos. Que se passe-t-il là dedans ?
Tony finit par en sortir. Il traîne un corps, celui de Bobby-John. Celui-ci perd beaucoup de sang. Les pleurs du bébé retentissent dans le hangar.
— Jim, Ron, avec moi ! ordonne Anna en se précipitant hors du camion. Molly, le bébé !
Je regarde mon fils, paralysée par la peur. Je ne peux pas le laisser là tout seul. Les infectés vont entrer d’une minute à l’autre… C’est trop dangereux !
Naomi n’a pas attendu et s’est jetée dans la salle de repos derrière Anna. Jim essaie d’attraper les jambes de Bobby-John, mais il glisse sur la flaque de sang et s’écroule sur la jambe qui saigne toujours abondamment. La douleur arrache un cri au vétéran. Au moins, il est encore vivant. Tony ordonne à Ron de prendre le relai de Jim.
Anna revient avec deux gros sacs qu’elle lance dans le camion. Elle dirige les opérations. Le blessé est conduit dans son camion. Ron revient s’assoir avec nous. Il a les mains et le T-shirt couvert de sang. Tout comme Brandon et Biz qui arrivent dans le hangar, l’air hébété. Naomi grimpe dans le camion, le bébé hurlant dans ses bras.
Annabelle ordonne à tous de se débarrasser de leurs vêtements souillés qui sont enfouis dans un sac plastique. Je demande à Ron d’en faire autant. Il se débarbouille les mains avec un flacon d’alcool. Naomi me regarde, l’air écœurée :
— Ils l’ont tuée, ils l’ont tuée…
Je lui prends le bébé des bras, il faut qu’il arrête de pleurer. Je le serre contre moi et lui chuchote à l’oreille :
— Je sais, je sais, tu as eu peur là-dedans. Très peur. C’est fini maintenant… On va s’occuper de toi.
— Oui, on va s’occuper de toi, murmure Luke en caressant la tête du bébé qui finit par se calmer.
Luke lui tend la peluche que Tony avait dégoté la veille. Je confie le petit à Naomi qui semble elle-aussi avoir repris le contrôle de ses émotions.
J’attrape le talkie et demande à l’autre camion s’ils ont pu récupérer des affaires de bébé. C’est Brandon qui vient nous amener le sac, le regard fuyant. Je prépare un biberon, et le tend à Naomi.

19h40
La porte arrière cède sous la pression des infectés qui se précipitent dans la salle de repos. Nous restons cachés sans difficulté. L’odeur du sang frais les attire vers le corps de Shannon.
Dès que la voie est libre, Tony s’avance jusqu’à l’interrupteur qui commande l’ouverture des portes du hangar. Elles se lèvent dans un crissement métallique. Tony est déjà remonté en sécurité lorsque les infectés se lancent à l’assaut des camions. Sans attendre, nous démarrons les moteurs et quittons cet endroit.
Je prends la tête du cortège et érafle légèrement la peinture du véhicule. Il va me falloir un peu de temps pour me faire à cet énorme gabarit.

Les kilomètres défilent, nous dépassons une église d'où s'échappent des dizaines d'infectés. Nous parvenons à les distancer facilement avec les camions, mais jusqu'où vont-ils aller ?
La nuit est tombée lorsque nous approchons enfin le chalet. Nous arrêtons les véhicules à l’entrée du chemin de terre qui mène à notre destination. Anna et Tony partent en reconnaissance pour s’assurer que l’endroit est sûr.
J’espère que tout va bien se passer. J’ai hâte de retrouver un semblant de chez nous.


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 Sujet du message: Re: Molly (Lunamous)
MessagePosté: Dim Mar 24, 2019 1:51 pm 
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Journal de Molly - Séance 25 (24/03/19)

00h00
Annabelle et Tony nous recontactent après de longues minutes. Nous pouvons approcher les camions, le chalet est sûr. L'émotion me serre la gorge dès que je vois sa silhouette se dessiner sous les pâles rayons de lune. C'était un lieu synonyme de joie, d’aventures, de vacances. Mais sans les rires de mes enfants, sans les histoires de papa, le soir au coin du feu, sans les parties de cartes avec maman et sans les bras d'Arthur dans lesquels me blottir, le chalet est vidé de son âme.
Une fois à l'intérieur, je tente d'enclencher le compteur électrique sans succès. Luke court partout en appelant ses grands-parents. Lorsque je le rejoins dans leur chambre au rez-de-chaussée, il me demande quand ils vont arriver. Je lui explique qu'il n'est pas prévu qu'ils viennent et que nous sommes juste tous les deux maintenant. Il semble déçu, mais passe rapidement à autre chose et rejoint Ron pour lui montrer sa chambre.
Tony et Brandon installent Bobby John dans la chambre de mes parents, la seule au rez-de-chaussée. De mon côté, j'emmène Naomi dans la chambre où se trouve encore un vieux berceau que ma mère ne s'est jamais résolue à jeter. Je débarrasse les peluches et poupées qui l'encombrent pour qu'elle puisse y déposer le bébé de Shannon qui dort profondément.
Tout le monde prend ses marques dans le chalet, tout le monde sauf Annabelle. Je la retrouve dehors près d'un des camions. Elle est en train de charger un sac. Lorsqu'elle me voit arriver, elle me tend un couteau et un revolver :
— Tiens, Brandon a dit qu'il n’en avait plus besoin. Tu verras si tu veux lui rendre. Tu pourras m'envoyer Tony ? Il faut qu'on s'assure que les infectés qui sont sortis de l'église ne nous ont pas suivi jusqu'ici. Si besoin, on essaiera de les attirer ailleurs.
Je reconnais son regard déterminé et n'essaie même pas de la retenir. Elle poursuit en me donnant des consignes pour le changement de pansement de Bobby John.
— D’accord, je m’en occuperai. Fais attention à toi.
— Toi aussi.
Je retourne à l'intérieur et intercepte Tony pour lui annoncer sa mission :
— Ok, mais qui va s'occuper de Bobby John ? s'inquiète-t-il.
Je le rassure et il accepte de partir avec Annabelle, non sans me laisser des consignes lui aussi : il ne faut pas donner d'alcool au vétéran. Effectivement, lorsque je passe prendre des nouvelles de ce dernier, la première chose qu'il me réclame c'est quelque chose de plus fort que la simple bouteille d'eau que je lui tends.
Brandon réunit tout le monde dans la grande chambre et propose de barricader les fenêtres du rez-de-chaussée en priorité, je propose de faire l'inventaire du stock de nourriture avec Naomi.
Brandon m'interpelle et me demande où est passée Annabelle. Lorsque je lui explique, il soupire et me rappelle que nous étions censés prendre les décisions à trois. D'un haussement d'épaules, je lui fais comprendre que je n'ai pas eu mon mot à dire non plus.

Je profite que nous soyons seules dans le cellier pour demander à Naomi ce qu'elle a vu exactement dans la salle de repos de la caserne.
— Ils l’ont massacrée.
— Comment ça “massacrée” ?
— Y'avait du sang partout. Brandon et Biz se tenaient au-dessus d'elle avec leurs couteaux, le bébé était juste à côté.
Elle est secouée par tout ça je n'ai pas envie de l'accabler de questions. Il faudra que je demande à Bobby John ce qu'il s'est passé là-dedans.
À onze personnes dans le chalet, nous devrions tenir une semaine avec les provisions stockées par mes parents. Pour le bébé de Shannon, Karl, nous avons à peine assez de lait pour tenir deux, trois jours tout au plus. Il doit avoir environ six mois, nous pourrons au moins lui donner quelques aliments solides. La colère m'envahit à nouveau en repensant à ce qu'il s'est passé :
— Ils ont tué sa mère, qu’ils assument maintenant : il devront prendre soin du bébé.
— Oui, je comprends. On s’occupera bien de lui avec Brandon. On… on va être bien ici, en sécurité.
— Sauf si les amis de Shannon essaient de retrouver ce bébé. Peut-être que son père est parmi eux… Si c’est le cas, ils feront tout pour le retrouver.
— Tu crois qu’ils peuvent nous retrouver ?
— Aucune idée. On ne sait ni où ils sont, ni ce qu’ils connaissent de la région et encore moins leurs moyens.
— J’espère qu’ils ne nous trouverons pas, on a eu assez de morts.
Naomi plonge soudain sa main dans la poche de son jean et en sort un collier qu’elle me tend. C’est une simple lanière de cuir avec au bout un croc d’animal. Je serre le point émue lorsque je reconnais le collier d’Harold.
— Tony me l’a donné pour elle, m’explique Naomi, mais je pense que ça serait mieux si ça venait de toi.
— J’essaierai de trouver le bon moment.
Si tant est qu’il y en ait un.
Elle me donne également son marteau que je glisse à ma ceinture.
Lorsque nous avons terminé l’inventaire, Naomi me demande le talkie-walkie. Elle espère pouvoir contacter le Concord Mills pour avoir des nouvelles de son père.
Une voix masculine se fait entendre dès qu'elle allume l'appareil. Malgré la mauvaise qualité de la communication, il me semble reconnaître cette voix. Elle répète inlassablement les mêmes lettres, lentement : “A, B, B, D, H, N, M”.
Je lui reprends l'appareil des mains, appuie sur le bouton et demande incrédule :
— Frank ?
— Affirmatif, M.
— Contente que tu sois en vie, m’entends-je lui dire.
Je n’oublie pas ce qu’il a fait à Omar, mais après toutes les morts qui ont décimé notre petit groupe, savoir qu’il a survécu me redonne de l’espoir.
— Vous êtes à l’endroit convenu ?
Pourquoi ne pas dire “au chalet” ? Il me paraît bien prudent.
— Oui. Et toi, où es-tu ?
— Pas très loin. Je suis en chemin.
— Tu as besoin d’aide ? On peut venir te chercher.
— Non, je vous rejoins. Ça ne sert à rien de vous mettre en danger. Je te tiens au courant.
— Tu es seul ? lui demande Naomi.
— Affirmatif.
— Pas de soldats ? insiste-t-elle.
— Non, je suis seul. Terminé.
La jeune femme a l'air épuisée, je lui suggère d'aller se reposer.
Jim vient me trouver, il semble nerveux. Il finit par m’expliquer qu’il s'inquiète toujours que certains puissent remettre en question sa présence parmi nous. Pour le rassurer, je lui promets que je parlerai à Tony et à Biz.
J'annonce à Brandon que je prends le premier tour de garde. Il désigne Biz pour m'accompagner. Tandis que les autres montent à l'étage, je passe voir Bobby John. La petite Maggie est près de lui. Je ferme la porte derrière moi.
— Comment te sens-tu ?
— Ça pourrait être mieux si j’avais un petit remontant.
— Il faudra patienter plusieurs heures avant le prochain anti-douleur.
— C’est pas de ce remontant là dont je parlais.
— J’avais compris, mais ça ne sert à rien d’insister. Dis-moi, qu’est-ce qui s’est passé avec Shannon ?
— Pas devant la gosse.
J’acquiesce de la tête et demande à Maggie de sortir mais la petite refuse de laisser Bobby John et me lance un regard de défi tel qu’Ethan pouvait en lancer à son père. Je pose un genou à terre pour la regarder face à face :
— Bobby John a besoin de repos. Quand on est blessé comme lui, on a besoin d’être seul pour pouvoir guérir correctement. Maintenant, tu vas monter à l’étage, retrouver Luke et vous allez vous coucher tous les deux.
Maggie cherche du soutien auprès du vétéran mais celui-ci lui demande d’obéir. Elle quitte la chambre en soupirant.
— Alors, que s’est-il passé avec Shannon ?
— J’ai cru qu’elle ferait passer la vie de son gamin avant tout le reste. Je pensais pas qu’elle était aussi fanatique. Quand je l’ai approchée, elle m’a tiré dessus. Après ça… j’ai pas trop suivi… j’étais pas trop en état.
Moi qui espérait en apprendre plus, c’est loupé.
— Je vais te laisser te reposer.

