Il y a quelques temps, je vous faisais part de la sortie de
Deus Ex 3, préquel d'un premier opus sorti en 2000 et qui avait marqué son temps par son scénario conspirationniste, son ambiance cyberpunk, et surtout la grande liberté laissé au joueur pour atteindre ses objectifs. Jeu culte pour pas mal de gamers de ma génération, un deuxième volume complètement raté avait semble t'il condamné la licence. Eidos Montréal avait donc un sacré challenge à relever en décidant de programmer ce Deus Ex 3 et force est de constater qu'après une trentaine d'heures passés sur ce titre, le pari est plus que réussi.
Nous sommes en 2027 et le monde tel que nous le connaissons n'existe plus. Les nations ont cédé la place aux grandes corporations lesquelles dirigent l'économie mondiale et par la même le destin des millions de gens qu'elles emploient. Les riches sont toujours plus riches, les pauvres et les laissés pour compte plus nombreux et les rues sont contrôlées par les gangs et les clodos qui ont pris le dessus sur une Police surarmée mais dépassée. Comme si le monde n'était pas assez divisé, les progrès de la science ont créé un nouveau critère de discrimination; la cybernétique ! En effet, les implants sont monnaie courante en 2027 mais seul les plus fortunés peuvent se les offrir. Non pas que les implants soient extrêmement onéreux mais pour les supporter, les "augmentés" doivent prendre régulièrement des doses de néoprozyne. Aussi, quand Sarif Industrie, l'un des pionniers en matière d'augmentiques semblent avoir trouver la solution pour rendre les implants compatibles avec tout le monde, ils ne font pas que des heureux; concurrents, industries pharmaceutiques, groupe anti-augmentés... les ennemis de David Sarif sont nombreux et ça tombe plutôt bien puisque vous incarner Adam Jensens, ancien membre du SWAT de Détroit viré après une bavure, et reconverti dans la sécurité privée: en l'occurrence, responsable de la sécurité chez Sarif Industrie.
Je n'en dévoilerai pas plus sur le scénario mais dès la scène d'ouverture, on retrouve l'atmosphère conspirationniste du premier opus. Les factions sont nombreuses, leurs motivations complexes, et toutes semblent manipulées par l'une ou l'autre. Jensen évolue donc dans un véritable panier de crabes et après quelques heures de jeu, tout ce qui semblait vrai ne l'est plus. A noter qu'à l'instar du premier épisode, le scénario évite tout manichéisme; il n'y a pas de bien, pas de mal, juste des buts plus ou moins nobles. Le joueur est libre de choisir les causes qu'il va défendre, d'être un bon petit corporate ou d'être plus "border line". Il n'y a pas qu'un chemin mais bel et bien des possibilités pour atteindre une des six fins possibles.
Cette liberté se retrouve également dans l'exécution des missions qui vous sont confiés; jouerez vous les ninjas en tentant d'atteindre vos objectifs sans vous faire repérer ? Serez vous un guerrier pacifiste n'employant que des armes non létales ? Incarnerez vous au contraire un Samouraïs des Rues cybernétisé jusqu'à la moelle et capable de sortir vainqueur des gunfights les plus désespérés ? Là encore, le jeu n'impose rien et c'est sa grande force. Vous avez des objectifs à accomplir, à vous de vous débrouiller selon vos envies et vos capacités. Typiquement, assez tôt dans le jeu, vous aurez à récupérer des données dans un commissariat. Allez vous convaincre le planton de vous laisser passer ? Tenterez vous de vous infiltrer par une entrée de secours et d'échapper à la vigilance des policiers en vous déplaçant dans les conduites d'aération ? Allez vous choisir la manière forte façon Terminator et prendre d'assaut le central ? Toutes ces solutions sont viables, à chacun de choisir sa route pour une expérience de jeu très personnelle !
