LEGENDES D'AUTRES MONDES

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 Sujet du message: Re: Saison 2
MessagePosté: Sam Avr 27, 2019 1:32 pm 
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Abraxis, place du marché
La foule s’éclaircissait petit à petit dans les rues de Dité et la place du marché se vidait de ses clients potentiels. Abraxis jeta un regard à la toile posée à même le sol devant lui. Ce n’avait pas été un très bon jour pour lui et quasiment toute sa marchandise était encore étalée à ses pieds. Seul le collier avec une pierre rouge avait tapé dans l’œil d’une harpie. Par réflexe, il effleura la bourse de cuir attachée à son ceinturon, elle était bien trop vide. Il retenterait sa chance le lendemain. En attendant, il remballa ses affaires et forma un baluchon avec la toile. Méfiant, il s’éloigna d’un pas rapide vers sa cachette préférée en ville.



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Ashley WinstonZ

Logement du père Gabriel
Le vieil homme leur avait ouvert une cellule adjacente pour que le petit groupe se repose. Ils avaient quelques heures devant eux, leur avait-il expliqué, le temps que la garde change à l’endroit où il allait emmener les trois femmes.
Ashley n’avait aucune envie de se reposer. Elle invita Zane à explorer le bâtiment qui les abritait. Ils déambulèrent quelques minutes avant de parvenir aux restes d’un cloître. Seule une partie de la galerie avait résisté aux assauts du temps, le reste n’était plus que ruines et colonnes orphelines. Un muret cylindrique, fait de pierres noires, était positionné au centre de la cour. Le couple s’approcha. Ashley se pencha légèrement mais n’aperçut rien d’autre que de la noirceur des abîmes. Elle se demanda quelle pouvait bien être la profondeur de ce puits. La jeune femme s’assit prudemment sur le rebord. Zane, lui, garda ses distances et se tint debout, face à elle.
— Tu es sûr qu’on peut lui faire confiance ? demanda-t-elle. Je n’aime pas l’idée qu’on se sépare… Et si c’était un piège pour te prendre cette grâce ?
— Moi non plus, je n’aime pas ça, mais tu l’as vu, je peux aussi utiliser ce qui m’a été confié comme une arme. Les habitants de cet endroit craignent autant la lumière qu’ils la désirent, je ne risque rien ici. À vrai dire, je m’inquiète d’avantage pour toi et ce que tu vas devoir affronter dans la place des Hérétiques. Je n’ai pas fait tout ce chemin pour que tu prennes des risques inconsidérés, mais… nous n’avons d’autre choix que de faire confiance à notre hôte.
— Je serai prudente, promis.
Ashley s’empara d’un petit caillou sur la margelle et le fit rouler doucement au creux de sa paume.
— J’ai vraiment merdé, hein ? Avec les mages…
Zane prit son inspiration :
— On ne peut pas revenir en arrière Ashley, mais on peut essayer de réparer la situation. Nous sommes en train de le faire, rajouta-t-il.
— Oui, soupira-t-elle, il faut que je répare mes conneries. Tu as vu les mages, depuis que je suis ici ? Les choses ne se sont pas vraiment passées comme prévu, mais ils savent que je remplirai ma part du marché, non ? Notre accord est toujours valable j’espère.
Le regard du privé se perdit un instant dans le passé, il serra les dents :
— Je me suis assuré que l’accord tienne toujours. Cela n’a pas été des plus facile, mais le deal reste d’actualité… À moins, qu’ils décident de nous trahir, auquel cas…
Ashley se leva et fit un pas vers son compagnon :
— N’essaie pas de m’épargner, Zane. Qu’est-ce qu’il s’est passé avec eux ?
Z se détourna et fit un pas qui l’éloigna d’Ash.
— Ils ont dit que maintenir ton corps en stase leur coûtait beaucoup d’énergie…
— Je vois. Il faut qu’on trouve rapidement ce sceau alors. Il n’y a plus qu’à espérer que le prisonnier dont nous a parlé le père Gabriel nous donne de bonnes infos.
Ashley retourna près du puits et posa ses mains sur les pierres froides. Une peur immense s’empara d’elle.
— Il faudra que tu l’empêches de finir ici… cet endroit est monstrueux, dit-elle d’une voix étranglée.
— De qui parles tu ? demanda Zane.
— Notre enfant. Tu devras l’élever correctement, pour qu’il ne finisse pas ici.
— Un pas après l’autre, mon amour. Nous devrions commencer par nous sauver nous-même, qu’en penses-tu ? Qu’y a-t-il Ashley ? Que signifie ta dernière phrase ?
Elle se tourna et fixa Zane dans les yeux :
— Je… Je ne connaîtrai pas notre bébé. Je mourrai en le mettant au monde.
— Que dis-tu là ? s'inquiéta Z.
— Le métro m’a donné une vision… Je hurlais de douleur, il y avait beaucoup de sang. J’ai juste le temps d’entendre son cri avant de sombrer dans le néant, expliqua-t-elle la voix étranglée.
— Le métro… Il n’a aucun pouvoir Ashley, sinon de se nourrir de nos peurs et de nos bas instincts. Crois-moi, il ne t’arrivera rien de tout cela. Nous rentrerons tous les deux et nous l’élèverons dans l’amour et la joie.
— Comment peux-tu en être si sûr ? C’était tellement… réel.
— Nous n’avons pas traversé toutes ces épreuves pour être ébranlés par une vision ! Aie foi en nous, Ashley, ne doute pas maintenant… Sinon, ils auront gagné.
La jeune femme hocha légèrement la tête :
— Je vais essayer. J’ai tellement hâte de quitter cet endroit maudit.