Je quitte à peine la chambre que Frank me recontacte au talkie-walkie. Il doit faire un détour et risque de mettre plus de temps à revenir.
J’ai besoin de prendre l’air. Je sors et reste un moment sur le perron à écouter les sons qui m’entourent. À part le bruissement des arbres et l’écoulement continu de la rivière, rien ne vient perturber la nuit. J’ose m’aventurer jusqu’à la rive. Le spectacle est apaisant et je me laisse bercer un temps par les souvenirs qui affluent. Mes pas me mènent jusqu’au hangar. Le bateau est là, je vérifie l’état du réservoir, il est plein. Le matériel de pêche de papa est rangé, comme d’habitude, rien ne traîne, même sur son établi.
La fraîcheur de la nuit me pousse à rentrer dans le chalet. La porte s’ouvre alors que je suis sur le seuil.
— Ah t’es là ! J’te cherchais partout. Faut m’dire quand tu sors comme ça! me reproche Biz.
— Désolée, j’avais besoin de prendre l’air.
Il s’écarte pour me laisser entrer puis me suit dans le salon. Je me fige devant les innombrables photos qui ornent le buffet et les murs. Des photos de mes parents, de leurs collègues et amis, de mon frère et de sa famille, de mes enfants, d’Arthur et moi. Tous ces visages sont souriants, insouciants...
— Comment tu t’sens ? me demande Biz.
— Vide. C’est difficile d’être là sans eux.
— Ouais, j’comprends. C’est dur quand on n’a plus personne.
— Tu as toujours Brandon et Naomi.
— Faudrait pas qu’il oublie que ma copine, elle est morte pour qu’on retrouve la sienne et pour récupérer autre chose… enfin…
— Il n’a pas oublié. Il a essayé de t’empêcher de faire n’importe quoi à la caserne, non ?
— Ouais, souffle-t-il. C’est tes gosses là ?
Je hoche la tête.
— Ils étaient beaux tes enfants. Et Luke, il est vraiment mignon c’gamin, dit-il avec un large sourire qui découvre ses dents en argent.
— Oui, Luke est solaire.
— Solaire, ouais c’est ça. Je f’rai tout pour le protéger tu sais.
— Je le sais. Merci.
— On devrait être bien ici.
— Pour ça, il va falloir mettre de côtés les différences de caractères, pour qu’on réussisse à s’entendre.
— Ben j’m’entends bien avec tout le monde, moi !
— Vraiment ? Même avec Jim ?
— Non mais Jim, c’est pas pareil, c’est un connard ce mec. Harold avait pas tort… Qu’est-ce qu’il fait avec nous ce type ? A quoi il sert ?
— C’est un humain, il est vivant, il est donc avec nous.
— T’as oublié qu’il voulait nous abandonner sur le chantier ?
— Non, je n’ai pas oublié, mais la peur peut nous faire faire des erreurs. On s’assurera qu’il n’en commette plus.
— J’aurais préféré qu’il crève plutôt qu’Harold, soupira-t-il. Et tu dis qu’il faut qu’on s’entende, mais Annabelle, elle était déjà pas super bavarde, mais maintenant, elle fait toujours la gueule.
— Elle vient de perdre son ami. Laisse-lui du temps. Comment tu réagirais si ça avait été Brandon ?
— Alors ils étaient juste amis ? me demande-t-il le sourire en coin. J’rigole mais les plus sauvages sont souvent les plus…
Il s’interrompt face à mon regard plein de reproches.
— Ça va, j’déconne juste. Bon, j’vais aller faire un tour, voir si tout va bien.
Le reste de la garde se passe tranquillement. Je vais réveiller Ron puis Brandon à six heures.
Je préviens ce dernier que Frank aura du retard.
— Au fait, tu savais qu’il était de la DEA ? me demande-t-il les sourcils froncés.
— Bien sûr.
— Il a rien dit parce qu’il avait peur de c’qu’on pourrait lui faire ?
— Tu aurais fait quoi à sa place ?
— J’aurais rien dit, admet-il, mais ça aurait été pire si ça avait été découvert.

Nouvel appel au talkie-walkie. Cette fois, c’est Annabelle. Ils ont réussi à attirer les infectés qui se dirigeaient vers le chalet. Par contre, ça va leur prendre plus de temps que prévu de les perdre. Je la préviens que Frank est en vie et qu’il va rejoindre le chalet. Elle me répond un simple “Très bien” avant de couper la communication.
Je confie le talkie-walkie à Brandon et vais me coucher dans une des chambres inoccupées. Je suis tellement épuisée.

12h30
Ces quelques heures de sommeil sans cauchemar m’ont fait un bien fou. Je rejoins les autres au rez-de-chaussée. Brandon me fait aussitôt signe de le rejoindre. Il tient le talkie-walkie. Frank est dans la banlieue de Badin. Il a secouru une jeune fille qui a besoin de mon aide. Elle a des saignements. Il me passe l’adolescente, Alexis. Elle est très secouée, me parle de ses saignements, de déchirures et a du mal à trouver ses mots. Elle me parle d’un homme qui…
— Il t’a fait du mal ?
— Oui, il m’a violée.
— Je suis désolée. Va dans la salle de bain et regarde si tu peux trouver des serviettes hygiéniques, des tampons ou du coton...
— Y’a que du coton.
— Très bien. Frank ? Essaie de lui trouver un tissu propre. Alexis, lave-toi soigneusement et sèche toi. Ensuite, tu enroules le coton dans le tissu. Mets du sparadrap pour que ça fasse une sorte de serviette hygiénique.
— M ? Je ne vais pas pouvoir traverser la banlieue avec elle dans cet état, c’est trop risqué. Est-ce que vous pouvez venir me chercher ?
— Quelle est l’adresse exacte et comment est la situation niveau infectés ?
— Je suis sur Anderson street. Ils sont vraiment nombreux. Ne venez pas avant la nuit.
— Laisse-nous un peu de temps pour qu’on prépare un plan. On te recontacte.

Le camion de pompier sert de barricade à deux des baies vitrées de la façade qui donne sur la rivière. En plus, ces engins sont bruyants et peu maniables. Je propose à Brandon qu’on aille chez les Henderson. Leur chalet est à deux ou trois kilomètres et un chemin de randonnée permet d’y accéder en longeant la rive. Ce sont des retraités qui passent s’assurer que tout va bien au chalet quand mes parents n’y sont pas. Je sais qu’ils ont un 4x4 et qu’ils vivent ici toute l’année. Brandon est d’accord, Biz viendra avec moi.
Je dois prévenir Luke de cette sortie. Il joue dans sa chambre, Maggie est avec lui. Je lui parle de Frank et lui explique qu’il a besoin d’aide. Mon fils est heureux d’apprendre qu’un policier va nous rejoindre. Il est confiant et ne semble pas inquiet jusqu’à ce que Maggie lui dise qu’on risque de mourir si on sort, comme ses parents, comme Harold et comme Dwayne. Je tente de la rassurer : je n’ai pas l’intention de mourir cette nuit et nous serons extrêmement prudents. Biz sera là pour me protéger.
Ron entre dans la chambre, visiblement, il a entendu notre conversation :
— Maggie, tu te souviens qui t’a sortie de ce camion sur l’autoroute ? C’était Frank, Biz et Harold qui t’ont sauvée. C’est ce qu’ils font ces gars-là. Ils sont forts.
Elle capitule d’un haussement d’épaules et je remercie Ron de la tête. Il sait vraiment y faire avec les enfants.
Je retourne voir notre blessé :
— Je vais changer ton pansement.
Lorsque je contourne le lit pour m'installer, j'aperçois une bouteille de whisky au sol, déjà bien entamée. Je défais le bandage qui enserre sa jambe, la blessure a saigné. Je lui demande la voix pleine de reproches :
— Ça en valait vraiment la peine ?
— Oui, y'a que ça qui me fait du bien, me répond Bobby John la voix pâteuse.

Notre groupe s’autorise un repas juste avant la tombée de la nuit. L’arrivée prochaine de Frank est dans toutes les discussions. C’est comme si chacun occultait le danger de cette sortie. Biz parle même de lui demander d’effacer son casier judiciaire pour repartir d’une page blanche quand tout ira mieux.
Je n’ai pas envie de casser l’ambiance euphorique, mais à mon avis, la vie telle que nous la connaissions avant fait partie d’un passé révolu. Et si les choses vont mieux un jour, rien ne sera plus pareil.

Dès la nuit tombée, Biz et moi nous mettons en route pour le chalet des Henderson. J'ai glissé le couteau de Brandon et le marteau de Harold à ma ceinture. Je n'ai parlé à personne du pistolet que j'ai glissé sous mon T-shirt dans mon dos.
Malgré tout cet attirail, tous mes sens sont en alerte et chaque craquement, chaque bruissement de la forêt me fait sursauter.
Nous arrivons enfin chez les Henderson. Le garage sous la maison est fermé. Les clés de la voiture sont stockés dans une petite boîte dans l'entrée du chalet. Biz teste la poignée de la porte d'entrée qui s'ouvre sans résistance. Il pousse le panneau de bois lentement. Nous nous figeons lorsque nous apercevons la silhouette de Madame Henderson qui se dessine à l'autre extrémité du chalet. Elle ne nous a pas vu et nous tourne le dos. Je retiens ma respiration et de geste les plus lents possible j'ouvre la petite boîte de clés qui émet un léger grincement. Je stoppe tout mouvement tandis que Madame Henderson grogne avant de replonger dans sa phase de sommeil.
Je me saisis lentement du trousseau et Biz referme la porte derrière nous.
Je lui propose de tester la porte de garage avant de se risquer à entrer dans le chalet pour en trouver les clés.
Nous redescendons et nous mettons en position. Il tourne la poignée qui est effectivement ouverte, compte jusqu’à trois et remonte la porte de garage d’un seul coup. Le métal grince et sort de sa torpeur Monsieur Henderson qui se trouvait dans l’escalier menant à l’intérieur. Il pousse un grognement et dévale en direction de Biz qui hurle :
— Par ici enfoiré !
Je fonce jusqu’à la portière, déverrouille la voiture et me glisse derrière le volant tandis que Biz contourne le capot et tente de monter derrière moi. La portière arrière est coincée et Monsieur Henderson se rapproche extrêmement vite pour ses soixante-dix sept ans.
Je glisse côté passager et laisse ma place à Biz qui a juste le temps de refermer la portière.
— Démarre ! lui hurle-je en lui lançant les clés.
— Tu vois, on a réussi ! me lance-t-il alors qu’il accélère.
Madame Henderson rejoint son mari dans la poursuite de notre véhicule.
On a peut-être réussi, mais on a libéré deux de ces choses à proximité de notre chalet.
— Attends ! Ralentis ! On pourrait les attirer ailleurs, pour ne pas qu’ils aillent vers le chalet…
— Ouais, on peut même s’en débarrasser. Regarde ça.
Il ralentit jusqu’à s’arrêter et enclenche la marche arrière. Il enfonce l’accélérateur et relâche le frein à main. Je boucle ma ceinture avant l’impact. Monsieur Henderson cogne contre le coffre avant de passer sous les roues du 4x4. Sa femme en revanche a réussi à esquiver la voiture et s’est accrochée au rétroviseur conducteur.
— Oh merde ! crie Biz en freinant d’un coup, ce qui n’empêche pas la voiture de heurter une souche sur le bord du chemin.
Le choc a au moins fait lâcher prise à Madame Henderson.
— Deuxième essai, annonce-t-il en repassant la marche avant.
Il accélère et cette fois, l’infectée n’échappe pas au sort funeste de son mari. L’habitacle est secoué lorsque la roue avant pulvérise son crâne. J’ouvre la fenêtre et respire profondément pour m’éviter de vomir. Ce couple, je le connais depuis toujours…
Je m’empare du talkie et contacte Frank pour le prévenir que nous serons là dans quelques minutes. Nous retrouvons facilement la maison où il s’est réfugié grâce à ses indications. À peine garés devant, une jeune fille sort et se précipite sur la banquette arrière. Elle n’a sur elle qu’un T-shirt et un short et porte les traces de l’enfer qu’elle a vécu ces derniers jours.
— C’est à moi que tu as parlé au talkie, lui dis-je.
— C’est vous Molly ? Merci, murmure-t-elle simplement en se glissant sur le siège.
Frank appelle au talkie :
— J’ai besoin d’aide ici.
Je fais signe à Biz d’y aller et me glisse derrière le volant. Nous attendons en silence jusqu’à ce que je perçoive des cris au loin.
— Faites vite, ils arrivent !
Quelques instants après, Frank et Biz sortent en portant une lourde caisse qu’ils peinent à déplacer.
Qu’est-ce qu’il y a là-dedans ?
Ils n’ont plus le temps, les infectés sont trop proches. Ils abandonnent la caisse et se précipitent à l’intérieur du 4x4. Je démarre en trombe et, comme d’habitude, commence un long détour pour semer nos poursuivants.

