Journal de Molly - Séance 25 (24/03/19)
00h00 Annabelle et Tony nous recontactent après de longues minutes. Nous pouvons approcher les camions, le chalet est sûr. L'émotion me serre la gorge dès que je vois sa silhouette se dessiner sous les pâles rayons de lune. C'était un lieu synonyme de joie, d’aventures, de vacances. Mais sans les rires de mes enfants, sans les histoires de papa, le soir au coin du feu, sans les parties de cartes avec maman et sans les bras d'Arthur dans lesquels me blottir, le chalet est vidé de son âme. Une fois à l'intérieur, je tente d'enclencher le compteur électrique sans succès. Luke court partout en appelant ses grands-parents. Lorsque je le rejoins dans leur chambre au rez-de-chaussée, il me demande quand ils vont arriver. Je lui explique qu'il n'est pas prévu qu'ils viennent et que nous sommes juste tous les deux maintenant. Il semble déçu, mais passe rapidement à autre chose et rejoint Ron pour lui montrer sa chambre. Tony et Brandon installent Bobby John dans la chambre de mes parents, la seule au rez-de-chaussée. De mon côté, j'emmène Naomi dans la chambre où se trouve encore un vieux berceau que ma mère ne s'est jamais résolue à jeter. Je débarrasse les peluches et poupées qui l'encombrent pour qu'elle puisse y déposer le bébé de Shannon qui dort profondément. Tout le monde prend ses marques dans le chalet, tout le monde sauf Annabelle. Je la retrouve dehors près d'un des camions. Elle est en train de charger un sac. Lorsqu'elle me voit arriver, elle me tend un couteau et un revolver : — Tiens, Brandon a dit qu'il n’en avait plus besoin. Tu verras si tu veux lui rendre. Tu pourras m'envoyer Tony ? Il faut qu'on s'assure que les infectés qui sont sortis de l'église ne nous ont pas suivi jusqu'ici. Si besoin, on essaiera de les attirer ailleurs. Je reconnais son regard déterminé et n'essaie même pas de la retenir. Elle poursuit en me donnant des consignes pour le changement de pansement de Bobby John. — D’accord, je m’en occuperai. Fais attention à toi. — Toi aussi. Je retourne à l'intérieur et intercepte Tony pour lui annoncer sa mission : — Ok, mais qui va s'occuper de Bobby John ? s'inquiète-t-il. Je le rassure et il accepte de partir avec Annabelle, non sans me laisser des consignes lui aussi : il ne faut pas donner d'alcool au vétéran. Effectivement, lorsque je passe prendre des nouvelles de ce dernier, la première chose qu'il me réclame c'est quelque chose de plus fort que la simple bouteille d'eau que je lui tends. Brandon réunit tout le monde dans la grande chambre et propose de barricader les fenêtres du rez-de-chaussée en priorité, je propose de faire l'inventaire du stock de nourriture avec Naomi. Brandon m'interpelle et me demande où est passée Annabelle. Lorsque je lui explique, il soupire et me rappelle que nous étions censés prendre les décisions à trois. D'un haussement d'épaules, je lui fais comprendre que je n'ai pas eu mon mot à dire non plus.