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Ena HostbladAmber

Amber et Ena
Dans la pièce voisine de la chambre du père Gabriel, le confort était encore plus sommaire. Un tas de paille à l’odeur moisie devait servir de lit au précédent locataire. Une table cernée de deux bancs en bois constituait le seul mobilier du lieu. Ena et Amber se faisaient face. La fée parcourut rapidement la chambre des yeux :
— Une chose est sûre, c’est pas le Carlton ici !
— C’est vrai ce qu’il a dit ?
— Qui ça et quoi donc, ma chère ?
— Qu’elle est enceinte de lui ?
— Oh, ça… J’en ai bien peur. Je suis désolée, ça ne doit pas…
— J’ai pas besoin de ta pitié ! lança Amber en haussant le ton.
Elle se leva brusquement et fit quelques allers-retours dans la petite pièce avant de se figer face à un mur recouvert de toiles d’araignées. Elle regrettait maintenant d’avoir été si dure avec Zane. À la disparition de leur fils, elle avait été incapable de faire face à la culpabilité et à la colère qu’elle éprouvait. Elle avait eu besoin d’un bouc émissaire et son mari avait été le parfait candidat. Elle avait été odieuse avec lui, mais elle se rendait compte à l’instant qu’elle l’aimait toujours. Si seulement elle pouvait avoir une chance de rattraper tout ça... C’était elle qui aurait dû être enceinte, pas cette créature ! Jason aurait été si heureux d’avoir un petit frère ou une petite sœur...
La fée s’approcha d’elle et parla d’une voix douce :
— Il faut que tu l’acceptes : tu es morte. Mets-toi à sa place… Il a le droit de refaire sa vie, aussi difficile que ce soit pour toi.

“Mets-toi à sa place”. Et si c’était possible ? se demanda Amber. Elle se tourna vers la fée et acquiesça de la tête. Son regard, lui, était empli d’espoir. C’est ce que capta Ashley lorsqu’elle entra dans la pièce suivie de Zane. Était-ce parce que le père Gabriel avait accepté de les aider ? Amber n’était pas réellement concernée par la mission qu’ils devaient remplir ici. La louve s’installa à la table, face à Zane afin de limiter son envie de contact.
— Nous devons discuter de quelques sujets tous les quatre, commença-t-elle.
Ena s’assit à ses côtés tandis qu’Amber prenait place auprès de son mari. Ashley poursuivit en la fixant :
— On ne peut pas t’abandonner ici.
Ash sentit le regard interrogateur de ses compagnons.
— On sait tous que vous ne pouvez pas me ramener, siffla Amber.
— C’est vrai, mais on peut t’escorter au delà des cercles, vers les Champs Elysées, ou le Paradis, son nom varie…
Elle risqua un regard vers Zane. L’idée lui était venue à l’instant. Ils n’avaient pas eu l’occasion d’échanger sur l’ex-femme du privé, mais s’il l’avait tirée de son supplice, il n’allait sûrement pas l’abandonner au beau milieu de l’Enfer.
— Si c'était aussi facile d'échapper à cet endroit, il serait vide à présent. N'est-ce pas ? demanda Zane.
— Les condamnations de Minos ne sont pas toujours pour l'éternité, expliqua Ena. Ta femme n'est pas une criminelle, elle aurait fini par aller là-bas de toute façon. Reste à savoir la durée de sa pénitence.
La fée se tourna vers l'intéressée qui semblait désolée.
— Je… je ne me rappelle plus. J'étais tellement effrayée…
— Mon ex-femme, corrigea Zane. Par ailleurs, ne confondez-vous pas Enfer et purgatoire ? reprit-il.
Ena claqua la langue agacée :
— J'ai été enfermée dans les cellules de Minos un bon bout de temps. Les humains ont voulu se rassurer en se disant que si leurs péchés n’étaient pas trop graves, ils échapperaient à cet Enfer, mais personne n'y échappe, on y reste juste plus ou moins longtemps.
— OK, donc si Amber reste cachée jusqu'à la fin de sa pénitence, réfléchit la chef de meute, elle devrait pouvoir aller là-bas sans souci, non ?
— En théorie, oui, répondit Ena. Son ami le prêtre devrait pouvoir confirmer.
— Ce n'est pas mon ami, corrigea Zane, mais on peut lui demander…
Ashley prit une inspiration avant de reprendre :
— Bon, et maintenant, comment est-ce qu’on ramène Ena dans son corps ?
— En effet, il ne faudrait pas m’oublier en chemin.
Ash accrocha les yeux noisette de son compagnon. C’était un peu étrange de retrouver son regard intact, sans la cicatrice qui lui barrait l’oeil gauche.
— Comment tu as prévu de nous ramener ? lui demanda-t-elle.
— Les Von Sterling ont ouvert un nouveau portail, expliqua Zane. Lorsque nous le traverserons, nous réintégrerons nos corps. Mais sans corps disponible, je ne pense pas qu’il soit possible de passer. Je suis navré.
— Mais, balbutia Ena en se tournant vers Ashley, tu as promis.
— Ashley a parfois tendance à... prendre des engagements hâtifs, expliqua le privé. Mais c’est toujours pour aider les autres et c’est tout à ton honneur, s’empressa-t-il d’ajouter face au regard noir de la jeune femme.
À ses côtés, la respiration d'Amber s’accélèra sensiblement. Elle ne supportait pas de voir son mari se laisser faire ainsi par cette gamine.
— On va trouver une solution, affirma Ashley en prenant la main de la fée dans la sienne. Je te le promets.
Zane se retint de lever les yeux au ciel. Pourquoi fallait-il toujours qu’elle s’engage dans des causes désespérées ?
— Ashley, s’agaça Z, faut-il toujours que tu fasses des promesses que d'autres devront assumer ?
Il détourna le regard. Il n'y avait pas de colère dans sa voix, plutôt une immense lassitude.
On frappa à la porte. Le père Gabriel ouvrit sans attendre de réponse :
— C’est l’heure, mesdames.
Amber et Ena suivirent aussitôt le vieil homme. La louve se releva lentement.
— Désolée d'être une telle plaie pour toi, lâcha Ashley en quittant la pièce.
Elle claqua la porte derrière elle, laissant Zane seul avec son inquiétude. Une fois en tête à tête avec lui-même, il dit tout bas :
— Tu n'as pas idée à quel point, Ashley ! Et bien sûr, tout est de ma faute…
Z se leva et déambula dans l'immense monastère.