Chacun reste silencieux. Dans le rétroviseur, je jette un œil à nos nouveaux passagers. L’adolescente a les yeux plissés, le regard fixe et une respiration rapide.
D’où lui vient cette colère ?
De son côté, Frank regarde le paysage défiler, son visage ne laissant rien transparaître d'autre que la fatigue. Je me demande ce qui a bien pu lui arriver depuis que les soldats l’ont emmenés, nous abandonnant à notre sort devant le lycée. Ces questions attendront que nous ayons retrouvé la sécurité du chalet.


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MessagePosté: Dim Avr 07, 2019 7:10 pm 
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Journal de Molly - Séance 26 (06/04/19)

Dimanche 20 septembre (J+8) - 23h15

Le trajet du retour est plus long que prévu : toute la banlieue est remplie d’infectés. À peine débarrassés d’un groupe d’infectés qu’un autre se lance à notre poursuite. La conduite me demande beaucoup de concentration. Derrière moi, j’entends un murmure constant, à peine audible. “Il va venir me chercher, il va revenir.” Alexis est collée contre la portière, loin de Frank et semble complètement ailleurs.
Je parviens enfin à semer les derniers infectés qui nous filaient et nous rejoignons les routes désertes du parc de Morrow Mountain. L’agent spécial finit par briser le silence et demande des nouvelles du groupe.
— Nous avons perdu quelqu’un à chaque sortie quasiment. Shredder, Suprême, Drew, Dwayne, Harold sont morts, dis-je la gorge serrée.
Biz lui raconte brièvement les derniers événements, se vantant d’avoir réglé son compte à la jeune soldat. Contrairement à Brandon, il ne semble avoir aucun regret et même être fier de lui. Shannon nous voulait du mal, mais je n’arrive pas à me réjouir de sa mort. Ils auraient pu la stopper sans que ça finisse dans le bain de sang que m’a décrit Naomie.
— ...mais bon, là on vient de se poser dans le chalet, on s’ra en sécurité un moment, poursuit Biz. Et c’est pas un p’tit chalet mec, tu vas voir le truc de luxe ! Enfin, peut-être qu’au FBI t’as l’habitude. T’allais nous dire quand, ton petit secret ? lui demande-t-il en se retournant vers Frank.
— DEA, pas FBI, le corrige l’agent spécial. Avec Shredder, Brandon, Suprême et toi, tu comprends bien que je n’allais pas le crier sur tous les toits.
— Ouais, Shredder t’aurait défoncé.
— Vous l’avez bien attaché ? demande soudain Alexis. Vous l’avez bien attaché ? Sinon, il va venir me chercher.
— Ne t’inquiète pas, il ne fera plus de mal à personne, la rassure-t-il.
— Vous… vous l’avez tué ?
— Ben ouais qu’il l’a buté ! s’exclame Biz. Il lui a défoncé le crâne !

Mes mains se crispent sur le volant. Je jette un œil dans le rétroviseur. Alexis est retombée dans son mutisme, le visage tourné vers l’extérieur. Mon regard croise un instant celui de Frank. Je détourne les yeux vers la route. Une voiture est garée sur le bord de la route, à proximité du chalet. Nous échangeons un regard avec Biz : elle n’était pas là à l’aller. Je vérifie une dernière fois que nous ne sommes pas suivis avant d’engager la voiture sur le chemin de terre. Je me gare juste devant le chalet. Sans attendre, Biz s’avance jusqu'à la porte d’entrée. Lorsque je descends, Frank est déjà dehors, le visage tourné vers le lac. J’aperçois une brève lueur rougeâtre vers le ponton, près du hangar à bateau. Annabelle fume. Je suis soulagée qu’elle soit rentrée.
Alexis est toujours à l’intérieur. J’ouvre sa portière et lui demande si ça va. Elle a froid alors Frank lui propose sa veste. Lorsqu’il s’approche, elle s’écarte brusquement, le dos courbé comme un chien battu. Elle donne l’impression qu’un courant d’air pourrait la faire chavirer alors je lui propose mon bras et l’accompagne jusqu’à l’entrée. Naomie est là et prend le relai avec l’adolescente. Brandon salue Frank qui entre juste derrière. Moi je ne peux pas. Pas tout de suite.
Je les abandonne et me dirige au bord de l’eau. Le ponton que j’aime tant est toujours occupé par Annabelle. J’ai besoin d’être seule, alors je me pose sur un vieux tronc couché sur la rive.
Cet endroit est le plus sûr que nous ayons pour l’instant et pourtant, je ne m’y sens pas en sécurité. Trois personnes à l’intérieur ont tué des vivants. Trois personnes qui tuent au nom de la protection du groupe. Luke est à l’intérieur. Quel avenir est-ce que je lui offre avec ces gens qui disposent de la vie humaine comme ils écraseraient un cafard ?
La nuit est claire et la lumière de la lune danse sur la rivière. Le clapotis de l’eau et le chant des grillons m’apaisent petit à petit. Pour l’instant, je dois me concentrer sur la survie de mon fils. Il faut que je sois en mesure de le protéger, même des vivants. Ma main glisse dans mon dos jusqu’à la bosse dissimulée sous mon T-shirt. Même si je ne sais pas m’en servir, la présence de l’arme a quelque chose de rassurant.
Je me relève et me décide enfin à rentrer. Un coup d’œil vers le ponton m’indique qu’Anna a dû me devancer. Sur le seuil de la porte, j’ai ce moment d’hésitation. Je sais ce qu’il m’en coûte d’être à l’intérieur. Je prends une grande inspiration et entre.
Luke, qui discutait avec Biz et Frank, court aussitôt vers moi, un large sourire aux lèvres. Je l’aime tellement ; rien ne doit lui ôter cette joie de vivre.
— Maman ! Maman ! T’as réussi ! T’as sauvé le policier avec Biz.
Je serre mon garçon contre moi dans une douce étreinte lorsqu’un cri féminin retentit dans la salle de bain du rez-de-chaussée. Je me redresse aussitôt et devance Frank qui allait s’avancer :
— Je m’en occupe.
Si c’est Alexis, elle n’a certainement pas besoin qu’un homme vienne à nouveau profaner son intimité. Lorsque j’entre dans la pièce, Naomie se tourne vers moi affolée. Dans ses bras, Alexis, complètement nue, a les yeux fermés.
— Elle a commencé à paniquer, j’ai juste eu le temps de la rattraper, m’explique-t-elle.
— Allonge-la, je vais chercher Annabelle.
Je grimpe l’escalier quatre à quatre. Frank est en train de coucher les enfants. Luke n’a pas l’air emballé par l’idée, mais n’ose pas contredire le policier.
Je trouve Annabelle dans la chambre de Brandon et Naomie. Elle est assise contre le berceau et câline le petit Karl.
— Anna, désolée mais on a besoin de toi. Alexis est inconsciente en bas.
La jeune femme se relève et me tend le bébé avant de disparaître. Frank m’attend sur le seuil de la porte :
— Qu’est-ce qu’il se passe ?
— C’est Alexis. Tiens, prends-le, elles vont peut-être avoir besoin de moi.
Malgré sa réticence, il saisit Karl et le blottit contre son torse. Je les abandonne et file à la suite d’Anna. Je lui demande si elle a besoin de quelque chose.
— De l’alcool, n’importe quel type.
Je fonce vers le minibar de mes parents et en sors une bouteille de Vodka. Pendant ce temps, Anna et Naomie ont transporté l’adolescente à l’étage, dans la chambre de la vétérinaire.
Naomie quitte la pièce encore chamboulée lorsque j’arrive. Anna est en train de recouvrir le corps d’Alexis d’un drap. Je lui tends la bouteille et lui demande si je peux faire autre chose.
— Il lui faudrait une couverture.
J’ouvre l’armoire et étends le carré de laine sur la jeune fille. Annabelle allume deux bougies qu’elle dispose sur chacune des tables de chevet. La lumière vacillante révèle les profondes cernes qu’elle a sous les yeux.
Je lui demande comment elle va, elle me lance un regard étonné :
— Ça va.
— Comment ça s’est passé avec Tony ?
— On a réussi à les attirer ailleurs, mais il a fallu aller loin.
Elle s’installe près d’Alexis, prête à la veiller. La fatigue commence à se faire sentir pour moi aussi. Le regard d’Anna s’attarde un court instant sur le marteau d’Harold, accroché à ma ceinture. Je me rappelle soudain de ce que m’a confié Naomie et glisse la main dans ma poche. J’en sors le collier d’Harold et le lui tend.
— C’est quoi ça ? me demande-t-elle sur ses gardes.
— Tu sais très bien à qui il appartient.
— Qu’est-ce que tu veux que j’en fasse ? Ça ne le ramènera pas, me dit-elle acerbe.
— Tu ne veux pas le garder ?
Elle hoche la tête.
— Très bien, je le garde alors.
J’hésite un instant, mais il n’y a qu’avec elle que je peux partager mes inquiétudes.
— Frank a tué l’homme qui lui a fait ça.
— D’accord.
