Marrant, je viens de rédiger un retour après la partie d'hier pour un autre forum, sans lire au préalable le retour de Hyacynthe, et au final, je suis sur la même longueur d'onde. Peut être même plus sévère encore. Je vous livre ici ce que j'ai écrit (ailleurs).
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Avant toute chose, les précautions élémentaires; ce qui suis n'engage que moi, vous avez parfaitement le droit d'aimer Gloomhaven, je n'ai pas de soucis avec ça. Ceci étant dit...
J'étais assez impatient de faire ma première partie de ce jeu qui reçoit, depuis sa sortie, moult compliments; jeu numéro 1 sur BGG depuis plusieurs mois, que des critiques positives sur TT, enthousiasme dans mon cercle de joueurs... Gloomhaven, où le chainon manquant entre le JdR et le JdP. Je me voyais même déjà claquer les quelques 145€ nécessaire à l'acquisition de la très grosse boite pour vivre, en famille, une fabuleuse campagne medfan coopérative. Bref, j'avais envie d'y croire...
Première impression, trop de matériel tue le matériel. A ce niveau là, ce n'est plus de l'ameritrash, c'est juste aberrant; il ne faut pas moins de deux tables (voir trois) pour déployer la carte du monde (sur laquelle coller des stickers au fil des lieux découverts et qui est au demeurant magnifique), le plan du donjon que l'on va explorer (car ne nous le cachons pas; le coeur du jeu, c'est du dungeon crawling), les cartes de monstre (que l'on introduit dans des pochettes pour compter les PVs, voir leurs caracs, etc.), les decks de dégâts (un par groupe de mobs et par PJs), les marqueurs (je ne les ai pas compté mais il y en a... beaucoup), les decks d'événements aléatoires (en ville, à la campagne, et peut être ailleurs aussi), et j'en passe certainement. Il y a tellement de choses en fait... qu'on en oublie la moitié. Plusieurs fois durant la partie, on s'est rendu compte que l'on avait zappé un état, un bouclier, un truc qui aurait changé une passe d'armes ou le résultat d'une action. L'ergonomie est donc loin d'être au top, la fluidité s'en ressent. Et j'ajouterai que pour un jeu de ce prix, le matériel n'est pas exceptionnel; hormis la carte du monde et les plaquettes pour les personnages (les illustrations sont magnifiques), les pions sont quelconques, les illustrations des monstres (représentés par des figurines cartonnées) sans plus, et surtout, les dalles de donjon au coeur de l'aventure très fades (un carrelage orangé sans fioriture) surtout si on les compare à ce qui peut se faire chez FFG (Descent, Imperial Assault) ou Edge (Massive Darkness). Pas de claque visuelle donc, mais qu'importe le flacon pourvu qu'on est l'ivresse...
Malheureusement, là encore, le bât blesse.
Commençons par le storytelling. Présentée comme une "aventure extraordinaire" multipliant les choix cornéliens, Gloomhaven s'apparente plutôt à un livre dont vous êtes le héros aux embranchements binaires; un événement survient (sous la forme d'une carte que l'on tire), voulez vous faire "A" ou faire "B" ? Rien de plus ! Alors c'est cool, chaque personnage à un background, on sent que l'univers est travaillé, que l'auteur s'est fait plaisir, et les textes sont même de qualité. Mais la notion "d'aventures" passionnantes est largement tronquée par ce côté LDVELH. Et encore; dans ce genre d'ouvrages, on a parfois trois ou quatre choix. Ici, rien de tout ça (mais peut être que certains événements proposent plus d'options). Reste que la liberté n'est pas là et que quels que soient les choix que l'on fera, on aboutira toujours à une map avec des hexagones (j'ai cru voir des dalles en extérieur donc je ne vais pas parler de donjon) pour du combat tactique. Et là, c'est parti pour une... longue, très longue, séquence de combats...
Pour faire simple, chaque personnage se voit doter d'un deck d'actions (une dizaine de cartes) parmi lesquels il devra en choisir deux à chaque tour. Ces cartes seront soit écartées temporairement soit définitivement (les actions les plus puissantes) après avoir été jouées. Si un personnage n'a plus la possibilité de jouer deux cartes, il est épuisé. Un principe de repos long et de repos court permet de récupérer sa défausse mais toujours au prix d'une carte écartée définitivement. On l'aura compris, plus on traine dans le donjon, plus on perd de cartes et de ce côté là, l'attrition est très bien rendue. Ca, c'est vraiment le point fort du système !
Malheureusement, là où cela pêche, c'est que la phase de brainstorming revient à chaque tour et que le rythme s'en retrouve légèrement (largement ?) haché. Toutes les cinq minutes, passer dix minutes à se dire "est ce que je joue cette carte ou plutôt celle là, pour garder celle ci en main", ça brise carrément l'immersion. D'autant plus que les cartes donnent également l'initiative pour le tour à venir et que si on a le droit de parler tactique avec ses petits camarades, on n'a en revanche pas le droit de donner son initiative; voir que son action que l'on avait préparé avec soin tombe à l'eau parce que la magicienne du groupe est venue se mettre sur la trajectoire qu'on convoitait en agissant juste avant nous, et se retrouver à faire de la merde en convertissant ses cartes en actions de base (mouvement de 2 cases, attaque de force 2), voir à les perdre sans avoir pu faire quoi que ce soit, ça ne donne pas vraiment la sensation d'être un héros engagé dans un combat épique.
J'ajouterai à cette lourdeur déjà bien pénible que tout, absolument tout, s'effectue avec des cartes. Même un simple mouvement quand il n'y a plus d'ennemi dans la salle que l'on explore. Donc se taper une phase de brainstorming sur les cartes que l'on va sacrifier pour se déplacer de 3 ou 4 cases vers la prochaine porte, comment dire... bonjour l'ennui ! Imaginez un Baldur's Gate que l'on explorerait qu'en tour par tour (ou pour les anciens, souvenez vous l'exploration de la carte dans le premier X-Com à la recherche du dernier "petit gris"). Une lenteur sidérante, vraiment...
Je vous avouerai que je n'ai ressenti aucune excitation particulière à explorer la crypte dans laquelle nous étions hier soir; la map est pré-établie, les ennemis pré-positionnés (ce qui entraine au passage un chouette lag' à chaque ouverture de porte lorsqu'il faut positionner les monstres à la case près), les événements scriptés (tiens, il y a un pion "1" sur cette porte donc on sait qu'un truc va nous tomber sur la gueule quand on va l'ouvrir). A côté d'un dungeon crawler à la Massive Darkness où on ne sait pas ce qui va spawner dans la pièce suivante, ça fait un peu tâche !
Bref, cette expérience m'a terriblement refroidit et je vous avouerais qu'hier soir, je me suis à peu près autant éclaté que devant un épisode de Derrick. Passé la première pièce et l'excitation de la découverte d'un nouveau jeu loué pour ses qualités, je me suis méchamment fait chier. Mais vraiment ! Quitte à faire du combat tactique entrecoupé de scènes de vie en ville, je préfère encore une bonne séance de D&D (même la 4ème édition, oui, oui !). Pour paraphraser mon moniteur de vol à voile à propos du moto-planeur (c'est un mauvais planeur et un mauvais avion), Gloomhaven m'a fait l'effet, à vouloir être les deux, d'un mauvais jeu de rôle et d'un mauvais jeu de plateau.
Je n'y reviendrai certainement pas et du coup, je mettrai 150 boules dans autre chose. Une vraie déception.
_________________ Gott weiß ich will kein Engel sein
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