ImageImageImageImage
Ashley WinstonEna HostbladAmberPère Gabriel

Place des hérétiques
Le père Gabriel emmenait les trois femmes d’un pas vif. Piquée par la curiosité, Ashley oublia pour quelques instants la remarque de Zane et vint se placer aux côtés du vieil homme :
— Allez-vous nous dire qui est cet homme qui pourra nous aider ?
— Un homme ? Je n’ai jamais parlé d’un homme. Eosphoros est un démon, suffisamment ancien pour connaître l’artefact que vous recherchez.
— Et comment vous le connaissez ?
L’homme se tendit légèrement, inspira profondément avant de répondre :
— Lui et moi avons un passif. Nous y sommes bientôt, annonça-t-il pour couper court aux questions. Je me charge des gardiennes, vous irez directement à son tombeau. Je vous préviens, il n’est pas du genre charitable. S’il peut vous aider, ce ne sera pas gratuit.
La louve ne parvenait décidément pas à comprendre pourquoi Zane avait une telle confiance en ce type. Il éludait trop de questions pour n'avoir rien à se reprocher.
Une odeur de chair brûlée envahissait petit à petit l’air ambiant. Le prêtre les fit tourner à droite à l’angle d’une ruelle, Ashley aperçut alors l’immense place des hérétiques qu’ils avaient traversé plus tôt. Des tombeaux creusés suffisamment profonds pour que les condamnés ne puissent rien voir d’autre que les flammes vertes et la fumée qui consumaient leurs âmes. Ceux qui tentaient de s’en échapper étaient sanctionnés d’un coup de fouet cinglant.
— Vous voyez les trois arches de l’autre côté de la place ? Le tombeau se trouve à trois rangées, pile au milieu. Attendez que cette gardienne s’éloigne avant de vous avancer, ordonna-t-il aux trois femmes.
— Vous êtes sûr qu’on ne risque rien ? demanda Amber hésitante.
— Faites ce que je vous ai dit et tout ira bien, lui assura le religieux. Vous n’aurez que peu de temps, les prévint-il. Tysiph n’aime pas qu’on approche ses prisonniers.
— Tysiph ? l’interrogea Ena.
— La responsable des Erinyes, dit-il en désignant l’une des femmes ailées à la chevelure faite de serpents.
Le père Gabriel échangea un regard avec Ashley avant de s’éloigner. Ena prit la main de la chef de meute et la serra fort dans la sienne. La louve détacha un instant son regard de la place. La fée tentait de faire bonne figure, mais elle n’était clairement pas rassurée d’être ici. À ses côtés, Amber regardait le père Gabriel se diriger droit vers l’une des gardiennes.
Lorsqu’elle aperçut le père Gabriel, Tysiph serra les mâchoires. Les serpents qui encadraient son visage hideux se mirent à siffler de concert. Ce vieux fou n’abandonnerait donc jamais ?
Dès que la gardienne quitta son poste, Ashley s’avança, entraînant avec elle ses deux comparses. Elles slalomèrent entre les tombeaux d'où s’élevaient les hurlements des suppliciés. Ceux qui s’aperçevaient de leur présence leur demandaient grâce ou les insultaient de se repaître du spectacle de leur tourment. Elles arrivèrent devant le tombeau indiqué par le père Gabriel et s’arrêtèrent à bonne distance.
Ashley se pencha légèrement et aperçut le démon au fond du trou. Il avait son apparence humaine, seuls ses yeux, rouge flamboyant, trahissaient sa véritable nature. L’homme se tordait de douleur, la peau couvertes de cloques et de brûlures qui ne cessaient d’apparaître et disparaître au rythme de la danse des flammes. Il posa son regard incendiaire sur Ashley. La louve en elle voulut reculer, la jeune femme résista.
— Le spectacle vous ravit-il ? demanda l’homme d’une voix rauque.
— Pas spécialement, confessa-t-elle. Vous êtes bien Eosphoros ?
— On m’a nommé ainsi, il y a bien longtemps.
— Une de vos connaissances nous a dit que vous pourriez peut-être nous aider.
La louve perçut la lueur d'intérêt qui avait allumé le regard de l’homme.
— Voyez où je suis, dit-il en écartant les bras de façon théâtrale. Quelle genre d’aide pourrais-je vous apporter ?
— Je recherche un objet ancien : le Sceau de Salomon.
Le démon plissa les yeux et détailla la chef de meute de la tête aux pieds.

Amber, elle, se demandait ce qu’elle faisait ici à aider la nouvelle copine de son mari.
— Quelle ironie du sort ! s’exclama une voix grave qui la fit sursauter.
À côté d’elle, Ena et Ashley ne semblaient pas réagir. Était-ce dans sa tête ? Devenait-elle folle ?
— Votre fils est enfin retrouvé et vous perdez la vie au même moment, poursuivit la voix.
— Qui êtes-vous ? demanda Amber apeurée.
— Regardez au fond du trou.

La femme fit un pas en avant et baissa le regard vers les flammes. Elle croisa le regard du démon un court instant avant qu’il ne se tourne à nouveau vers la chef de meute.

— Pourquoi vous aiderais-je à mettre la main sur un artefact aussi puissant ? demanda-t-il à Ashley d’une voix profonde. Il est certains pouvoirs à ne pas mettre entre toutes les mains… Qu’est-ce qu’une louve, une fée et une humaine en ferait ?
Ena s’approcha du tombeau, curieuse de voir celui qui avait tant de prestance malgré sa situation.

La voix retentit dans la tête de la fée dès que les yeux rougeoyants du démon se posèrent sur elle :
— Malgré toutes les belles promesses de la louve, que ferez-vous si votre âme reste coincée ici ? demanda-t-il.
— Comment savez-vous ?
— Cela importe peu. Laisserez-vous Audrica s’en sortir de la sorte ?

Ashley s’éclaircit la voix avant de répondre au démon :
— Elles m’accompagnent et m’aident dans ma quête. Quant à moi, je ne souhaite pas retrouver le Sceau pour mon bénéfice personnel, se justifia Ash, et je compte m’assurer qu’il ne soit pas non plus utilisé par ceux qui le convoitent.

— Comment est-ce que vous… commença Amber hésitante.
— Elle n’est pas spécialement jolie, mais je vois ce qu’il lui trouve, la coupa le démon. Le côté sauvage derrière cette fragilité apparente, ça a son charme.
Amber se mit à bouillir de colère lorsqu'elle comprit de qui il parlait.
— Pourquoi vous me dites tout ça ? s’énerva-t-elle.
— Je ne peux pas vous ramener d’entre les morts, mais vous pouvez devenir elle.


Ena se sentit vulnérable car à cet instant, elle sut qu’il avait lu en elle. Toute cette haine qui la consumait depuis qu’elle était dans cet enfer, elle n’avait pas réussi à la dépasser. Elle avait bien essayé, se disant que ce sentiment n’était pas digne de son rang… Et pourtant :
— Je veux qu’elle paie pour tout ce qu’elle m’a fait subir et plus encore ! Il faut qu’elle souffre !