Je profite que nous soyons seules dans le cellier pour demander à Naomi ce qu'elle a vu exactement dans la salle de repos de la caserne. — Ils l’ont massacrée. — Comment ça “massacrée” ? — Y'avait du sang partout. Brandon et Biz se tenaient au-dessus d'elle avec leurs couteaux, le bébé était juste à côté. Elle est secouée par tout ça je n'ai pas envie de l'accabler de questions. Il faudra que je demande à Bobby John ce qu'il s'est passé là-dedans. À onze personnes dans le chalet, nous devrions tenir une semaine avec les provisions stockées par mes parents. Pour le bébé de Shannon, Karl, nous avons à peine assez de lait pour tenir deux, trois jours tout au plus. Il doit avoir environ six mois, nous pourrons au moins lui donner quelques aliments solides. La colère m'envahit à nouveau en repensant à ce qu'il s'est passé : — Ils ont tué sa mère, qu’ils assument maintenant : il devront prendre soin du bébé. — Oui, je comprends. On s’occupera bien de lui avec Brandon. On… on va être bien ici, en sécurité. — Sauf si les amis de Shannon essaient de retrouver ce bébé. Peut-être que son père est parmi eux… Si c’est le cas, ils feront tout pour le retrouver. — Tu crois qu’ils peuvent nous retrouver ? — Aucune idée. On ne sait ni où ils sont, ni ce qu’ils connaissent de la région et encore moins leurs moyens. — J’espère qu’ils ne nous trouverons pas, on a eu assez de morts. Naomi plonge soudain sa main dans la poche de son jean et en sort un collier qu’elle me tend. C’est une simple lanière de cuir avec au bout un croc d’animal. Je serre le point émue lorsque je reconnais le collier d’Harold. — Tony me l’a donné pour elle, m’explique Naomi, mais je pense que ça serait mieux si ça venait de toi. — J’essaierai de trouver le bon moment. Si tant est qu’il y en ait un. Elle me donne également son marteau que je glisse à ma ceinture. Lorsque nous avons terminé l’inventaire, Naomi me demande le talkie-walkie. Elle espère pouvoir contacter le Concord Mills pour avoir des nouvelles de son père. Une voix masculine se fait entendre dès qu'elle allume l'appareil. Malgré la mauvaise qualité de la communication, il me semble reconnaître cette voix. Elle répète inlassablement les mêmes lettres, lentement : “A, B, B, D, H, N, M”. Je lui reprends l'appareil des mains, appuie sur le bouton et demande incrédule : — Frank ? — Affirmatif, M. — Contente que tu sois en vie, m’entends-je lui dire. Je n’oublie pas ce qu’il a fait à Omar, mais après toutes les morts qui ont décimé notre petit groupe, savoir qu’il a survécu me redonne de l’espoir. — Vous êtes à l’endroit convenu ? Pourquoi ne pas dire “au chalet” ? Il me paraît bien prudent. — Oui. Et toi, où es-tu ? — Pas très loin. Je suis en chemin. — Tu as besoin d’aide ? On peut venir te chercher. — Non, je vous rejoins. Ça ne sert à rien de vous mettre en danger. Je te tiens au courant. — Tu es seul ? lui demande Naomi. — Affirmatif. — Pas de soldats ? insiste-t-elle. — Non, je suis seul. Terminé. La jeune femme a l'air épuisée, je lui suggère d'aller se reposer. Jim vient me trouver, il semble nerveux. Il finit par m’expliquer qu’il s'inquiète toujours que certains puissent remettre en question sa présence parmi nous. Pour le rassurer, je lui promets que je parlerai à Tony et à Biz. J'annonce à Brandon que je prends le premier tour de garde. Il désigne Biz pour m'accompagner. Tandis que les autres montent à l'étage, je passe voir Bobby John. La petite Maggie est près de lui. Je ferme la porte derrière moi. — Comment te sens-tu ? — Ça pourrait être mieux si j’avais un petit remontant. — Il faudra patienter plusieurs heures avant le prochain anti-douleur. — C’est pas de ce remontant là dont je parlais. — J’avais compris, mais ça ne sert à rien d’insister. Dis-moi, qu’est-ce qui s’est passé avec Shannon ? — Pas devant la gosse. J’acquiesce de la tête et demande à Maggie de sortir mais la petite refuse de laisser Bobby John et me lance un regard de défi tel qu’Ethan pouvait en lancer à son père. Je pose un genou à terre pour la regarder face à face : — Bobby John a besoin de repos. Quand on est blessé comme lui, on a besoin d’être seul pour pouvoir guérir correctement. Maintenant, tu vas monter à l’étage, retrouver Luke et vous allez vous coucher tous les deux. Maggie cherche du soutien auprès du vétéran mais celui-ci lui demande d’obéir. Elle quitte la chambre en soupirant. — Alors, que s’est-il passé avec Shannon ? — J’ai cru qu’elle ferait passer la vie de son gamin avant tout le reste. Je pensais pas qu’elle était aussi fanatique. Quand je l’ai approchée, elle m’a tiré dessus. Après ça… j’ai pas trop suivi… j’étais pas trop en état. Moi qui espérait en apprendre plus, c’est loupé. — Je vais te laisser te reposer.
