Premier contact:J'avais déjà eu l'occasion sur certains topics d'évoquer mon intérêt pour la Seconde Guerre Mondiale et il y a quelques temps, je me suis mis à la recherche d'un jeu permettant de revivre les grandes batailles de ce conflit. Mes critères étaient simples mais nombreux: je voulais un jeu qui propose un challenge tactique intéressant (donc sans trop d'aléatoire), avec un visuel attrayant, aux règles claires, simples mais sans être simplistes, et sans tomber non plus dans l'excès de la simulation pure et dure, le tout étant prêt à jouer dès l'achat. Dans cette quête du Graal, je m'intéressais (et éliminais) plusieurs jeux pourtant bien cotés:
- Mémoire 44, facilement accessible mais considéré par beaucoup comme très (trop) aléatoire.
- Advanced Squad Leader, le grand ancien aux règles imbuvables (je vous invite à relire
ce post de Gary à ce sujet ou à visionner
"ASL expliqué en 3 minutes" !).
- Flames of War, de bonnes appréciations mais la création d'une armée est coûteuse et surtout nécessite des talents de peintre que je n'ai pas.
- Axis and Allies miniatures, à priori très bien, avec des figurines déjà peintes, mais soumis à l'effroyable marketing dit du "jeu à collectionner" avec booster pack au contenu aléatoire !
- Conflict of Heroes, pour beaucoup un excellent jeu, mais difficile à trouver et l'aspect "pion" me rebute un peu.
Finalement, mon choix s'arrêta sur
l'Aube d'Acier (édité par FFG sous le nom Tide of Iron et traduit en V.F par Edge), et après la lecture de nombreux avis positifs, je me décidais à investir (c'est le mot, la boite de base est à 80€ tout de même !).

Me voilà donc en possession d'une très grosse boite, dans la lignée des "monster games" auxquels FFG / Edge nous a habitué. La boite entre les mains, on ressent le poids de son achat: c'est du lourd, du très lourd à l'intérieur ! L'impression se confirme à l'ouverture avec du matériel à profusion; ça flatte immédiatement la rétine et fait battre les petits coeurs des gamers (comme souvent d'ailleurs avec cet éditeur).
On se retrouve ainsi avec plein de jolis pions en carton épais pour marquer toutes les informations utiles pendant la partie, des cartes de stratégie illustrées par des "photos" d'époque, des fiches de référence tout en couleur, un gros booklet de règles et un plus petit contenant les scénarios (avec contextes et citations historiques pour se mettre dans l'ambiance), etc... Mais ce qui saute aux yeux immédiatement, ce sont les douze grosses "plaques de jeu" tout en couleur, imprimées recto verso, avec grille hexagonale en surimpression, et que l'on peut ajuster entre elles pour créer divers champs de bataille. Elles sont bien épaisses, donc supportant les manipulations, et peuvent être personnalisées avec des "tuiles" amovibles que l'on place par dessus pour représenter divers types de terrains (forets, rivières, bâtiments, bunkers, routes, etc...). A côté de cela, autre élément visuel "aguicheur", les armées, qui sont ici symbolisées par des figurines plutôt que par des pions: nous voilà donc avec des petits soldats et des blindés très attrayants, si l'on exclut le fait qu'ils soient non peints. Ainsi, les allemands sont "gris", et les américains sont "verts". Pour ma part, je m'en satisferais mais sûr que le modéliste de base prendra son pinceau pour améliorer tout cela (à noter qu'à priori, les figurines de A&A miniatures sont compatibles avec l'échelle du jeu, donc sait on jamais en cas de belle offre sur le net).
En résumé, le matos est magnifique, imposant, et donne immédiatement envie de jouer. Mais avant cela, il va falloir lire les règles.
Disons le de suite, l'Aube d'Acier est une sorte de chainon manquant entre le jeu de plateau "classique" et le wargame. Les règles sont bien moins accessibles qu'un M44 par exemple, mais moins complexes qu'un vrai jeu de simulation. Ainsi, si l'on regrettera par exemple la non gestion de l'angle de tir quand on cible un blindé (mécanisme qui est présent dans A&A mini et qui m'a fait longuement hésiter entre les deux) ou l'absence des lignes de ravitaillement (paramètre important sur certains fronts simulés à grande échelle), on trouvera en revanche plusieurs modes de tir (tir classique, tir de suppression pour clouer une unité sur place, tir de barrage, tir de riposte, etc...), la prise en compte des lignes de vue et du relief du terrain, les statistiques des armes et équipements de l'époque, etc... Personnellement, je trouve que les choix faits par les développeurs sont les bons: le jeu est un excellent compromis entre simulation, stratégie, et règles pas trop complexes.