Un tourbillon de flammes se forma dans le tombeau. L'homme ne put retenir un cri déchirant lorsque de nouvelles cloques apparurent sur sa peau.

— Devenir elle ? s’étonna Amber. Comment ça ?
— N’essayez pas de me duper ! tonna le démon alors qu’il poussait un hurlement depuis son tombeau.

— Comment voulez-vous que je vous aide, en étant coincé ici ? souffla-t-il lorsqu'il fut à nouveau en état de parler à Ashley.

— C’est votre idée, Amber, reprit-il d’une voix plus posée, je peux juste vous donner les moyens de réussir.
— Que dois-je faire ? demanda-t-elle quelque peu honteuse.

Le désespoir envahit soudain Ashley :
— Vous ne vous attendez quand même pas à ce qu’on vous sorte de là ?
Elle jeta un coup d’oeil inquiet vers le père Gabriel, à l’autre bout de la place. Il était pris dans une discussion agitée avec deux gardiennes qui commençaient à le faire reculer.
— Avec elles, impossible !
— Elles sont coriaces, mais pas invincibles, la rassura le démon.
— Et après ? Si par miracle on vous libère de ce tombeau, comment on retrouve le Sceau ?
— J’ai une idée de son emplacement. Aidez-moi, et il sera à vous.

La fée tentait de retrouver son calme mais avait du mal à se concentrer sur les échanges entre Ashley et le démon.
— Votre corps n’est plus disponible, poursuivit ce dernier. Malgré toute sa bonne volonté, la louve risque d’échouer, mais je vous promets une chose, si vous me sortez de là, les supplices des neufs cercles ne seront rien à côté de ce qu’Audrica subira...

Ashley ne voulait pas s’engager sans en parler avec Zane. Pour une fois, il ne pourrait pas lui reprocher d’avoir pris une décision trop hâtive.
— J’ai besoin de temps.
— J’ai toute l’éternité, répliqua Eosphoros dans un sourire grimaçant.

Un frisson de peur mêlée d'excitation descendit le long de la colonne vertébrale d’Amber lorsque la voix retentit à nouveau dans sa tête :
— Sortez-moi de là, et votre famille sera à nouveau réunie...

— Hé vous ! Circulez ! ordonna Tysiph d’un ton sec lorsqu’elle aperçut le trio près du tombeau.
Les trois femmes se hâtaient de quitter les lieux lorsque la louve entendit une voix masculine résonner en elle.
— Aide-moi, Ashley, pour sauver ton père !
Elle se retourna vers le tombeau. Les yeux flamboyants du démon étaient fixés sur elle. Il poussa un nouveau hurlement de douleur qui donna la chair de poule à la jeune femme. Ena la tira par le bras, pressée de retourner à l’abri des ruines du monastère.


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 Sujet du message: Re: Saison 2
MessagePosté: Lun Juil 08, 2019 8:04 pm 
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Ashley WinstonEna HostbladAmberPère GabrielZ

Le monastère
Zane explora le monastère pendant l'absence du groupe. L'espace était vaste, mais sombre et vétuste, il convenait parfaitement à l'humeur du privé. Mains croisées dans le dos, front soucieux, il poursuivit ses déambulations. Il fit le tour de la petite cour. Il passa devant des cellules qui étaient alignées d'un côté du bâtiment. L'atmosphère calme et silencieuse des lieux lui faisait presque oublier l’endroit où il se trouvait, presque… Comment oublier et comment lui dire ? Il pénétra dans une cellule et s'allongea quelques instants. Il croisa les mains sur sa poitrine, ferma les paupières et respira profondément. Il ne devait pas perdre de vue pourquoi il avait fait tout ce chemin, mais il ne voyait toujours pas de route claire se dessiner devant lui et cela n'était pas pour le rassurer.
Il s'arracha à ses rêveries et s'assit sur le lit.
Il allait se relever et repartir lorsque son regard fût attiré par un petit livre posé sur la commode.
Une bible, pensa-t-il immédiatement en se saisissant de l'objet.
Il l'ouvrit.
Ce n'était pas une bible, comme il l'avait cru au premier coup d'œil, mais une sorte de cahier petit format. Il devait être ancien, au vu de la patine de la couverture faite de cuir. Le papier était jauni, mais assez souple, du vélin ! L’alphabet était clairement sémitique, l'écriture fine et rectiligne. Après quelques minutes d’observation, il reconnut la langue utilisée. C’était une langue ancienne et morte depuis des siècles, pensa-t-il, il avait entre les mains un manuscrit écrit en araméen ! Étonné et déconcerté de trouver un tel objet ici, il parcourut les caractères du doigt en nommant les lettres. Il fit un effort de mémoire colossal pour se souvenir de cet alphabet, mais tout revint très vite. Il n'avait rien lu de tel depuis des années. Il se rappela qu’adolescent, il parcourait du doigt les caractères anciens. Ses parents, son père surtout, lui même chasseur de monstres depuis des générations, avait tenu à ce que ses fils suivent un cursus poussé en théologie. Un cursus qu'il l'avait amené à étudier le latin, l'hébreu et l'araméen. Que d’heures studieuses avait-il passé à déchiffrer les langues anciennes sous la férule implacable de son père. Ray, son frère, était encore trop jeune pour suivre une telle formation. À cette époque, Zane jalousait son petit frère, libre de faire ce qu’il voulait, alors que lui était tenu à l’étude. Ray lui confessa des années plus tard que lui-même enviait tout le temps qu’il passait avec leur père qui n’accordait que peu de temps à son cadet. Le privé eut un pincement au cœur en pensant à son frère et à Jason.
Il chassa les souvenirs de sa tête et entreprit de décrypter le manuscrit :

Novembre, an de grâce 1630
Après un long détour, je suis enfin parvenu à franchir les lignes
de la Ligue Catholique et des forces impériales. Et ce que j'y ai vu
est terrifiant. La ville, quant à elle se prépare et se retranche, elle
espère le secours des forces suédoises. Mais que peuvent ils face
aux ennemis qu'ils doivent affronter ? Je vois ce qu'ils ne voient pas !
Mon seul espoir est d'arriver à temps pour éviter le pire. Hélas, le
Malin travaille et je reconnais bien là son oeuvre, mais j'oeuvre
également et si je trouve cet objet maudit, Magdebourg à peut être
une chance.
Il faut que je trouve la Marque de Cain !