Je quitte à peine la chambre que Frank me recontacte au talkie-walkie. Il doit faire un détour et risque de mettre plus de temps à revenir. J’ai besoin de prendre l’air. Je sors et reste un moment sur le perron à écouter les sons qui m’entourent. À part le bruissement des arbres et l’écoulement continu de la rivière, rien ne vient perturber la nuit. J’ose m’aventurer jusqu’à la rive. Le spectacle est apaisant et je me laisse bercer un temps par les souvenirs qui affluent. Mes pas me mènent jusqu’au hangar. Le bateau est là, je vérifie l’état du réservoir, il est plein. Le matériel de pêche de papa est rangé, comme d’habitude, rien ne traîne, même sur son établi. La fraîcheur de la nuit me pousse à rentrer dans le chalet. La porte s’ouvre alors que je suis sur le seuil. — Ah t’es là ! J’te cherchais partout. Faut m’dire quand tu sors comme ça! me reproche Biz. — Désolée, j’avais besoin de prendre l’air. Il s’écarte pour me laisser entrer puis me suit dans le salon. Je me fige devant les innombrables photos qui ornent le buffet et les murs. Des photos de mes parents, de leurs collègues et amis, de mon frère et de sa famille, de mes enfants, d’Arthur et moi. Tous ces visages sont souriants, insouciants... — Comment tu t’sens ? me demande Biz. — Vide. C’est difficile d’être là sans eux. — Ouais, j’comprends. C’est dur quand on n’a plus personne. — Tu as toujours Brandon et Naomi. — Faudrait pas qu’il oublie que ma copine, elle est morte pour qu’on retrouve la sienne et pour récupérer autre chose… enfin… — Il n’a pas oublié. Il a essayé de t’empêcher de faire n’importe quoi à la caserne, non ? — Ouais, souffle-t-il. C’est tes gosses là ? Je hoche la tête. — Ils étaient beaux tes enfants. Et Luke, il est vraiment mignon c’gamin, dit-il avec un large sourire qui découvre ses dents en argent. — Oui, Luke est solaire. — Solaire, ouais c’est ça. Je f’rai tout pour le protéger tu sais. — Je le sais. Merci. — On devrait être bien ici. — Pour ça, il va falloir mettre de côtés les différences de caractères, pour qu’on réussisse à s’entendre. — Ben j’m’entends bien avec tout le monde, moi ! — Vraiment ? Même avec Jim ? — Non mais Jim, c’est pas pareil, c’est un connard ce mec. Harold avait pas tort… Qu’est-ce qu’il fait avec nous ce type ? A quoi il sert ? — C’est un humain, il est vivant, il est donc avec nous. — T’as oublié qu’il voulait nous abandonner sur le chantier ? — Non, je n’ai pas oublié, mais la peur peut nous faire faire des erreurs. On s’assurera qu’il n’en commette plus. — J’aurais préféré qu’il crève plutôt qu’Harold, soupira-t-il. Et tu dis qu’il faut qu’on s’entende, mais Annabelle, elle était déjà pas super bavarde, mais maintenant, elle fait toujours la gueule. — Elle vient de perdre son ami. Laisse-lui du temps. Comment tu réagirais si ça avait été Brandon ? — Alors ils étaient juste amis ? me demande-t-il le sourire en coin. J’rigole mais les plus sauvages sont souvent les plus… Il s’interrompt face à mon regard plein de reproches. — Ça va, j’déconne juste. Bon, j’vais aller faire un tour, voir si tout va bien. Le reste de la garde se passe tranquillement. Je vais réveiller Ron puis Brandon à six heures. Je préviens ce dernier que Frank aura du retard. — Au fait, tu savais qu’il était de la DEA ? me demande-t-il les sourcils froncés. — Bien sûr. — Il a rien dit parce qu’il avait peur de c’qu’on pourrait lui faire ? — Tu aurais fait quoi à sa place ? — J’aurais rien dit, admet-il, mais ça aurait été pire si ça avait été découvert.
Nouvel appel au talkie-walkie. Cette fois, c’est Annabelle. Ils ont réussi à attirer les infectés qui se dirigeaient vers le chalet. Par contre, ça va leur prendre plus de temps que prévu de les perdre. Je la préviens que Frank est en vie et qu’il va rejoindre le chalet. Elle me répond un simple “Très bien” avant de couper la communication. Je confie le talkie-walkie à Brandon et vais me coucher dans une des chambres inoccupées. Je suis tellement épuisée.