Si ce 3ème opus laisse de côté l'aspect JDR du premier volume, vous aurez des choix à faire dans l'évolution de votre personnage par l'intermédiaire de ses implants cybernétiques. Il y en a pour tous les goûts; corps à corps, tir, infiltration, persuasion, piratage... Une chose est sûre, c'est que vous ne pourrez pas avoir tout à son maximum donc à vous de faire vos choix là encore selon vos affinités. Par exemple, j'ai orienté mon personnage façon Samouraï des Rues (donc très fort dans tout ce qui est combat mais pas spécialement discret) et avec un petit côté decker pour pirater tout ce qui passe à ma portée. Pour autant, même un combattant moins fort que moi pourra réussir ses missions en passant par d'autres passages que la porte principale et si il a moins de compétence que moi pour pirater des serrures, il devra se procurer les codes d'accès en choppant des carnets électroniques à droite ou à gauche ou en utilisant des consommables permettant de griller les verrous électroniques.
Côté gameplay, rien à dire sur PS3 (je ne sais pas pour le PC). Les commandes sont très intuitives et on fait vraiment ce qu'on veut de Jensen. Tous les boutons sont exploités mais de manière très logique; on se trompe jamais de commande. Que ce soit dans l'infiltration ou dans l'action, tout répond parfaitement. Bref, c'est super agréable à jouer.
Niveau ambiance, alors là, c'est la grande grande force du jeu; fans de Blade Runners, Ghost in the Shell, Syndicate (pour citer un jeu vidéo) ou tout œuvres d'anticipation similaires, plongés vous dans l'ambiance de Deus Ex 3, vous ne le regretterez pas. Ne vous laissez pas rafraîchir par des textures un peu simplistes (sans doute le fruit d'un développement un peu long), notamment sur l'aspect des personnages, le jeu est beau et fourmille de détails donnant le ton. Les villes que vous traverserez sont superbes. N'hésitez pas à lever la tête pour observer un véhicule anti-grav' qui passe loin au dessus de vous, entre le sommet des tours des corporations. Au coin d'une ruelle, vous pouvez observer les gangers qui discutent autour d'un feu improvisé. Les clochards fouillent dans les poubelles. La nuit est éternelle comme dans tout univers cyberpunk qui se respecte. En un mot comme en cent, il y a quelque chose de magique dans cette fantasy urbaine pour peu que vous soyez sensible au genre. Moi personnellement, je suis conquis ! Incontestablement, l'univers proposé est LA grande force du jeu...
Allez, comme tout n'est pas rose au pays de Deus Ex, je vais quand même évoquer les quelques défauts que j'ai repéré. Les textures dans un premier temps donc qui sont relativement simples par rapport à ce que les jeux récents nous proposent (mais encore une fois, on n'y prête plus beaucoup attention dès lors qu'on arpente les rues des mégalopoles). Autre chose, les boss; au fil de l'histoire, vous aurez à affronter des boss et ça, je trouve cela un peu dommage. A mon sens, cela nuit un peu à l'ambiance qui se veut sombre et mortelle. Dans ce genre d'univers, normalement, même le plus puissant des hommes est vulnérable à une rafale de fusil d'assaut dans le crâne. Certains aimeront sans doute ces combats un peu relevé, mais moi je n'apprécie pas trop. Enfin, le jeu encourage un peu trop à mon sens les éliminations non létales. En effet, assommer discrètement une cible rapporte un petit peu plus d'Xp que de lui planter des lames cybernétiques en travers de la gorge, sans compter que les éliminations non létales sont plus silencieuses que l'assassinat pur et simple. C'est un petit peu dommage je trouve dans un jeu qui veut laisser toute liberté au joueur de pénaliser les bourrins. M..., avec mon tôt de cybernétique, j'ai le droit d'être un peu psychopate non ?
Egalement un petit mot sur l'IA, capable du meilleur comme du pire. Ainsi, je l'ai vu me déloger de mon trou à grand coup de grenade IEM et flash tout en cherchant à me contourner, et parallèlement, ne pas être capable de franchir une porte pour venir me chercher dans la pièce d'à côté où le snipait tranquillement. Bref, il y a du bon et du moins bon dans cette IA, capable de vous surprendre comme de vous décevoir la minute d'après.
Tous ces petits défauts ne nuisent absolument pas à l'ambiance du jeu mais il était normal de les relever. Franchement, Deus Ex 3 est le digne héritier de l'oeuvre de Warren Spector. Un must have pour tous les fans de cyberpunk. Moi j'y retourne !