Le grincement de la lourde porte en bois à l'entrée du monastère tira Zane de sa lecture. Il retourna dans la petite cellule que le père Gabriel leur avait allouée.
Lorsqu'il entra dans la pièce, Amber et Ena étaient assises chacune à une extrémité de la table, tandis qu'Ashley se tenait debout, face à la porte. Le silence qui régnait ici était surprenant et la tension qui émanait de sa compagne ne le rassurait aucunement.
— Ou est le père Gabriel ? demanda-t-il lorsqu'il réalisa son absence.
— J'aimerais bien le savoir ! répondit aussitôt Ashley. J'ai deux ou trois choses à clarifier avec lui.
Zane allait l'interroger lorsque la porte du monastère grinça à nouveau. Le religieux était de retour et la chef de meute trépignait d'avoir des réponses.

Père Gabriel entra dans le monastère, le bruit de ses pas résonnaient dans l'édifice. Il remarqua les yeux rivés sur lui lorsqu'il pénétra dans la petite pièce :
— Hé bien ? demanda-t-il le plus calmement du monde, avez-vous eu vos réponses ?
Sans attendre qu'on lui répondit, il s'asseya et porta sa pipe à ses lèvres. Ashley vint se planter devant lui, poings serrés sur les hanches.
— Oh, il accepte de nous aider à retrouver le Sceau, à condition qu’on le sorte de là !
— C'est prévisible, répondit le prêtre. Si vous étiez enfermée dans les fosses, vous souhaiteriez vous aussi en sortir, n'est-ce pas ? Par tous les moyens en votre possession…
— Qu’est-ce que vous faites des gardiennes ? Si elles parviennent à maintenir autant de prisonniers dans ces tombeaux, j’imagine qu’il n’est pas à la portée de tout le monde de les battre.
Ashley lança un regard à Zane, tentant de lire sur son visage ce qu’il pouvait bien penser de cette situation.
— Les battre ? s'inquiéta le privé. Peut-on être tué ici bas ? demanda-t-il au prêtre.
Père Gabriel aspira la fumée par la bouche et la laissa ressortir en épaisses volutes de ses narines :
— On ne peut pas mourir ici, articula-t-il, le pire qui puisse arriver est que vous soyez à votre tour jeté au fond d'une tombe enflammée et que vous y brûliez pour l'éternité…
L'annonce de l'ecclésiaste jeta un froid.
— On ne peut pas mourir, mais on peut souffrir, murmura Amber et serrant ses bras autour d’elle pour réprimer un frisson.
Après quelques instants de silence, Ashley se tourna à nouveau vers le père Gabriel :
— Qu’a fait Eosphoros pour finir dans ce tombeau ?
Le prêtre resta un instant perdu dans ses pensées avant de reprendre :
— Vous savez, nous sommes tous ici pour des fautes que nous avons commises, celui-ci est responsable directement ou indirectement de la mort, dans des conditions odieuses, de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants innocents. C'est un être retors et perfide. Tous ceux dans les tombeaux le sont me direz vous, mais Eosphoros s'est particulièrement illustré dans ces exactions et les gardiennes le veillent tout spécialement.
La jeune femme prit une profonde inspiration pour rester maître de ses émotions :
— Vous êtes en train de me dire que vous nous avez envoyé chercher de l’aide auprès d’un meurtrier de masse, que vous saviez qu’il allait probablement nous demander de le sortir de son trou, et que vous êtes OK avec tout ça ? Mais quel genre de prêtre vous êtes au juste ? Vous êtes qui ? demanda-t-elle en se penchant vers lui.
Elle posa ses mains sur chacun des accoudoirs de façon à ce qu’il ne puisse pas se lever. Leurs visages étaient face à face. Le regard noir de la louve se plongea dans celui bleu acier du prêtre et elle attendit sa réponse. Zane se leva prestement de sa chaise et s'approcha de son aimée :
— Doucement Ashley ! Laisse le père Gabriel tranquille ! Nous n'avons pas fait tout ce chemin pour brutaliser des gens et nous laisser envahir par la colère. Ce n'est pas l'endroit. Laisse-le, ces derniers mots furent des murmures.
La jeune femme ferma les paupières un instant et baissa la tête. Elle dût faire l’effort de se rappeler que Zane était venu jusqu’ici pour elle, car depuis qu’ils étaient en Enfer, elle sentait une distance entre eux qui n’avait rien à voir avec l’interdiction de se toucher. Comment ne pouvait-il pas voir que cet homme leur cachait des choses ?
Elle se redressa et fit face à son compagnon :
— Je ne brutalise personne, je veux juste des réponses.
— Écoutez, reprit père Gabriel une fois le calme revenu, Eosphoros est le seul dans cette ville qui peut vous aider, et la raison en est bien simple. Il connaît bien le sceau de Salomon car il l'a vu de près, vous me suivez ?
— Vous voulez dire que… qu'il a été sous l'influence de l'objet ? demanda Ena.
— Précisement, confirma le prêtre.
Après avoir bourré sa pipe de tabac, il reprit :
— Quant à mes relations avec lui, elles ne vous regardent pas. Sachez simplement que ses péchés sont également les miens ! Et ne croyez pas vous dédouaner de vos décisions. Si vous voulez le libérer, cela n'engagera que vous et vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas ! Sinon, fit-il implacable, retournez d'où vous venez.
Ashley était sûre d’elle, ce prêtre ne jouait pas franc jeu avec eux, mais elle n’avait pas le choix. Le temps leur était compté et ce démon était prêt à les aider à retrouver le Sceau.
— Sache que je ne me dédouane de rien, vieil homme ! lança-t-elle en pointant le prêtre de son index.
Elle commençait à se sentir à l’étroit dans cette petite cellule et se dirigea vers la porte.
— Ashley… commença la fée.
— J’ai besoin de réfléchir, répondit simplement l’intéressée en quittant la pièce, sans un regard pour Zane.
Ses pas la menèrent vers le puits du cloître découvert plus tôt. Elle y jeta nerveusement quelques pierres.
Elle entendit des bruits de pas derrière elle.
— Qu'y a-t-il Ashley ? C'était la voix de Z. Nourris-tu des doutes sur la marche à suivre ? J'en nourris, confessa-t-il.
Elle se retourna et le fixa dans les yeux. La colère en elle n’avait pas disparu, mais c’est la déception que Zane lut sur son visage.
— Tu ne me fais pas confiance, affirma-t-elle.
— La colère… Je la vois souvent dans tes yeux.
La louve garda le silence. Elle se tourna à nouveau vers le puits et un jeta le petit caillou qui s’était réchauffé au creu de sa paume.
Le privé vint s'installer près du puits et observa également le silence.
— Je ne t’ai jamais caché qui je suis, commença-t-elle doucement. Oui, je me mets parfois en colère. Elle monte en moi, je n’y peux rien. Mais elle redescend aussi vite qu’elle est apparue.
Elle marqua une pause.
— Je ne l’aurais pas touché, tu aurais dû le savoir.
Zane inspira profondément.
— Père Gabriel est le seul contact que nous avons ici et le seul à nous aider. Je ne suis pas dupe de ses motivations, mais ce n'est pas une bonne idée de le brutaliser, physiquement ou verbalement. Évitons au maximum les zones de tensions, après tout, nous ne savons que peu de choses de cet endroit. Vois-tu Ashley, j'espère rester le moins de temps possible ici. En ce mettant à dos un allié, nous ne faisons que perdre du temps et je t'ai dit que nous n'en disposons pas d'une quantité illimitée, tu t'en souviens ?
— Si je te suis bien, on fait tout pour partir d’ici au plus vite, peu importe qui on libère et les conséquences que ça pourrait avoir ? Non, je n’oublie pas tout ce que tu me dis, et justement, j’essaie de suivre tes conseils et de ne pas faire n’importe quoi qui nous obligerait à rectifier le tir encore une fois… Mais à priori, ça ne s’applique pas dans ce cas.
— Tu n'as pas compris mon amour, ce que j'essaye de te dire, c'est qu'il y a 2 choix qui se présentent à nous. Aucun n'est satisfaisant, mais c'est pourtant là ! Soit on libère Eosphoros, soit on repart… il n'y a plus de place pour une 3ème voie, j'en ai peur.
— Mon père saurait quoi faire, lui.
— Tu continues à poursuivre des chimères, Ashley. Nous n'avons plus de temps… La décision doit être prise et elle est tienne ma louve.
La jeune femme hocha légèrement la tête.
— Il faut que je réfléchisse à un moyen de déjouer les gardiennes. Je vais aller me reposer un peu, une idée de plan viendra peut-être à moi. Il paraît que la nuit porte conseil, lui dit-elle avec un léger sourire.
— Ashley ?
— Oui ?
— Je t'aime, tu sais ça, n'est-ce pas ?
Le sourire se fit plus franc :
— Je sais.