— Ça fait trois personnes qui tuent des vivants parmi nous.
— Tu comptes qui au juste ?
— Frank, Biz et Brandon. Frank avait déjà tué Omar.
— Il te l’a dit ?
— Non, mais tu avais entendu Omar comme moi, non ? “Tu m'as planté mec, tu m'as tué”.
— Tu devrais lui en parler avant de lancer des accusations. Et, désolée mais je ne vois pas où tu veux en venir avec tout ça.
Des gens qui tuent d’autres gens, ça ne la gêne pas ?
— Il ne faut pas donner le pouvoir de décision à des hommes qui tuent si facilement les vivants.
Elle semble exténuée, je la laisse se reposer et je l’espère réfléchir à ce que je viens de lui dire. Je suis tellement fatiguée, je n’ai peut-être pas utilisé les bons mots… ou est-ce qu’elle fait partie de ceux qui trouvent normal de tuer n’importe qui maintenant ?
Je ne suis pas prête à aller dormir dans une des chambres sans Arthur à mes côtés. J’ai l’impression de ne pas être à ma place dans ce chalet, sans le reste de ma famille à mes côtés. Malgré les protestations de mon corps, je retourne au rez-de-chaussée où je trouve Frank et Ron en pleine discussion. Celui-ci est en train de combler les quatre jours durant lesquels nous avons été séparés de l’agent spécial. Je comprends qu’il n’est plus très loin du moment où nous sommes passés à la maison. Incapable d’entendre ce récit, je m’esquive et me dirige droit vers la porte d’entrée. Je laisse le chalet derrière moi et avance jusqu’au bout du ponton. Assise en tailleur, le regard au loin, j’ai la sensation de pouvoir enfin respirer. C’est comme si j’étais constamment en apnée à l’intérieur.
Des pas bruissent contre la terre et les cailloux, je me retourne. C’est Frank qui s’assoit près de moi :
— Ça va, Molly ?
Je le fixe, silencieuse. Il connaît la réponse, sinon il ne m’aurait pas suivi jusqu’ici.
— Ça ne doit pas être simple de voir son intimité piétinée, sa maison envahie...
— C’est surtout que ça devrait être mes enfants, ma famille qui remplissent les lieux, pas tous ces inconnus.
— Qu’est-ce qu’il s’est passé pour ta famille ?
— Il n’y avait plus que Luke à sauver. Ils… ils étaient tous infectés.
— Je suis désolé.
— Tu as des nouvelles de la tienne ?
— Aucune. Y'a plus aucun moyen de communication longue distance. Je peux juste espérer qu'ils sont épargnés au Canada. Ils me manquent.
Après un instant de silence, il reprend :
— J’aurais aimé être avec vous ces derniers jours.
— Ça n’aurait rien changé. C’est moi qui aurais dû rentrer chez moi tout de suite…
— Tu ne peux pas refaire le passé, ni rester sur des regrets. Tu as retrouvé Luke, ce n'est pas rien. Maintenant qu'il est en sécurité, on va tout faire pour qu'il le reste.
— En sécurité ? Anna pense que le chalet est temporaire.
— Il faudra un peu de temps pour renforcer nos défenses. Et si tu me racontais ce qui ne va pas avec elle ?
— Elle est en deuil et en colère depuis la mort d'Harold.
— Je peux comprendre, ils étaient très proches.
— Elle s'est construit une carapace en béton et je ne sais pas comment l'atteindre. Brandon aussi est en train de craquer complètement. C’est lui qui a abattu Harold quand il a été mordu. Il n'a pas attendu, il ne lui a même pas laissé le temps de faire ses adieux… Lui et Biz ont massacré la soldat, et toi, tu as tué l'homme qui a violé Alexis, et tu as tué Omar aussi.
Je le fixe droit dans les yeux, il semble hésiter un instant avant de me répondre :
— J'ai fait ce que j'avais à faire. Je ne vais pas essayer de me justifier auprès de toi. Mais malgré tout ce qu'il se passe, il y a toujours des meurtriers, des pervers dans ce monde…
— Vous avez tous tué des vivants en pensant avoir une bonne raison. Et si demain ça se retourne contre l’un de nous ? Harold était prêt à abandonner Jim parce qu’il est faible, parce qu’il ne sert à rien !
— C’est pour ça que tu portes une arme maintenant ?
Mon T-shirt est toujours en place, j’avais oublié qu’un flic aurait l’œil pour ce genre de chose. J'acquiesce de la tête.
— Tu sais t’en servir au moins ?
— Non.
— Molly, tu risques de te blesser ou de blesser quelqu’un. Donne-moi cette arme.
— Non, je la garde. Je dois protéger mon fils.
— Contre qui au juste ?
Je ne réponds pas à sa question et ne lâche pas son regard sévère. Voyant ma détermination, Frank s’adoucit :
— Tu veux que je t’apprenne à tirer ?
Nous nous relevons et il me montre comment retirer la sécurité de l’arme, comment la charger, comment viser. Il se positionne derrière moi et je peux sentir qu’il maintient une distance suffisante pour ne pas me mettre mal à l’aise. Il corrige ma position, mon alignement pour limiter l’impact du recul.
— Il faudra s’exercer à tirer à balles réelles. Toi, et tous ceux en âge de le faire dans le chalet. Vous avez des munitions ?
— Quelques-unes.
— Il faudra qu’on en trouve en nombre suffisant.
— Le groupe a réfléchi à notre fonctionnement. Nous avons élu en quelque sorte trois décisionnaires : Anna, Brandon et moi. Les décisions majeures qui impactent le groupe sont censées être prises en commun.
— D’accord. Je comprends que tu aies été nommée, c’est une bonne chose.
— Je me sens tellement inutile. Je ne voulais pas qu’ils tuent cette soldat et elle est morte…
— Tu ne peux pas te sentir responsable des décisions prises par d’autres.
Des pas se font entendre derrière nous. Ron arrive, hésitant :
— Est-ce que tout va bien ici ?
Son regard passe du visage de Frank au mien. Je ne dois pas avoir une tête très rassurante vu l’air inquiet qu’il me renvoie. Je n’ai pas le temps de le rassurer que de nouveaux cris retentissent à l’intérieur. Frank se précipite avant que nous ayons le temps de le prévenir : Bobby John fait de nouveau un cauchemar.
Ça me rappelle que je voulais faire quelque chose. Je retourne à l’intérieur du chalet et me dirige droit vers le minibar. Je commence à sortir les bouteilles pour aller les mettre sous clé lorsque j’entends des bruits de lutte à l’étage. J’abandonne mon chargement et grimpe l’escalier le plus rapidement possible malgré la fatigue. J’ouvre la porte de la salle de bains et reste un quart de seconde figée en découvrant Annabelle à la lutte avec Alexis. L’adolescente a le visage camouflé par une serviette.
— Retire-lui les ciseaux ! m’ordonne Annabelle.
Je me précipite sur l’adolescente qui lutte comme une furie malgré sa maigreur. Je peine un peu à la maîtriser et elle réussit à me couper la main avant que je ne réussisse à lui prendre les ciseaux. Je les fais glisser vers Frank qui hésite à entrer dans la pièce. Ma main se tend vers le front d’Alexis lorsqu’Anna m’arrête brusquement :
— Non ! Il lui caressait les cheveux. Sortons-la d’ici !
À peine le seuil franchi, Alexis se rue au fond de la pièce et se cale, accroupie, dans l’angle. Anna la couvre avec la couverture avant de revenir vers nous.
— Il lui caressait la tête, il lui caressait la joue. Elle supporte difficilement le contact physique. Votre présence, dit-elle en pointant Frank et Jim, est perturbante pour elle. Elle veut éliminer tous les endroits qu’il a touché. Elle peut se faire du mal si on ne la surveille pas.
— Du coup, qu’est-ce que tu attends de nous ? Qu’on l’évite complètement ? Tu veux qu’on libère l’étage pendant quelques temps ?
— Non, pas besoin d’aller jusque-là. Il faut juste avoir conscience que la présence des hommes la met dans un état traumatique.
— Est-ce qu’on a des médicaments qu’on pourrait lui donner ?
— Pas de médication.
— Tu ne t’es pas reposée, lui dis-je affirmative. Je vais rester près d’Alexis pour que tu dormes un peu.
Je m’installe près de l’adolescente, pas trop près pour ne pas envahir son espace personnel. Elle est déjà endormie, au sol, comme un animal blessé.
Son sommeil est très agité. Pendant plusieurs heures, je fredonne les chansons qui ont bercé mes enfants au fil des années. Cela semble l’apaiser quelque peu. Dans le lit, la respiration d’Annabelle a fini par se faire plus lente et régulière.
Nous avons réussi chacun et chacune à survivre aux épreuves qui ont jalonné notre route, toutes plus horribles les unes que les autres. Mais dans quel état nous ont-elles laissées ?
L’aube finit par poindre à travers les rideaux qui masquent la fenêtre. Une nouvelle journée commence, nous avons survécu un jour de plus.