12h30 Ces quelques heures de sommeil sans cauchemar m’ont fait un bien fou. Je rejoins les autres au rez-de-chaussée. Brandon me fait aussitôt signe de le rejoindre. Il tient le talkie-walkie. Frank est dans la banlieue de Badin. Il a secouru une jeune fille qui a besoin de mon aide. Elle a des saignements. Il me passe l’adolescente, Alexis. Elle est très secouée, me parle de ses saignements, de déchirures et a du mal à trouver ses mots. Elle me parle d’un homme qui… — Il t’a fait du mal ? — Oui, il m’a violée. — Je suis désolée. Va dans la salle de bain et regarde si tu peux trouver des serviettes hygiéniques, des tampons ou du coton... — Y’a que du coton. — Très bien. Frank ? Essaie de lui trouver un tissu propre. Alexis, lave-toi soigneusement et sèche toi. Ensuite, tu enroules le coton dans le tissu. Mets du sparadrap pour que ça fasse une sorte de serviette hygiénique. — M ? Je ne vais pas pouvoir traverser la banlieue avec elle dans cet état, c’est trop risqué. Est-ce que vous pouvez venir me chercher ? — Quelle est l’adresse exacte et comment est la situation niveau infectés ? — Je suis sur Anderson street. Ils sont vraiment nombreux. Ne venez pas avant la nuit. — Laisse-nous un peu de temps pour qu’on prépare un plan. On te recontacte. Le camion de pompier sert de barricade à deux des baies vitrées de la façade qui donne sur la rivière. En plus, ces engins sont bruyants et peu maniables. Je propose à Brandon qu’on aille chez les Henderson. Leur chalet est à deux ou trois kilomètres et un chemin de randonnée permet d’y accéder en longeant la rive. Ce sont des retraités qui passent s’assurer que tout va bien au chalet quand mes parents n’y sont pas. Je sais qu’ils ont un 4x4 et qu’ils vivent ici toute l’année. Brandon est d’accord, Biz viendra avec moi. Je dois prévenir Luke de cette sortie. Il joue dans sa chambre, Maggie est avec lui. Je lui parle de Frank et lui explique qu’il a besoin d’aide. Mon fils est heureux d’apprendre qu’un policier va nous rejoindre. Il est confiant et ne semble pas inquiet jusqu’à ce que Maggie lui dise qu’on risque de mourir si on sort, comme ses parents, comme Harold et comme Dwayne. Je tente de la rassurer : je n’ai pas l’intention de mourir cette nuit et nous serons extrêmement prudents. Biz sera là pour me protéger. Ron entre dans la chambre, visiblement, il a entendu notre conversation : — Maggie, tu te souviens qui t’a sortie de ce camion sur l’autoroute ? C’était Frank, Biz et Harold qui t’ont sauvée. C’est ce qu’ils font ces gars-là. Ils sont forts. Elle capitule d’un haussement d’épaules et je remercie Ron de la tête. Il sait vraiment y faire avec les enfants. Je retourne voir notre blessé : — Je vais changer ton pansement. Lorsque je contourne le lit pour m'installer, j'aperçois une bouteille de whisky au sol, déjà bien entamée. Je défais le bandage qui enserre sa jambe, la blessure a saigné. Je lui demande la voix pleine de reproches : — Ça en valait vraiment la peine ? — Oui, y'a que ça qui me fait du bien, me répond Bobby John la voix pâteuse.
Notre groupe s’autorise un repas juste avant la tombée de la nuit. L’arrivée prochaine de Frank est dans toutes les discussions. C’est comme si chacun occultait le danger de cette sortie. Biz parle même de lui demander d’effacer son casier judiciaire pour repartir d’une page blanche quand tout ira mieux. Je n’ai pas envie de casser l’ambiance euphorique, mais à mon avis, la vie telle que nous la connaissions avant fait partie d’un passé révolu. Et si les choses vont mieux un jour, rien ne sera plus pareil.