Historiquement, le jeu se propose de reproduire à l'échelle tactique (un blindé = un blindé, une escouade = trois ou quatre hommes) les affrontements qui opposèrent les américains et les allemands en Europe après le débarquement de juin 1944 (donc plutôt la fin de la guerre). Des extensions ajoutent des armées et des fronts, mais j'y reviendrai plus tard. On est donc dans l'échelle d'un Company of Heroes pour faire un parallèle avec un (très bon) jeu vidéo. Chaque partie oppose deux à quatre joueurs pour une durée de jeu de 2 à 4 heures selon les scénarios. En effet, l'Aube d'Acier est un jeu à scénario, à savoir qu'avant chaque partie, les joueurs choisissent une bataille, laquelle va déterminer les forces de départ de chaque camp, les éventuels renforts, la disposition des plateaux et des obstacles, les objectifs, le nombre de tours et les conditions de victoire. Notons au passage que la communauté autour du jeu est très prolifique et on trouve de nombreux scénarios sur le net, ainsi que des logiciels permettant de créer ses propres missions, historiques ou non.
Pour autant, en admettant que l'on ait exploré tout le contenu du jeu, les scénarios ne sont pas "figés" et la rejouabilité s'avère importante. Au delà de la configuration de départ, certains paramètres seront aléatoires à chaque partie, notamment les cartes de stratégie qui constituent une pioche pour chaque camp. Ces cartes sont réparties en plusieurs types (soutien terrestre, moral, renfort, désorganisation, etc...) et chaque scénario donnera accès à certains "paquets" plutôt qu'à d'autres afin de recréer les conditions historiques de la bataille jouée. Sans être décisives, ces cartes apportent une touche d'aléatoire bienvenue (l'imprévu du champ de bataille !), et selon sa main et son style de jeu, il sera possible de mettre en place des stratégies différentes pour atteindre un même objectif. De plus, grâce à un astucieux système de soclage, il sera possible de varier la composition de ses escouades. Ainsi, au début de chaque partie, les joueurs reçoivent un certain nombre de "socles" et de troupes de différents types (infanteries régulières, troupes d'élite, officiers, armes lourdes, etc...). Chaque socle dispose de quatre "slots" pour disposer ses soldats (les armes lourdes comptant pour deux slots). Dès lors, on pourra créer des combinaisons variées; mélangerons nous nos troupes d'élite à nos réguliers pour que ces derniers bénéficient du trait "endurcis au combat" de nos meilleurs hommes ? Préférerons nous créer un socle d'élite pour effectuer des opérations chirurgicales derrière les lignes ennemis mais dont la perte s'avèrera un énorme coup dur ? Qui bénéficiera de l'encadrement de nos officiers et leur capacité à agir même sous le feu de l'ennemi ? Répartirons nous nos armes lourdes entre diverses escouades, sacrifiant ainsi la mobilité de notre armée, mais répartissant notre puissance de feu aux quatre coins du champ de bataille ? Qui plus est, cette phase terminée, chaque camp se verra attribuer un certains nombres de spécialisations (médic, anti-char, lance-flammes, génie) et là encore, il faudra réfléchir à la répartition de ses ressources supplémentaires. Les talents tactiques de chacun seront donc mis à rude épreuve avant même le début de la partie et cette phase de réflexion initiale offre une variété bienvenue pour aborder le même scénario d'une manière totalement différente.
On notera également que ce soclage d'escouade individuel permet d'intégrer le concept très "wargamesque" des "pas de perte", à savoir que les escouades peuvent perdre des hommes avant d'être complètement annihilées. Une escouade ainsi diminuée perdra naturellement de sa puissance de feu et il sera possible de regrouper des survivants pour constituer une seule escouade à plein potentiel. L'empilement est aussi géré: il est possible, comme dans un wargame classique, d'empiler ses unités, un hexagone pouvant accueillir trois socles et maximum deux véhicules.
A propos de ces derniers, si l'infanterie est assez similaire entre les deux camps (des réguliers et des élites, et quasiment les mêmes capacités matérielles), les chars possèdent des caractéristiques en adéquation avec leur efficacité de l'époque. Les blindés allemands sont ainsi les terreurs des champs de bataille avec un armement souvent dévastateur et un blindage plus que solide !
Cette phase de préparation (plus ou moins longue) terminée, place à l'action !