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 Sujet du message: Re: Saison 2
MessagePosté: Mar Juil 16, 2019 11:33 am 
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Ashley WinstonEna HostbladAmberPère GabrielZ


Ashley entra dans la petite cellule attenante à celle du père Gabriel. Amber était couchée sur la paillasse, face au mur. À ses côtés, Ena semblait l’attendre.
— Ça va, ma chérie ? C’était un peu… tendu tout à l’heure, murmura-t-elle.
— Oui, ne t’en fais pas. Repose-toi. On en a tous besoin.
Ashley se coucha près d’elle. Allongée sur le dos, elle attendit un sommeil qui ne vint pas. Il fallait qu’elle trouve un moyen de libérer le démon, mais ses mots résonnaient en elle comme un écho sur les parois d’une caverne sans fond. Aide-moi, Ashley, pour sauver ton père !
Depuis qu’Amber avait été sortie de la fange des berges du Styx, Harvey occupait les pensées de la louve. Quel châtiment subissait l’ancien chef de meute pour ses crimes passés ?
Si Zane avait pu tirer son ex-femme de la boue, il devait y avoir un moyen de retrouver Harvey et de l’aider. Il n’était pas un saint, Ash ne se faisait aucune illusion là-dessus, mais devait-il souffrir le reste de l’éternité pour racheter ses crimes ? Sa vie n’avait pas été que violence et meurtres. Harvey avait été un pilier pour sa meute, mais aussi pour Hell’s Kitchen. Le quartier avaient pu profiter de la largesse de ses dons en faveur des défavorisés. Ses habitants savaient qui venir trouver en cas de coup dur : Harvey Winston répondait toujours présent, d’une façon ou d’une autre. Non, il ne devrait pas à avoir à payer jusqu’à la fin des temps. Savoir que son âme souffrait terrible châtiment depuis sa mort révoltait Ash. Il fallait qu’elle fasse quelque chose... alors, une fois ses compagnes endormies, elle se faufila dehors, sans un bruit.

*

Amber ouvrit les yeux dès qu’elle entendit la porte se fermer. La louve n’était plus là. Que mijotait cette petite usurpatrice ? La femme se leva doucement pour ne pas réveiller Ena et s’éclipsa à son tour. Une fois dehors, son regard eut juste le temps de capter un mouvement au coin de la rue. Elle tourna la tête pour voir la queue d’un animal disparaître à l’angle. Un frisson de dégoût parcourut son corps. Comment Zane pouvait-il être attiré par une telle créature ? Elle se lança sur ses traces en espérant ne pas faire de mauvaises rencontres.