Dès la nuit tombée, Biz et moi nous mettons en route pour le chalet des Henderson. J'ai glissé le couteau de Brandon et le marteau de Harold à ma ceinture. Je n'ai parlé à personne du pistolet que j'ai glissé sous mon T-shirt dans mon dos. Malgré tout cet attirail, tous mes sens sont en alerte et chaque craquement, chaque bruissement de la forêt me fait sursauter. Nous arrivons enfin chez les Henderson. Le garage sous la maison est fermé. Les clés de la voiture sont stockés dans une petite boîte dans l'entrée du chalet. Biz teste la poignée de la porte d'entrée qui s'ouvre sans résistance. Il pousse le panneau de bois lentement. Nous nous figeons lorsque nous apercevons la silhouette de Madame Henderson qui se dessine à l'autre extrémité du chalet. Elle ne nous a pas vu et nous tourne le dos. Je retiens ma respiration et de geste les plus lents possible j'ouvre la petite boîte de clés qui émet un léger grincement. Je stoppe tout mouvement tandis que Madame Henderson grogne avant de replonger dans sa phase de sommeil. Je me saisis lentement du trousseau et Biz referme la porte derrière nous. Je lui propose de tester la porte de garage avant de se risquer à entrer dans le chalet pour en trouver les clés. Nous redescendons et nous mettons en position. Il tourne la poignée qui est effectivement ouverte, compte jusqu’à trois et remonte la porte de garage d’un seul coup. Le métal grince et sort de sa torpeur Monsieur Henderson qui se trouvait dans l’escalier menant à l’intérieur. Il pousse un grognement et dévale en direction de Biz qui hurle : — Par ici enfoiré ! Je fonce jusqu’à la portière, déverrouille la voiture et me glisse derrière le volant tandis que Biz contourne le capot et tente de monter derrière moi. La portière arrière est coincée et Monsieur Henderson se rapproche extrêmement vite pour ses soixante-dix sept ans. Je glisse côté passager et laisse ma place à Biz qui a juste le temps de refermer la portière. — Démarre ! lui hurle-je en lui lançant les clés. — Tu vois, on a réussi ! me lance-t-il alors qu’il accélère. Madame Henderson rejoint son mari dans la poursuite de notre véhicule. On a peut-être réussi, mais on a libéré deux de ces choses à proximité de notre chalet. — Attends ! Ralentis ! On pourrait les attirer ailleurs, pour ne pas qu’ils aillent vers le chalet… — Ouais, on peut même s’en débarrasser. Regarde ça. Il ralentit jusqu’à s’arrêter et enclenche la marche arrière. Il enfonce l’accélérateur et relâche le frein à main. Je boucle ma ceinture avant l’impact. Monsieur Henderson cogne contre le coffre avant de passer sous les roues du 4x4. Sa femme en revanche a réussi à esquiver la voiture et s’est accrochée au rétroviseur conducteur. — Oh merde ! crie Biz en freinant d’un coup, ce qui n’empêche pas la voiture de heurter une souche sur le bord du chemin. Le choc a au moins fait lâcher prise à Madame Henderson. — Deuxième essai, annonce-t-il en repassant la marche avant. Il accélère et cette fois, l’infectée n’échappe pas au sort funeste de son mari. L’habitacle est secoué lorsque la roue avant pulvérise son crâne. J’ouvre la fenêtre et respire profondément pour m’éviter de vomir. Ce couple, je le connais depuis toujours… Je m’empare du talkie et contacte Frank pour le prévenir que nous serons là dans quelques minutes. Nous retrouvons facilement la maison où il s’est réfugié grâce à ses indications. À peine garés devant, une jeune fille sort et se précipite sur la banquette arrière. Elle n’a sur elle qu’un T-shirt et un short et porte les traces de l’enfer qu’elle a vécu ces derniers jours. — C’est à moi que tu as parlé au talkie, lui dis-je. — C’est vous Molly ? Merci, murmure-t-elle simplement en se glissant sur le siège. Frank appelle au talkie : — J’ai besoin d’aide ici. Je fais signe à Biz d’y aller et me glisse derrière le volant. Nous attendons en silence jusqu’à ce que je perçoive des cris au loin. — Faites vite, ils arrivent ! Quelques instants après, Frank et Biz sortent en portant une lourde caisse qu’ils peinent à déplacer. Qu’est-ce qu’il y a là-dedans ? Ils n’ont plus le temps, les infectés sont trop proches. Ils abandonnent la caisse et se précipitent à l’intérieur du 4x4. Je démarre en trombe et, comme d’habitude, commence un long détour pour semer nos poursuivants.
Chacun reste silencieux. Dans le rétroviseur, je jette un œil à nos nouveaux passagers. L’adolescente a les yeux plissés, le regard fixe et une respiration rapide. D’où lui vient cette colère ? De son côté, Frank regarde le paysage défiler, son visage ne laissant rien transparaître d'autre que la fatigue. Je me demande ce qui a bien pu lui arriver depuis que les soldats l’ont emmenés, nous abandonnant à notre sort devant le lycée. Ces questions attendront que nous ayons retrouvé la sécurité du chalet.
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