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 Sujet du message: Re: Molly (Lunamous)
MessagePosté: Lun Mai 06, 2019 5:42 pm 
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Journal de Molly - Séance 27 (04/05/19)

Nuit du dimanche 20 au lundi 21 septembre (J+9)

Alexis commence à s'agiter à mes côtés, je fredonne, comme je l'ai fait depuis le début de la nuit, mais cette fois elle ouvre les yeux et me fixe :
— Est-ce qu'il est revenu ? me demande-t-elle, paniquée.
— Non, il est mort.
— Vous êtes sûr ?
— Oui, Frank l'a tué. Il ne te fera plus jamais de mal.
— Je l'ai vu dans mon rêve, il était à la porte.
Je soupire, le cœur serré :
— Moi aussi, je vois des morts dans mes rêves.
— Quels morts ?
— Toute ma famille.
Rassurée, elle se rendort aussitôt. Mes muscles sont endoloris, mes jambes engourdies à force de rester assise par terre. Je me lève, écarte légèrement le rideau et observe l'aube qui se lève. Le soleil n’est pas encore là et une lumière bleue nuit dessine les contours du paysage. La rive d’en face n’est qu’une masse sombre qui semble flotter sur les eaux, les feuillages des arbres sur le rivage près du chalet oscillent doucement. Un son attire mon attention : un grincement qui se rapproche. Je me déplace légèrement pour mieux voir. Une silhouette juchée sur un vélo trop petit pour sa taille apparaît sur le chemin de terre. Je quitte mon point de vue et pars à la recherche de Frank et Ron qui sont toujours de garde. Ils sont dans une des chambres de l’étage et l’agent spécial est posté à la fenêtre.
— C’est Tony, lui dis-je pour le rassurer.
Je descends ensuite pour lui ouvrir la porte d’entrée, Frank sur mes talons, un fusil entre les mains. Nous l’accueillons et je lui demande comment il va et s’il est blessé.
— Ça va, mais je suis blessé au bras.
Un bandage qui semble avoir été fait à la hâte lui enserre l’avant-bras. Je m’inquiète :
— Mordu ?
— Non, non, je me suis entaillé.
Frank se détend quelque peu. Après avoir posé son vélo dans l’entrée, Tony nous explique qu’avec Annabelle, ils ont voulu refaire le même plan que dans la dernière maison : il devait se couper le bras pour attirer le groupe d’infectés de l’église avec le sang, sauf que l’entaille a été plus profonde que prévue. Ils se sont alors séparés avec Annabelle. Lui a pris le camion de pompier et les a entraînés plus loin encore. Il s’est fait un bandage à la hâte et a fini par les semer. Il a abandonné le camion de l’autre côté du parc national et a fait le trajet retour avec le vélo d’enfant.
— Et Bobby John ? s’inquiète-t-il.
Un peu gênée, je lui réponds :
— Même avec sa blessure, il a réussi à se lever et il a trouvé les bouteilles avant que j’ai le temps de les ranger. Désolée. Là, il dort.
Il a l’air fatigué, je demande donc à Ron de lui montrer une chambre disponible après qu’il ait fait connaissance avec Frank.
Cette fois, je n’oublie pas et mets tout l’alcool restant sous clés dans le cellier. Je me sers ensuite un café dans la cuisine puis sors m’installer devant le chalet. Frank se joint à moi quelques instants après. Nous regardons le soleil se lever en silence depuis quelques minutes lorsque des pas précipités se font entendre derrière nous :
— Maman ! lance Luke en m’enserrant le cou.
— Bien dormi ?
— Oui, même si Maggie bouge beaucoup. Et toi, maman ?
— Je n’ai pas encore dormi.
— Ben il faut dormir ! s’indigne-t-il. Dis, tu peux me faire des gaufres oursons s’il te plaît ?
— Je ne suis pas sûre qu’il y ait tous les ingrédients, mais viens, on va aller voir.
— Bonjour monsieur Frank ! lance-t-il à l’intéressé.
Celui-ci le salue de la tête. J’imagine que ça ne doit pas être simple pour lui, toujours sans nouvelles de sa famille.
J’essaie d’ignorer l’oppression qui m’étreint chaque fois que je franchis le seuil. Je déverrouille le garde-manger : ce sera des pancakes finalement. Tandis que je prépare la première fournée, Maggie s’installe près de Luke et me demande pourquoi Alexis a crié cette nuit. Lorsque je me tourne pour lui répondre, elle me fixe, l’air déterminé.
— Alexis a beaucoup souffert, comme nous tous, mais… elle va moins bien que nous.
— Pourquoi ? me demande-t-elle aussitôt.
Je sais qu’il ne faut pas mentir aux enfants. Ils ont ce sixième sens qui leur permet de savoir lorsqu’on essaie de les embobiner, mais je ne peux pas leur dire ce qu’a subi Alexis, ils sont trop jeunes.
— Quelqu’un lui a fait du mal.
— Un des monstres ?
— Non.
Ma réponse la laisse sans voix. C’est le genre de moment qu’un parent redoute. Celui où son enfant découvre que le monde n’est pas tel qu’on le souhaiterait pour lui. Oui, il y a des monstres, certains n’ont pas besoin d’être infectés pour ça.
— Je pourrais lui faire un gros câlin, propose Luke.
— Non, vous ne la touchez pas sans son accord, dis-je plus durement que je ne l’aurais voulu.
— Mais qu’est-ce qu’on peut faire alors ? demande Luke d’une petite voix.
— Être patients, lui laisser du temps.
Il faut que je trouve quelque chose pour effacer l’air choqué sur leurs visages…
— Maggie, tu veux un ours des forêts ou un ours polaire ?
Dans une main, je lui propose le sirop d’érable, dans l’autre, de la chantilly. Malgré son air farouche, je sens qu’elle est tentée et elle finit par choisir un ours polaire.
— Eh ! Moi aussi j’veux bien un ours polaire ! lance Biz en se levant du canapé, l’air encore endormi.
Je prépare quelques pancakes et en met un de côté pour Alexis. Après les avoir servi, j’abandonne Biz qui joue avec les enfants et je monte à l’étage. Je croise Brandon et Naomi. Cette dernière me demande de jeter un œil au petit Karl à l’occasion.
L’adolescente dort toujours. Je dépose l’assiette et une cuillère près d’elle. Annabelle est réveillée, probablement par ma présence dans la pièce.
— Il y a un petit déj’ servi en bas, lui dis-je en me relevant.
Elle reste silencieuse ; c’est devenu son habitude. Je quitte la pièce et passe voir le bébé. Il est profondément endormi, les deux poings serrés de chaque côté de son visage. Elijah a été le premier dans ce berceau… C’est même ici, dans ce chalet, qu’Arthur et moi avions choisi son prénom, quelques semaines avant l’accouchement. Non, il ne faut pas que je pense à ça. Ça fait trop mal.
Je ferme la porte et retourne vite dans la cuisine. Moi aussi, il me font envie ces pancakes après tout. Se concentrer sur l’essentiel : survivre, protéger Luke, manger, boire, dormir… Enfin, non, juste se reposer. Dormir signifie cauchemars ; dormir, ça veut dire les revoir encore et encore dans cet état… hors de question.
Jim baille à s’en décrocher la mâchoire puis m'interpelle et se plaint que les cris empêchent ceux qui vont bien de récupérer.
— La maison des voisins est libre si tu veux être au calme, dis-je sèchement.
— Ouais, c'est une bonne idée ça, approuve Biz.
Jim se renfrogne :
— C'est bon, ça ira.
Naomi et Brandon se sont installés à la table également, tout comme Tony. Brandon n’a toujours pas l’air d’être lui-même.
Biz demande avec entrain ce qui est au programme aujourd’hui. Comme Brandon garde le silence, je réponds :
— Je pense qu’on peut aller chez les Henderson. Il doit y avoir de la nourriture et du matériel qu’on pourra récupérer.
— Ouais, on a qu’à faire ça !
— Ensuite, le plus urgent est de trouver du lait et du matériel pour le bébé. Il y a une supérette pas très loin, mais je ne sais pas ce qui nous attend là-bas.
— Attendez là, intervient Frank en s'asseyant avec une assiette. Je ne suis pas en état de sortir aujourd’hui. Ça peut attendre ? On en est où niveau réserves ?
— On a pas besoin de toi pour aller chez les voisins. Biz et moi avons dû… les neutraliser. Leur maison ne risque rien. On a de quoi tenir une semaine si on continue de rationner la nourriture. Pour la supérette, on ne va pas avoir le choix. On a à peine de quoi tenir jusqu’à demain avec le lait de Karl. Et on n’irait de nuit, pas en plein jour.
— OK, très bien, soupire-t-il fatigué.
Je me tourne alors vers Brandon :
— Est-ce que tu viens en sortie ?
Il semble réfléchir longuement avant que Naomi ne réponde pour lui :
— Brandon préfèrerait rester ici autant que possible.
— Très bien. Tony, est-ce que tu peux nous accompagner ?
— Pas de problème.
Annabelle voudra peut-être venir, il faudra que je lui demande.
— Vous comptez vraiment sortir ? s’interroge Jim d’un air réprobateur. Pour la première fois, je ressens l'agacement qu'il inspire à la plupart du groupe :
— Tu as une remarque à faire ?
— Ce serait bien de prendre des décisions sensées pour que personne ne se fasse tuer.
Brandon s'est levé. Visiblement, il s'est senti visé par la remarque de Jim :
— T'as quelque chose à dire sur les décisions prises ?
— À chaque fois qu'on est sorti, il y a eu des morts, ce serait bien de réfléchir un peu avant de foncer.
— Molly avait pas tort, rétorque Biz, tu peux aller t'installer chez les voisins, ce serait perténent.
Le mot reste en suspension un instant. La lutte intérieure de Jim est palpable, mais il ne peut s'empêcher de le reprendre :
— "Pertinent".
Tony lui intime de fermer sa gueule. Jim quitte le chalet en claquant la porte. Frank ne tarde pas à le suivre.
Moi, je n'ai pas l'énergie pour tenter d'arranger les choses pour le moment. Affronter le mur qu'est devenue Annabelle me demande déjà beaucoup d'efforts.
Je monte la voir. Elle mange le pancake qu'elle était descendu chercher en coup de vent.
— Je peux t'embêter quelques instants ?
Elle acquiesce de la tête, mais j'ai le sentiment de déranger.
— Nous allons sortir pour aller fouiller le chalet des voisins. Est-ce que tu viens ou tu veux que je ramène des choses en particulier ?
— Je viendrai.
— OK, on ne va pas tarder à partir. Cette nuit, il faudra qu'on aille à la supérette pour trouver du lait pour le bébé. Brandon ne souhaite plus sortir pour le moment et je n'ai aucune idée de ce qui nous attend là-bas en terme d'infectés. J'irai avec Frank, Biz et Tony. Est-ce que tu viendras ?
— Je vais y réfléchir.
Au moins, elle aligne trois mots.
— Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi, Anna ?
Elle prend le temps de la réflexion :
— Non.
Je la laisse et tombe sur Jim qui revient de l'extérieur. Il est plus calme et me dit être impressionné par ma volonté de sortir et me demande de faire attention à moi. Il me laisse avant que j'ai le temps de lui répondre quoi que ce soit et m'annonce qu'il va instruire les enfants.
Avant de partir, je confie la clé du cellier à Naomi et l'informe qu'Annabelle venant avec nous, elle devra surveiller Alexis :
— Euh… je dois aussi m'occuper de Karl.
— Ron et Jim vont s'occuper des enfants pour te libérer.
— OK, et je vais mettre Brandon à contribution aussi. Il faut qu'il s'occupe l'esprit. Comment je fais pour m'occuper d'Alexis ?
— Cette nuit, je fredonnais dès qu'elle s'agitait, ça a eu l'air de la calmer. Il n'y a pas grand chose à faire à part veiller à ce qu'elle ne se mette pas en danger. Assure-toi qu'elle mange un peu.
Annabelle descend l'escalier et rappelle quelques règles avec Alexis : ne pas lui caresser la joue, ne pas lui caresser les cheveux, ne pas la toucher, autant que faire se peut.
Après ça, nous nous mettons rapidement en route. J'ouvre la marche, suivie de Biz et Tony. Annabelle reste en arrière.
Biz félicite Tony pour son rôle dans la mort de Shannon, ce qui semble le mettre quelque peu mal à l'aise. Anna rappelle aussitôt que nous ne sommes pas en promenade et leur intime le silence, ce dont je lui sais gré.
Le chalet des Henderson est dans le même état que lorsque Biz et moi l'avons quitté. La porte du garage est toujours ouverte. Tony s'y dirige et commence à recenser ce qu'il sera utile de récupérer. De mon côté, je me rends dans la cuisine et charge les sacs de nourriture. Je tente de faire abstraction du fait que nous sommes en train de piller la maison de gens que j'ai connu depuis mon enfance et que j'ai tué la veille.

Lorsque nous rentrons au chalet, Naomi me lance un regard désespéré. Le petit Karl pleure à grosses larmes dans ses bras. Ses joues sont très rouges.
— Comment ça se passe ici ?
— Ça va, mis à part pour lui qui n’arrête pas de pleurer, je ne sais plus quoi faire… confesse-t-elle.
— Je reviens.
À l’étage, Jim est en train de faire classe aux enfants qui l’écoutent, studieux. L’homme semble dans son élément et fait preuve de plus de diplomatie qu’avec les adultes. Ça va leur faire du bien de retrouver un semblant de normalité. Je m’avance vers eux :
— Je peux vous interrompre ?
— Bien sûr, me répond Jim un peu surpris.
— Luke, tu sais s’il reste ici des jouets de quand tes sœurs étaient bébés ?
Mon fils réfléchit une seconde et se lève brusquement. J’ai juste le temps de le rattraper par l’épaule :
— Dis-moi juste où ça se trouve.
Il semble déçu de ne pas pouvoir échapper à la classe quelques instants :
— Ah… Dans l’armoire de cette chambre, m’indique-t-il en pointant l’index.
Je l’embrasse sur la tête et me dirige vers la porte fermée. Il me semble que Frank s’y est installé pour dormir. J’ouvre doucement et me dirige vers l’armoire quand il m’interpelle :
— Molly ? Tout va bien ?
— Oui, j’avais juste besoin de récupérer quelque chose ici, désolée.
Tandis qu'il se lève, j'attrape la caisse de jouets et retrouve Naomi :
— Il fait ses dents. Mordiller quelque chose devrait le soulager.
Je me tourne ensuite vers Ron pour lui demander s’il a pu avancer dans le déchiffrage de l’ordinateur d’Elijah.
— C’est Annabelle qui l’a et comme il n’y a pas beaucoup de batterie, il faudrait que je me pose un peu pour y réfléchir avant de l’allumer. Y’a personne d’autre qui connaisse un peu cette messagerie ?
— Il n’y a qu’à Alexis et Frank que je n’ai pas demandé. Je le ferai.
Ron me demande ensuite s’il peut se familiariser avec le bateau de mon père. Depuis que tout le monde s’est installé ici, je ne me sens plus vraiment chez moi à vrai dire, mais je me contente d’un bien sûr.
La lassitude me gagne, mais je la repousse et grimpe une fois de plus les escaliers. Dans la petite chambre, je demande à Anna l'ordinateur portable de mon fils. Elle le sort de son sac et me le tend. Alexis est toujours assise par terre, dans un coin de la chambre. Elle suit les motifs du papier peint du doigts. Je réussis à la sortir de sa rêverie et lui demande comment elle se sent et si elle a mangé. Elle est très laconique, mais me répond tout de même.
— Alexis, j'ai besoin de ton aide. Est-ce que tu connais la messagerie SD&C ?
Elle secoue la tête et je commence à désespérer de pouvoir lire un jour les derniers messages de mes fils. La jeune fille me réclame des pinceaux et de la peinture.
— J’essaierai de te trouver ça.
Elle se tourne aussitôt vers le mur et se perd à nouveau dans son monde. Annabelle utilise les jumelles des Henderson pour observer la rive d’en face. Je suis trop fatiguée pour essayer de percer sa carapace.
Je commence à ne plus avoir le choix : si je veux participer à la sortie à la supérette la nuit prochaine, il va falloir que je me repose.
Sur le palier, Frank rappelle à tous quelques consignes de base : fermer la porte, continuer les tours de garde, ne pas sortir seul, sans prévenir. Je lui demande :
— Il y a des gens dehors en ce moment ?
Il me fixe étonné :
— Ron.
— Je vais le rejoindre, propose Tony aussitôt. Il faut que je m’occupe du récupérateur d’eau.
Je le suis également. J’ai besoin d’air, de la lumière du jour et l’idée de m’enfermer dans l’une des chambres me rebute. Je me dirige vers le bout de terrasse qui n’est pas bloqué par le camion de pompier et m’installe sur l’un des transats. L’arme dans mon dos et le marteau à mon côté me gênent. Je les pose contre moi et ferme les yeux, bercée par les voix de Tony et Ron qui bricolent à proximité et par le fredonnement de Biz non loin. Mon corps épuisé se détend instantanément et je bascule vers le sommeil dans une dernière pensée : pourvu que je ne rêve pas.