*

Une louve au pelage aussi noir qu’une nuit sans étoile se faufilait dans les ruelles de Dité. Elle se glissa parmi les ombres jusqu’à la place des hérétiques. Dissimulée par une enceinte partiellement éboulée, elle s’assit et fixa son regard sur le tombeau d'Eosphoros. De là où elle était, elle ne pouvait pas le voir à l’intérieur. La voix dans son esprit ne se fit pourtant pas attendre :
— Quelle bête magnifique !
— La flatterie ne fonctionnera pas avec moi ! Je connais les ruses des démons.
— Sincérité n’est pas flatterie, se défendit-il.
La louve gronda. Elle voulait partir d’ici, loin de ces tombes enflammées, loin des cris des suppliciés, loin de l’odeur de chair brûlée qui l’écœurait, mais Ashley la retenait de toutes ses forces. Il fallait qu’elle sache pour Harvey...
— Il n’y a pas de honte à vouloir protéger les siens, susurra la voix du démon. Combien de temps devra-t-il encore payer pour ses crimes ? Aide-moi à sortir d’ici et je t’aiderai à libérer ton père. Car c’est pour lui que tu es revenue ici, n’est-ce pas ?
— Je… Je ne peux pas partir d’ici s’il souffre.
— Oh, il souffre, sois-en certaine. Il est tout près d’ici. Tu sais ce qu’ils font aux hommes comme lui ?
Ashley ne voulait pas savoir, mais la voix du démon était dans son esprit et elle ne pouvait la faire taire :
— Si tu poursuis ton chemin au-delà de la ville, tu trouveras un ravin escarpé, ravin au fond duquel coule le Phlégéthon. Tu en as déjà entendu parler ? C’est un fleuve de sang en ébullition. Oui, tu m’as bien compris, et c’est là que se trouve ton père, à bouillir pour l’éternité...
L’horreur envahit la jeune femme. Elle savait que son père avait dû être jugé sévèrement, mais ce châtiment était monstrueux.
— Aide-moi à sortir d’ici, Ashley, et ton père pourra trouver la paix.
Ashley n’oubliait pas à qui elle avait affaires.
— Tu me dis juste ce que j'ai envie d'entendre ! Une fois libre, rien ne t’obligera à tenir parole !
— Je comprends ton inquiétude et la confiance doit se gagner. Qu’il en soit ainsi. Je t’aiderai à obtenir ce que tu cherches, le Sceau de Salomon, ainsi tu verras ce que vaut ma parole.
Si Ashley trouvait le Sceau par elle-même, elle n’aurait pas besoin de ce démon pour sauver son père. Elle n’aurait qu’à utiliser l’objet magique et donner des ordres aux démons pour qu’ils le libèrent…
— Le pouvoir du Sceau ne peut être activé que par celui pour qui il a été créé : Salomon en personne, la prévint Eosphoros.
La louve émit un nouveau grognement avant qu’Ashley n’ait le temps de répondre, puis recula dans l’ombre : une démone étrange arrivait sur la place et se dirigeait droit sur la gardienne des tombeaux. La nouvelle venue avait un faciès composé de trois visages : le droit de cheval, le gauche de chien, le centre de femme.

*

Abraxis fut tiré du sommeil par le grondement d’un animal tout proche. Il rampa jusqu’à atteindre la petite fenêtre de sa cachette. Dans la ruelle juste en dessous du bâtiment où il avait l’habitude de se cacher, elle était là, la louve qui l’avait sauvé d’une nouvelle attaque d’Acham et Ob. Elle se tenait immobile, le regard tourné vers la place.
La plupart des démons en fuyaient les abords; trop de bruits, de mauvaises odeurs et des gardiennes dévouées qui n'hésitaient pas à jouer de leur fouet sur ceux qui se risquaient trop près des tombeaux, mais cela ne dérangeait pas Abraxis. Il aimait la solitude et ici, le petit démon pouvait se reposer sans crainte d’une mauvaise rencontre.
Elle belle, même sauvage.

*

Amber avait perdu de vue la louve depuis plusieurs minutes, mais elle reconnaissait le chemin emprunté plus tôt et devinait où la créature se rendait. Elle accéléra le pas, le démon avait dû promettre quelque chose à elle aussi. Il était hors de question qu’elle la laisse faire !

*

Les serpents qui formaient une chevelure grouillante sur la tête de Tysiph s’agitèrent à l’approche d’Hecate.
— Que fais-tu ici ? demanda sèchement la gardienne. Ce n’est pas ton territoire.
— Parce que tu crois que je jalouse ta petite place ? Je suis là pour une affaire bien plus importante : un de tes prisonniers va s’échapper.
— Qu’ils essaient ! défia-t-elle en claquant son fouet. Personne ne s’est jamais soustrait à sa peine et tant que je serais gardienne ici, cela n’arrivera pas !
— Mes visions te contredisent, la prévint-elle en parcourant la place du regard.
— Eh bien, elles ont tort, tes visions ! Maintenant, laisse-moi faire mon travail ! À moins que tu ne fasses en sorte de réaliser tes propres prophéties ? demanda-t-elle suspicieuse.
La femme aux trois visages secoua la tête :
— Je t'aurais prévenue.
Hecate fit demi-tour. Elle avait fait son devoir ici, une autre tâche l’attendait.

La louve la regarda quitter la place. Les yeux brillants de l’animal se fixèrent à nouveau sur le tombeau où se trouvait Eosphoros. Il avait très bien pu lui mentir… sinon pourquoi les jumeaux s'intéressaient-ils à ce Sceau ? Peut-être qu'ils ignoraient que seul Salomon pouvait l’utiliser. Peu importait. Elle devait trouver cet anneau et suivre son plan. S’il ne fonctionnait pas, elle finiraient par trouver un moyen de sortir Harvey...
La louve entendit le clic au moment où le collier se referma autour de son cou. Elle poussa un gémissement en essayant de se libérer.
— Sur ordre de Minos, vous êtes maintenant ma prisonnière ! déclara Hécate qui avait contourné sa cible par une ruelle adjacente.
La louve tira de toutes ses forces au point de s’étrangler. Elle réussit à faire quelques pas sur la place, mais Hecate ne lâchait pas la tige de fer qui maintenait le collier. Ashley se transforma en humaine et le collier s’ajusta aussitôt à la taille de son cou. Elle se débattait sauvagement et faillit atterrir dans l’un des tombeaux. Les flammes vertes lui chauffèrent le visage et lui brûlèrent l’avant-bras.
— Ne bougez pl…
L’ordre s’interrompit en plein milieu de la phrase et la pression sur la gorge d’Ashley se relâcha. Elle était à bout de souffle. Lorsqu'elle tourna la tête, elle aperçut Hecate couchée par terre la tête en sang.
— Vite ! lui cria un petit démon depuis la ruelle.
Abraxis lui tendait la main.

*

Lorsqu'elle reprit conscience, une vive douleur tambourina à l'arrière du crâne d'Hecate. Une Érinyes était accroupie à ses côtés. Elle l'écarta vivement et se redressa. Son mal de tête s'amplifia aussitôt. Elle chercha la louve du regard, sans succès.
— Combien de temps ? demanda-t-elle à la gardienne qui retournait à sa tâche. Depuis combien de temps ils sont partis ?
Les serpents de sa chevelure s'agitèrent pour lui faire face. La silhouette de la gardienne se détachait sur les volutes verdâtres qui émanaient des tombeaux de la place. L'image lui était familière, elle l'avait déjà vu dans sa vision.
— Deux, trois minutes peut-être, répondit l'autre en tournant à peine la tête.
Le cœur d'Hecate s'emballa dans sa poitrine : sa vision allait se réaliser. À moins qu'elle ne parvienne à stopper le cours des événements… Elle se mit à courir aussi vite que possible vers le centre de la place des Hérétiques.