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 Sujet du message: Re: Molly (Lunamous)
MessagePosté: Mar Juin 11, 2019 3:34 pm 
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Journal de Molly - Séance 28 (09/06/19)

Lundi 21 (J+9) 18h00

— Molly ? Yo ! Molly, réveille-toi ! C’est l’heure de la graille.
Lorsque j’ouvre les yeux, la première chose que je vois est le sourire argenté de Biz penché sur moi. Je réprime un léger sursaut avant que les souvenirs ne me reviennent. Je hoche la tête et me relève doucement en jetant un œil à ma montre : deux heures de sommeil. Je bâille longuement et me frotte le visage pour tenter d’éclaircir mes idées. Une fois debout, je me penche et récupère le marteau d’Harold et l’arme de Brandon. Jamais je n’aurais cru devoir un jour porter ce genre d’équipement à ma ceinture et redoute le moment où il me faudra les utiliser.
À l’intérieur, tout le monde est réuni dans le salon, sauf Annabelle et Alexis. Je suppose que l’adolescente a besoin d’aide, à moins que ce ne soit Anna qui ait besoin de s’isoler. Naomie se dirige vers moi dès qu’elle m’aperçoit et me demande de me charger du repas. Elle veut de nouveau faire une tentative avec le talkie-walkie. J’accepte à contre-cœur. Préparer un repas pour autant de monde, dans cette cuisine, risque de raviver trop de souvenirs. Alors que je cherche un moyen de mettre ma mémoire en sourdine, une voix grave retentit dans le talkie-walkie. Je me fige.
— Papa ? répond aussitôt Naomie, la voix remplie d’émotion.
— Naomie ? C’est toi ?
— Oui papa, c’est moi, c’est Naomie, dit-elle dans un mélange de rires et de larmes.
— Dieu merci, tu es vivante !
Mitch s’en est sorti, c’est à peine croyable ! Je me retourne et revient auprès de la jeune femme. Brandon est déjà à ses côtés, Frank et Biz se rapprochent également tandis que tout le monde tend l’oreille. Il est au Concord Mills, avec les survivants que nous y avions laissés, mais ils ont besoin d’aide. Omar n’est pas avec lui, il est mort dans cette maison où tout a dérapé. Mitch n’oublie pas le rôle de Frank dans cette histoire d’ailleurs. Omar et lui étaient parvenus à se réfugier à l’étage de la maison, cernés par les infectés, le jeune homme, paniqué après avoir été attaqué par les infectés a mordu Mitch à la main lorsqu’il a essayé de le faire taire. Un silence gêné s’installe dans le chalet.
— Comment ça il t’a mordu ? s’inquiète Naomie.
— Oui, il m’a mordu, mais ça va, j’ai rien. Il… Quand il est mort, il ne s’est pas relevé… pas comme ton frère.
— Je suis désolée papa, j’aurais dû être avec vous.
— Ne le sois pas, tu es vivante, c’est tout ce qui compte.
Je fais un signe à Naomie qui me tend le talkie-walkie.
— Mitch, c’est Molly. Je suis ravie et soulagée d’entendre ta voix.
— Moi aussi ! Tu as pu retrouver ta famille ?
— Seulement un de mes fils.
— Oh… je vois…
Je l’interromps avant qu’il n’ait le temps d’aller plus loin :
— Dis-moi, ça fait combien de temps qu’Omar t’a mordu ?
— Euh… quelques jours.
— Tu n’as pas de fièvre ?
— Non, non, ça va je vous dis. Heureusement que Bullpit a pu me sortir de là ! C'est un collègue à moi.
Le nom fait réagir Frank, qui se tend sensiblement, ainsi que Brandon et Biz, qui échangent un regard entendu.
— Et tu disais que vous avez besoin d’aide ? Tu peux nous expliquer ?
— Swinburne fera ça mieux que moi.
L’appareil crachote un instant avant que la voix du responsable de la sécurité prenne le relai :
— Vous pouvez pas savoir comme ça m’fait plaisir de savoir que vous vous en êtes sorti ! Tout le monde va bien ? À vous.
Des regards gênés s’échangent. Personne n’a envie d’être le porteur de mauvaises nouvelles. Frank pose sa main sur la mienne, crispée sur le talkie. Il saisit l’objet et répond :
— Ici Farmer. On a subi quelques pertes, mais on a aussi sauvé d’autres personnes. Et de votre côté ? À vous.
— On a perdu Justin.
Il se racle la gorge avant de nous expliquer que les infectés ont réussi à faire céder une des grilles du centre commercial et que la plupart des allées sont maintenant envahies. Il ne peut en être sûr, mais selon lui, les enragés se sont volontairement massés contre la grille. Swinburne a eu l’impression que c’était une action volontaire et qu’ils communiquent à minima par gestes. Les survivants du centre sont cernés. En rationnant la nourriture à l'extrême, ils peuvent tenir une semaine, si les grilles qui les protègent ne cèdent pas. Mitch reprend la parole :
— Mais si vous êtes en sécurité, il ne faut pas mettre votre groupe en danger, surtout si vous avez des enfants avec vous.
— Nous allons avoir besoin d’un peu de temps pour réfléchir, lui dis-je. Swinburne, est-ce que vous avez encore accès à l’une des sorties du centre commercial ?
— Il y en a une ou deux où il y a moins de monde, mais sans diversion, on ne passera pas.
— J’ai ma petite idée, prononce une voix inconnue. Venez voir.
Je suppose que c’est le fameux Bullpit dont parlait Mitch.
Nous convenons d’un prochain appel le lendemain soir à 18h00. Naomie a du mal à y croire, son père est vivant. Elle se blottit dans les bras de Brandon dès que le talkie est coupé. Biz fait les cent pas derrière eux. Ron a l’air inquiet et Jim prend des notes. Luke vient se faufiler près de moi :
— Maman, c’était qui ? Des gens que tu connais ?
— Oui, des gens qu’on a aidé il y a quelques jours.
— Whaou ! lance-t-il le visage illuminé.
Je pose la main sur l’épaule de Naomie :
— Je suis contente pour toi, tu dois être soulagée.
Incapable de parler, elle se jette dans mes bras et me serre contre elle, les joues inondées de larmes.
Bobby John nous a rejoint, s’aidant des murs et des meubles pour ne pas trop appuyer sur sa jambe. Il demande à Frank quelques informations supplémentaires sur le Concord Mills et ceux qui s’y trouvent. Il a lui aussi remarqué la réaction de Frank lorsque Mitch a prononcé le nom de Bullpit et lui demande s’il le connaît. L’agent spécial soupire :
— Oui, je le connais, et on ne s’est pas quitté en très bons termes.
— Vous aussi vous le connaissez, affirme Bobby John en se tournant vers Brandon et Biz.
Ce dernier tient son arme fermement :
— Ouais. Il aurait dû être au Concord Mills la première fois, mais on est prêt pour les retrouvailles.
Naomie se raidit et fixe son compagnon :
— Attends, c'est bien pour moi, pour me sauver que vous êtes venus ?
Brandon fixe le sol quelques instants avant de trouver le courage d'affronter le regard de la jeune femme :
— Oui, je suis venu pour toi, mais il fallait convaincre les autres. Bullpit était une bonne raison.
Je lui demande :
— C'est qui ce type ?
— Notre fournisseur. On voulait le retrouver et récupérer sa came.
L'inquiétude me gagne :
— Pourquoi vouloir le retrouver ?
— Il avait des… des moyens de pression sur nous, nos familles, surtout sur le cousin de Biz.
— Ce salaud a fait crever les yeux de mon cousin en taule ! crache Biz. Il sortira pas vivant de là.
Je me tourne vers Frank et ce que je lis sur son visage ne me rassure pas. L'idée ne semble pas lui déplaire. Je lui demande :
— Et toi, comment tu le connais ?
— Je bossais sur une affaire importante et Bullpit devait balancer un gros caïd de la drogue. J’étais avec lui quand tout ça a commencé. Il a essayé de me tuer et s'est échappé.
Ça n'en finira donc jamais...
Je réfléchis un instant puis demande à Brandon :
— Est-ce que ce Bullpit sait que vous voulez le tuer ?
— Il peut s'en douter.
— Mitch et Swinburne lui ont sûrement déjà donné les noms des survivants de notre groupe… Je ne veux pas d'un massacre là-bas.
— Moi non plus, m'assure Brandon.
— Il faudra une trêve entre lui et vous, dis-je en incluant Frank et Biz.
— Je suis d'accord, approuve Brandon. Il faut réussir à mettre les ressentiments de côté, ajoute-t-il à l'intention de son ami. J'en peux plus de toutes ces morts...
— Mais attendez, intervient Ron. Ce gars, il est comme nous. Peut-être qu'il veut juste survivre et qu'il y a moyen de mettre tout ça de côté ?
À la table, Jim lâche un rire nerveux :
— Non, ils ne vont pas mettre tout ça de côté.
— Il y a des innocents dans ce centre commercial. La priorité, c'est de les protéger, assène Bobby John sûr de lui.
Jim n'insiste pas et se penche à nouveau sur son carnet de notes. Le Concord Mills n'est pour l'instant pas notre priorité. Nous devons d'abord trouver du lait pour le petit Karl.

Je vais dans la cuisine avec les enfants et Ron pour préparer le repas. Luke me bombarde de questions sur les gens du Concord Mills, me demande s'il y a d'autres enfants. Il est satisfait d'apprendre qu'il y a une autre petite fille, Lindsay. Il est tellement habitué à se lier facilement avec les autres, je sens que le côté sauvage et renfermé de Maggie le perturbe.
Côté salon, Bobby John parle longuement à Biz. Celui-ci hoche la tête. J'espère que le vétéran saura lui faire entendre raison vis à vis de ce Bullpit.
Au travers du bavardage constant de mon fils, je capte quelques bribes des échanges entre Frank et Jim qui discutent des infectés. Les déclarations de Mitch ont surpris tout le monde.

Après un repas animé par les discussions sur le Concord Mills, il est temps de mettre les enfants au lit et de se préparer pour la sortie à la supérette. Luke craque complètement lorsque je lui annonce que je dois y aller avec les autres. Avec bien du mal, je finis par le calmer et lui promet de revenir l'embrasser dès mon retour. Il se couche à contre-coeur. Bobby John est venu parler à Maggie, mais l'enfant semble avoir repris ses distances avec celui qu'elle appelle papy. Nous les bordons et quittons la pièce. Lorsque je referme la porte, mon fils sanglote encore doucement. Maggie se rapproche de lui dans le grand lit et lui prend doucement la main. J'aurais aimé pouvoir rester auprès de lui, mais je dois contribuer à la survie du groupe, comme les autres.

Le plan est simple : Annabelle et Tony vont partir en éclaireurs et attirer les infectés loin de la supérette. Bobby John conduira la seconde voiture. Frank, Biz et moi tenterons de nous faufiler à l'intérieur et de récupérer le lait pour Karl le plus discrètement possible.
À 22h00, Annabelle nous appelle au talkie pour nous prévenir qu'ils ont pu attirer une vingtaine d'infectés derrière eux. Ils n'ont pas vu de grilles baissées au niveau du magasin et s'éloignent maintenant vers le nord. À nous de les prévenir lorsque nous aurons terminé.
Bobby John se gare à 500 mètres de notre destination et nous attendra dans la voiture, prêt à repartir au moindre problème.
Au travers des jumelles de papa, l'avant du magasin semble vide, mais des traces de sang sur les vitres ne laissent aucun doute sur ce qui s'est joué ici. Nous décidons de passer par l'entrée des employés, à l'arrière du magasin. Biz doit forcer la porte qui est verrouillée. Après un long moment, il nous fait signe qu'il a réussi. Frank passe le premier, allume sa torche, un couteau dans l'autre main, prêt à affronter ce qui nous attend à l'intérieur. Mon coeur bat à cent à l'heure. Je n'ai jamais participé à l'action jusque-là. Ma main se crispe sur le manche du marteau d'Harold. Nous entrons dans un petit vestibule. Biz referme derrière nous. La torche de Frank balaie les vestiaires. Au moins deux employés avaient pris leur poste. Biz ouvre une seconde porte qui mène dans la réserve du magasin. En face, une porte qui doit mener vers l'intérieur de la supérette, à droite, un long couloir qui dessert deux autres portes ainsi que des rayonnages plus loin sur la droite. Frank passe devant et perce les ténèbres de sa torche. Je me concentre sur les bruits environnants : le frottement de mon pantalon lorsque je fais un pas, la respiration courte de Biz derrière moi… et des grognements plus loin, devant nous. Je pose la main sur le dos de Frank et lui indique dans un faible murmure leurs localisations : droit devant et à l'intérieur du magasin.
Il acquiesce et continue d'avancer lentement. Nous passons devant les deux portes fermées sur notre droite. Sans aucun doute, un infecté est enfermé dans l'une d'elle. Biz se met en position à côté de la porte, prêt à agir s'il s'en échappe. Frank et moi continuons à progresser. Les grognements devant se font plus rapprochés à mesure qu'on avance. La lumière faire réagir l'infecté qui pousse un cri guttural, déclenchant tous les infectés encore alentours. Nous sommes cernés, les grognements et cris proviennent de partout autour de nous. On n'aurait jamais dû venir si peu nombreux !
Je pose la main sur le dos de Frank un instant, histoire de ne pas perdre complètement pied. Lui échange son couteau par son arme. Au temps pour la discrétion. Il vise et tire. L'infecté continue sa course, la moitié du visage arraché.
Je recule instinctivement, Frank esquive la charge et l'enragé s'effondre au sol. Derrière nous, une porte s'ouvre avec fracas. Biz tente un coup de crosse, mais l'infecté attrape l'arme et tente de l'attirer à lui.
Le talkie à la ceinture de Frank crépite : "Tout va bien ?" demande Bobby John.
Bien sûr que non, ça ne va pas du tout ! Il faut que je fasse quelque chose. Frank s'acharne sur l'infecté à terre à coups de crosse. Biz ne parvient pas à faire lâcher le sien. Je m'approche d'eux, lève le marteau et l'abat. L'infecté bouge au dernier moment. C'est sa cuisse qui encaisse le choc qu'il ne semble même pas avoir senti. Biz secoue l'infecté de droite à gauche et finit par se dégager. Il a juste le temps de lever son arme et tirer. La tête explose. Je détourne le regard écoeurée. Bobby John nous prévient qu'il s'est garé juste devant le magasin et qu'il y a deux infectés contre la vitrine. Frank le rassure sur notre survie. Les coups d'un enragé se font entendre derrière la porte menant à l'intérieur du magasin. Nous avançons dans le long couloir, prenons à gauche à l'angle. Une nouvelle porte se présente, pas de bruit derrière celle-ci. Frank me demande de l'ouvrir tandis que Biz et lui me couvre. La terreur me fait hésiter une seconde. Je pose une main tremblante sur la poignée, arrête de respirer avant de la tourner. C'est verrouillé. Je ne peux m'empêcher d'être soulagée.
La porte ne résiste pas aux outils de Biz et nous nous retrouvons rapidement devant la boulangerie. À l'autre bout du magasin, la silhouette d'une vieille dame cogne contre une porte et tente de l'ouvrir. C'est celle qui mène au couloir où nous nous trouvions. Frank nous fait signe d'avancer entre les rayons. Des grognements se font entendre derrière nous, étouffés par les murs. Devant nous, c'est un frappement régulier qui revient. Chaque porte, chaque petite pièce semble occupée par un infecté. Je tremble, mais Frank continue de se faufiler. Nous parvenons enfin au rayon pour bébés. Je tends la main vers un paquet de couches lorsqu'il me saisit le poignet. "Trop bruyant. Juste le strict nécessaire" souffle-t-il.
Nous faisons encore quelques pas. Biz surveille la vieille dame tandis que je fourre les boîtes de lait et les petits pots dans nos sacs. Nous reculons au bout du rayon, prêts à repartir lorsque nous l'apercevons au travers de la vitrine de la pharmacie. Une petite fille frappe des coups réguliers avec sa main contre la vitre sur laquelle elle est appuyée. Frank lui fait un signe, l'enfant lève la main en réponse. Un gros bandage sanglant enserre son bras. "Au secours", peut-on lire sur ses lèvres.
Mon coeur se serre. On ne peut rien faire pour elle. Frank lui fait signe de se baisser et se dirige vers elle, suivi de Biz et moi. Nous parvenons à ouvrir la porte qui la maintenait à l'abri des infectés. Frank essaie de la rassurer et lui demande de rester la plus silencieuse possible. Ellie, se présente-t-elle, a été mordue. Elle tousse. Pendant que Frank échange quelques mots avec elle, je remplis le moindre espace encore disponible dans nos sacs d'antibiotiques, de bandages, d'anti-douleurs. Il me faut quelques instants avant de trouver ce que je cherche : des somnifères.
Alors que je reviens près de la porte, Biz se lève et quitte la pharmacie.
— Qu'est-ce que tu fais ? lui demande Frank.
— T'inquiète.
— Déconnes pas !
— Allez-y, j'vous rattrape.
Frank prend la petite dans ses bras et me fait signe de le suivre. Biz se dirige vers le rayon de l'alcool, juste dans le dos de la vieille dame infectée.
Nous rebroussons chemin par le même trajet qu'à l'aller. Alors que nous dépassons le rayon pour bébé, la vieille dame hume l'air puis pousse un grognement sonore avant de se retourner vers nous. Frank se met à courir, j'emboîte son pas. Nous avons tout juste le temps d'atteindre la porte à côté de la boulangerie. Biz se jette derrière nous et referme derrière lui. Les infectés tambourinent aussitôt.
Frank me tend la fillette :
— Prends-la.
La honte m'étreint, mais je refuse. Elle est couverte de sang infecté, je pourrais contaminer Luke. Hors de question. Le regard lourd de reproches, Frank pose Ellie par terre et lui demande de me suivre. Nous courons dans le couloir jusqu'au quai de déchargement. Biz enclenche le bouton d'ouverture. Bobby John nous attend avec la voiture. Je fais grimper l'enfant à l'arrière et m'installe à côté d'elle. Bobby John grimace lorsqu'il voit le filet de sang qui coule de son menton.
— Qu'est-ce que...
— Elle est toujours en vie, dis-je pour toute explication.
Biz grimpe à l'avant et Frank ne tarde pas à nous rejoindre. Bobby John nous fait quitter la zone rapidement. Frank change le pansement de la gamine et le jette par la fenêtre. Il va finir par attraper l'infection s'il continue comme ça.
Je me penche vers Bobby John :
— Chez les Hendersons, pas au chalet.
Le silence règne dans la voiture, uniquement interrompu par les quintes de toux d'Ellie et par les indications de trajet que donne Biz.
Nous avons réussi à récupérer le lait pour le petit Karl, cette sortie me laisse pourtant un goût amer dans la bouche.


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 Sujet du message: Re: Molly (Lunamous)
MessagePosté: Mar Juin 11, 2019 3:35 pm 
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Journal de Molly - Séance 28 (09/06/19)

Lundi 21 (J+9) 18h00

— Molly ? Yo ! Molly, réveille-toi ! C’est l’heure de la graille.
Lorsque j’ouvre les yeux, la première chose que je vois est le sourire argenté de Biz penché sur moi. Je réprime un léger sursaut avant que les souvenirs ne me reviennent. Je hoche la tête et me relève doucement en jetant un œil à ma montre : deux heures de sommeil. Je bâille longuement et me frotte le visage pour tenter d’éclaircir mes idées. Une fois debout, je me penche et récupère le marteau d’Harold et l’arme de Brandon. Jamais je n’aurais cru devoir un jour porter ce genre d’équipement à ma ceinture et redoute le moment où il me faudra les utiliser.
À l’intérieur, tout le monde est réuni dans le salon, sauf Annabelle et Alexis. Je suppose que l’adolescente a besoin d’aide, à moins que ce ne soit Anna qui ait besoin de s’isoler. Naomie se dirige vers moi dès qu’elle m’aperçoit et me demande de me charger du repas. Elle veut de nouveau faire une tentative avec le talkie-walkie. J’accepte à contre-cœur. Préparer un repas pour autant de monde, dans cette cuisine, risque de raviver trop de souvenirs. Alors que je cherche un moyen de mettre ma mémoire en sourdine, une voix grave retentit dans le talkie-walkie. Je me fige.
— Papa ? répond aussitôt Naomie, la voix remplie d’émotion.
— Naomie ? C’est toi ?
— Oui papa, c’est moi, c’est Naomie, dit-elle dans un mélange de rires et de larmes.
— Dieu merci, tu es vivante !
Mitch s’en est sorti, c’est à peine croyable ! Je me retourne et revient auprès de la jeune femme. Brandon est déjà à ses côtés, Frank et Biz se rapprochent également tandis que tout le monde tend l’oreille. Il est au Concord Mills, avec les survivants que nous y avions laissés, mais ils ont besoin d’aide. Omar n’est pas avec lui, il est mort dans cette maison où tout a dérapé. Mitch n’oublie pas le rôle de Frank dans cette histoire d’ailleurs. Omar et lui étaient parvenus à se réfugier à l’étage de la maison, cernés par les infectés, le jeune homme, paniqué après avoir été attaqué par les infectés a mordu Mitch à la main lorsqu’il a essayé de le faire taire. Un silence gêné s’installe dans le chalet.
— Comment ça il t’a mordu ? s’inquiète Naomie.
— Oui, il m’a mordu, mais ça va, j’ai rien. Il… Quand il est mort, il ne s’est pas relevé… pas comme ton frère.
— Je suis désolée papa, j’aurais dû être avec vous.
— Ne le sois pas, tu es vivante, c’est tout ce qui compte.
Je fais un signe à Naomie qui me tend le talkie-walkie.
— Mitch, c’est Molly. Je suis ravie et soulagée d’entendre ta voix.
— Moi aussi ! Tu as pu retrouver ta famille ?
— Seulement un de mes fils.
— Oh… je vois…
Je l’interromps avant qu’il n’ait le temps d’aller plus loin :
— Dis-moi, ça fait combien de temps qu’Omar t’a mordu ?
— Euh… quelques jours.
— Tu n’as pas de fièvre ?
— Non, non, ça va je vous dis. Heureusement que Bullpit a pu me sortir de là ! C'est un collègue à moi.
Le nom fait réagir Frank, qui se tend sensiblement, ainsi que Brandon et Biz, qui échangent un regard entendu.
— Et tu disais que vous avez besoin d’aide ? Tu peux nous expliquer ?
— Swinburne fera ça mieux que moi.
L’appareil crachote un instant avant que la voix du responsable de la sécurité prenne le relai :
— Vous pouvez pas savoir comme ça m’fait plaisir de savoir que vous vous en êtes sorti ! Tout le monde va bien ? À vous.
Des regards gênés s’échangent. Personne n’a envie d’être le porteur de mauvaises nouvelles. Frank pose sa main sur la mienne, crispée sur le talkie. Il saisit l’objet et répond :
— Ici Farmer. On a subi quelques pertes, mais on a aussi sauvé d’autres personnes. Et de votre côté ? À vous.
— On a perdu Justin.
Il se racle la gorge avant de nous expliquer que les infectés ont réussi à faire céder une des grilles du centre commercial et que la plupart des allées sont maintenant envahies. Il ne peut en être sûr, mais selon lui, les enragés se sont volontairement massés contre la grille. Swinburne a eu l’impression que c’était une action volontaire et qu’ils communiquent à minima par gestes. Les survivants du centre sont cernés. En rationnant la nourriture à l'extrême, ils peuvent tenir une semaine, si les grilles qui les protègent ne cèdent pas. Mitch reprend la parole :
— Mais si vous êtes en sécurité, il ne faut pas mettre votre groupe en danger, surtout si vous avez des enfants avec vous.
— Nous allons avoir besoin d’un peu de temps pour réfléchir, lui dis-je. Swinburne, est-ce que vous avez encore accès à l’une des sorties du centre commercial ?
— Il y en a une ou deux où il y a moins de monde, mais sans diversion, on ne passera pas.
— J’ai ma petite idée, prononce une voix inconnue. Venez voir.
Je suppose que c’est le fameux Bullpit dont parlait Mitch.
Nous convenons d’un prochain appel le lendemain soir à 18h00. Naomie a du mal à y croire, son père est vivant. Elle se blottit dans les bras de Brandon dès que le talkie est coupé. Biz fait les cent pas derrière eux. Ron a l’air inquiet et Jim prend des notes. Luke vient se faufiler près de moi :
— Maman, c’était qui ? Des gens que tu connais ?
— Oui, des gens qu’on a aidé il y a quelques jours.
— Whaou ! lance-t-il le visage illuminé.
Je pose la main sur l’épaule de Naomie :
— Je suis contente pour toi, tu dois être soulagée.
Incapable de parler, elle se jette dans mes bras et me serre contre elle, les joues inondées de larmes.
Bobby John nous a rejoint, s’aidant des murs et des meubles pour ne pas trop appuyer sur sa jambe. Il demande à Frank quelques informations supplémentaires sur le Concord Mills et ceux qui s’y trouvent. Il a lui aussi remarqué la réaction de Frank lorsque Mitch a prononcé le nom de Bullpit et lui demande s’il le connaît. L’agent spécial soupire :
— Oui, je le connais, et on ne s’est pas quitté en très bons termes.
— Vous aussi vous le connaissez, affirme Bobby John en se tournant vers Brandon et Biz.
Ce dernier tient son arme fermement :
— Ouais. Il aurait dû être au Concord Mills la première fois, mais on est prêt pour les retrouvailles.
Naomie se raidit et fixe son compagnon :
— Attends, c'est bien pour moi, pour me sauver que vous êtes venus ?
Brandon fixe le sol quelques instants avant de trouver le courage d'affronter le regard de la jeune femme :
— Oui, je suis venu pour toi, mais il fallait convaincre les autres. Bullpit était une bonne raison.
Je lui demande :
— C'est qui ce type ?
— Notre fournisseur. On voulait le retrouver et récupérer sa came.
L'inquiétude me gagne :
— Pourquoi vouloir le retrouver ?
— Il avait des… des moyens de pression sur nous, nos familles, surtout sur le cousin de Biz.
— Ce salaud a fait crever les yeux de mon cousin en taule ! crache Biz. Il sortira pas vivant de là.
Je me tourne vers Frank et ce que je lis sur son visage ne me rassure pas. L'idée ne semble pas lui déplaire. Je lui demande :
— Et toi, comment tu le connais ?
— Je bossais sur une affaire importante et Bullpit devait balancer un gros caïd de la drogue. J’étais avec lui quand tout ça a commencé. Il a essayé de me tuer et s'est échappé.
Ça n'en finira donc jamais...
Je réfléchis un instant puis demande à Brandon :
— Est-ce que ce Bullpit sait que vous voulez le tuer ?
— Il peut s'en douter.
— Mitch et Swinburne lui ont sûrement déjà donné les noms des survivants de notre groupe… Je ne veux pas d'un massacre là-bas.
— Moi non plus, m'assure Brandon.
— Il faudra une trêve entre lui et vous, dis-je en incluant Frank et Biz.
— Je suis d'accord, approuve Brandon. Il faut réussir à mettre les ressentiments de côté, ajoute-t-il à l'intention de son ami. J'en peux plus de toutes ces morts...
— Mais attendez, intervient Ron. Ce gars, il est comme nous. Peut-être qu'il veut juste survivre et qu'il y a moyen de mettre tout ça de côté ?
À la table, Jim lâche un rire nerveux :
— Non, ils ne vont pas mettre tout ça de côté.
— Il y a des innocents dans ce centre commercial. La priorité, c'est de les protéger, assène Bobby John sûr de lui.
Jim n'insiste pas et se penche à nouveau sur son carnet de notes. Le Concord Mills n'est pour l'instant pas notre priorité. Nous devons d'abord trouver du lait pour le petit Karl.

Je vais dans la cuisine avec les enfants et Ron pour préparer le repas. Luke me bombarde de questions sur les gens du Concord Mills, me demande s'il y a d'autres enfants. Il est satisfait d'apprendre qu'il y a une autre petite fille, Lindsay. Il est tellement habitué à se lier facilement avec les autres, je sens que le côté sauvage et renfermé de Maggie le perturbe.
Côté salon, Bobby John parle longuement à Biz. Celui-ci hoche la tête. J'espère que le vétéran saura lui faire entendre raison vis à vis de ce Bullpit.
Au travers du bavardage constant de mon fils, je capte quelques bribes des échanges entre Frank et Jim qui discutent des infectés. Les déclarations de Mitch ont surpris tout le monde.

Après un repas animé par les discussions sur le Concord Mills, il est temps de mettre les enfants au lit et de se préparer pour la sortie à la supérette. Luke craque complètement lorsque je lui annonce que je dois y aller avec les autres. Avec bien du mal, je finis par le calmer et lui promet de revenir l'embrasser dès mon retour. Il se couche à contre-coeur. Bobby John est venu parler à Maggie, mais l'enfant semble avoir repris ses distances avec celui qu'elle appelle papy. Nous les bordons et quittons la pièce. Lorsque je referme la porte, mon fils sanglote encore doucement. Maggie se rapproche de lui dans le grand lit et lui prend doucement la main. J'aurais aimé pouvoir rester auprès de lui, mais je dois contribuer à la survie du groupe, comme les autres.

Le plan est simple : Annabelle et Tony vont partir en éclaireurs et attirer les infectés loin de la supérette. Bobby John conduira la seconde voiture. Frank, Biz et moi tenterons de nous faufiler à l'intérieur et de récupérer le lait pour Karl le plus discrètement possible.
À 22h00, Annabelle nous appelle au talkie pour nous prévenir qu'ils ont pu attirer une vingtaine d'infectés derrière eux. Ils n'ont pas vu de grilles baissées au niveau du magasin et s'éloignent maintenant vers le nord. À nous de les prévenir lorsque nous aurons terminé.
Bobby John se gare à 500 mètres de notre destination et nous attendra dans la voiture, prêt à repartir au moindre problème.
Au travers des jumelles de papa, l'avant du magasin semble vide, mais des traces de sang sur les vitres ne laissent aucun doute sur ce qui s'est joué ici. Nous décidons de passer par l'entrée des employés, à l'arrière du magasin. Biz doit forcer la porte qui est verrouillée. Après un long moment, il nous fait signe qu'il a réussi. Frank passe le premier, allume sa torche, un couteau dans l'autre main, prêt à affronter ce qui nous attend à l'intérieur. Mon coeur bat à cent à l'heure. Je n'ai jamais participé à l'action jusque-là. Ma main se crispe sur le manche du marteau d'Harold. Nous entrons dans un petit vestibule. Biz referme derrière nous. La torche de Frank balaie les vestiaires. Au moins deux employés avaient pris leur poste. Biz ouvre une seconde porte qui mène dans la réserve du magasin. En face, une porte qui doit mener vers l'intérieur de la supérette, à droite, un long couloir qui dessert deux autres portes ainsi que des rayonnages plus loin sur la droite. Frank passe devant et perce les ténèbres de sa torche. Je me concentre sur les bruits environnants : le frottement de mon pantalon lorsque je fais un pas, la respiration courte de Biz derrière moi… et des grognements plus loin, devant nous. Je pose la main sur le dos de Frank et lui indique dans un faible murmure leurs localisations : droit devant et à l'intérieur du magasin.
Il acquiesce et continue d'avancer lentement. Nous passons devant les deux portes fermées sur notre droite. Sans aucun doute, un infecté est enfermé dans l'une d'elle. Biz se met en position à côté de la porte, prêt à agir s'il s'en échappe. Frank et moi continuons à progresser. Les grognements devant se font plus rapprochés à mesure qu'on avance. La lumière faire réagir l'infecté qui pousse un cri guttural, déclenchant tous les infectés encore alentours. Nous sommes cernés, les grognements et cris proviennent de partout autour de nous. On n'aurait jamais dû venir si peu nombreux !
Je pose la main sur le dos de Frank un instant, histoire de ne pas perdre complètement pied. Lui échange son couteau par son arme. Au temps pour la discrétion. Il vise et tire. L'infecté continue sa course, la moitié du visage arraché.
Je recule instinctivement, Frank esquive la charge et l'enragé s'effondre au sol. Derrière nous, une porte s'ouvre avec fracas. Biz tente un coup de crosse, mais l'infecté attrape l'arme et tente de l'attirer à lui.
Le talkie à la ceinture de Frank crépite : "Tout va bien ?" demande Bobby John.
Bien sûr que non, ça ne va pas du tout ! Il faut que je fasse quelque chose. Frank s'acharne sur l'infecté à terre à coups de crosse. Biz ne parvient pas à faire lâcher le sien. Je m'approche d'eux, lève le marteau et l'abat. L'infecté bouge au dernier moment. C'est sa cuisse qui encaisse le choc qu'il ne semble même pas avoir senti. Biz secoue l'infecté de droite à gauche et finit par se dégager. Il a juste le temps de lever son arme et tirer. La tête explose. Je détourne le regard écoeurée. Bobby John nous prévient qu'il s'est garé juste devant le magasin et qu'il y a deux infectés contre la vitrine. Frank le rassure sur notre survie. Les coups d'un enragé se font entendre derrière la porte menant à l'intérieur du magasin. Nous avançons dans le long couloir, prenons à gauche à l'angle. Une nouvelle porte se présente, pas de bruit derrière celle-ci. Frank me demande de l'ouvrir tandis que Biz et lui me couvrent. La terreur me fait hésiter une seconde. Je pose une main tremblante sur la poignée, arrête de respirer avant de la tourner. C'est verrouillé. Je ne peux m'empêcher d'être soulagée.
La porte ne résiste pas aux outils de Biz et nous nous retrouvons rapidement devant la boulangerie. À l'autre bout du magasin, la silhouette d'une vieille dame cogne contre une porte et tente de l'ouvrir. C'est celle qui mène au couloir où nous nous trouvions. Frank nous fait signe d'avancer entre les rayons. Des grognements se font entendre derrière nous, étouffés par les murs. Devant nous, c'est un frappement régulier qui revient. Chaque porte, chaque petite pièce semble occupée par un infecté. Je tremble, mais Frank continue de se faufiler. Nous parvenons enfin au rayon pour bébés. Je tends la main vers un paquet de couches lorsqu'il me saisit le poignet. "Trop bruyant. Juste le strict nécessaire" souffle-t-il.
Nous faisons encore quelques pas. Biz surveille la vieille dame tandis que je fourre les boîtes de lait et les petits pots dans nos sacs. Nous reculons au bout du rayon, prêts à repartir lorsque nous l'apercevons au travers de la vitrine de la pharmacie. Une petite fille frappe des coups réguliers avec sa main contre la vitre sur laquelle elle est appuyée. Frank lui fait un signe, l'enfant lève la main en réponse. Un gros bandage sanglant enserre son bras. "Au secours", peut-on lire sur ses lèvres.
Mon coeur se serre. On ne peut rien faire pour elle. Frank lui fait signe de se baisser et se dirige vers elle, suivi de Biz et moi. Nous parvenons à ouvrir la porte qui la maintenait à l'abri des infectés. Frank essaie de la rassurer et lui demande de rester la plus silencieuse possible. Ellie, se présente-t-elle, a été mordue. Elle tousse. Pendant que Frank échange quelques mots avec elle, je remplis le moindre espace encore disponible dans nos sacs d'antibiotiques, de bandages, d'anti-douleurs. Il me faut quelques instants avant de trouver ce que je cherche : des somnifères.
Alors que je reviens près de la porte, Biz se lève et quitte la pharmacie.
— Qu'est-ce que tu fais ? lui demande Frank.
— T'inquiète.
— Déconnes pas !
— Allez-y, j'vous rattrape.
Frank prend la petite dans ses bras et me fait signe de le suivre. Biz se dirige vers le rayon de l'alcool, juste dans le dos de la vieille dame infectée.
Nous rebroussons chemin par le même trajet qu'à l'aller. Alors que nous dépassons le rayon pour bébé, la vieille dame hume l'air puis pousse un grognement sonore avant de se retourner vers nous. Frank se met à courir, j'emboîte son pas. Nous avons tout juste le temps d'atteindre la porte à côté de la boulangerie. Biz se jette derrière nous et referme derrière lui. Les infectés tambourinent aussitôt.
Frank me tend la fillette :
— Prends-la.
La honte m'étreint, mais je refuse. Elle est couverte de sang infecté, je pourrais contaminer Luke. Hors de question. Le regard lourd de reproches, Frank pose Ellie par terre et lui demande de me suivre. Nous courons dans le couloir jusqu'au quai de déchargement. Biz enclenche le bouton d'ouverture. Bobby John nous attend avec la voiture. Je fais grimper l'enfant à l'arrière et m'installe à côté d'elle. Bobby John grimace lorsqu'il voit le filet de sang qui coule de son menton.
— Qu'est-ce que...
— Elle est toujours en vie, dis-je pour toute explication.
Biz grimpe à l'avant et Frank ne tarde pas à nous rejoindre. Bobby John nous fait quitter la zone rapidement. Frank change le pansement de la gamine et le jette par la fenêtre. Il va finir par attraper l'infection s'il continue comme ça.
Je me penche vers Bobby John :
— Chez les Hendersons, pas au chalet.
Le silence règne dans la voiture, uniquement interrompu par les quintes de toux d'Ellie et par les indications de trajet que donne Biz.
Nous avons réussi à récupérer le lait pour le petit Karl, cette sortie me laisse pourtant un goût amer dans la bouche.


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