*

Amber avait retrouvé le chemin vers cette maudite place. Elle fut soulagée de voir qu'il n'y avait aucun animal près de la tombe de cet Eosphoros. Elle repéra la gardienne la plus proche, c'était leur chef à toutes. Heureusement, elle était assez loin et lui tournait le dos. La jeune femme se glissait entre les tombeaux lorsque la voix retentit en elle :
— Es-tu prête à prendre ton destin en main, Amber ?
Elle tremblait, mais sa décision était prise :
— Que dois-je faire ?
— Approche, viens jusqu'à moi.
Amber s'exécuta. Elle voulait quitter cet endroit, retrouver son fils et reconquérir son mari, même s'il lui fallait utiliser le corps d'une autre pour cela.

*

Le petit démon ne lâchait pas la main d’Ashley. Il l’emmenait dans le dédale des rues de Dité. Elle se retourna à plusieurs reprises. Personne ne semblait les poursuivre.
— Attends ! lança-t-elle essoufflée.
Mais le petit démon la tira un peu plus par la main :
— Nous presque arrivés !
Il l’entraîna dans une ruelle mal famée jusqu’à un bâtiment à plusieurs étages. Deux démons étaient endormis à même le sol, sur la volée de marches qui menait à l’entrée. Abraxis les enjamba et se tourna vers Ashley :
— Toi en sécurité ici. Abraxis te protéger.
Ils grimpèrent jusqu’au troisième étage. Au fond du couloir, il poussa une porte en bois qu’il referma dès que la jeune femme entra dans la pièce. Celle-ci était meublée de façon sommaire : une couche dans un état de crasse abominable, un coffre en bois et un banc. Voilà tout ce qui composait le mobilier de l’endroit. Ashley s’approcha de la fenêtre dont la vitre était brisée. Elle donnait sur l’extérieur de Dité. Son regard s’attarda sur le paysage. Malgré la nuit, la louve devinait les contours du paysage alentour. Au delà de la muraille de la cité, la plaine s’étendait en pente douce sur quelques centaines de mètres avant d’être déchirée par un large ravin. Était-ce au fond de celui-ci qu’Harvey subissait son supplice ?
— Toi avoir sauvé moi et moi avoir sauvé toi. Nous unis.
La voix du petit démon la força à revenir dans le moment présent.
— Oui, tu m’as sauvée et je t’en remercie, dit-elle en se retournant. Qu’est-ce que tu veux dire par “nous unis” exactement ? demanda-t-elle étonnée.
Abraxis fouilla dans la bourse attachée à sa ceinture pendant quelques instants. Lorsqu’il en sortit la main, il tendit avec cérémonie un petit objet vers elle. Une chevalière.
— Toi, à moi, murmura-t-il pour toute explication.
Ashley ouvrit la bouche pour protester lorsqu’elle aperçut le motif gravé sur le bijou : deux triangles entrelacés dans un cercle ainsi que de nombreux symboles qu’elle connaissait bien.
— Où as-tu trouvé cette chevalière, Abraxis ?

*

Tysiph avait perçu l'altercation à l'autre bout de la place, mais Alecto était la gardienne la plus proche. Elle la laissa donc gérer, tout en observant la suite des événements de loin. Hecate était au sol. Qu'avait-il bien pu lui arriver ? Ça ne devait pas être bien grave puisqu'elle se relevait déjà. Deux de ses serpents se mirent à frémir à l'arrière de son crâne. Quelqu'un était bien trop proche d'un tombeau ! Elle claqua son fouet et se rapprocha de la coupable d'un pas vif. N'était-ce pas une des femmes qu'elle avait déjà chassé plus tôt dans la journée ?
— Vous n'avez rien à faire ici ! lança-t-elle. Reculez !
Amber sentit ses jambes mollir sous elle tandis que la créature effrayante se rapprochait.
— Aies confiance. Tu ne risques rien. Tiens-toi prête…
Tysiph donna un nouveau coup de fouet et leva sa lanterne. Le cuir arracha un lambeau de peau et un cri de rage à Eosphoros.
— Le prochain est pour vous si vous ne quittez pas cette place immédiatement, menaça la gardienne.
Amber fit un pas en arrière.
— Ne bouge pas ! ordonna le démon.
Un cri retentit à l'autre bout de la place. Tysiph se retourna. Que se passait-il encore ?
Hecate courait droit sur elles :
— Ma vision ! criait-elle.
— Maintenant ! hurla le démon.
La terreur poussa Amber à obéir. Elle donna un coup de poing au serpent qui avait les yeux rivés sur elle.
— Le fouet ! Donne-moi son fouet !
Elle bondit sur la main de la gardienne un instant trop tard. Les autres serpents avaient prévenu Tysiph, qui serra le poing sur le manche de son fouet. Amber luttait de toutes ses forces, elle donna un coup de pied dans le genou de la gardienne. Celle-ci poussa un cri de douleur et la repoussa violemment d'un coup de lanterne. Amber recula. Le temps parut soudain ralentir. Dans sa main, elle avait le fouet. Elle avait réussi ! Son pied recula encore d'un pas sous la force du choc. Il faisait chaud, trop chaud. Son corps bascula dans le tombeau tandis que les flammes lui léchaient déjà la peau. Une douleur atroce se répandit dans tout son corps. Elle hurla à se vider les poumons. À côté d'elle, le démon s'empara du fouet et bondit hors du tombeau qui le retenait prisonnier depuis des siècles. Il poussa un cri victorieux qui résonna dans toute la ville. Enfin, il était libre !

*

Le cri qui retentit donna la chair de poule à Ashley. Abraxis se couvrit les oreilles de ses mains, de la terreur dans le regard.
— Il est libre, murmura-t-il.
— Qui ça ? Qui est libre ? demanda la jeune femme inquiète.
— Hêylêl.
— Il faut que je retrouve les autres. Ramènes-moi sur cette place !
Le petit démon secoua la tête, mâchoires serrées et se recroquevilla sur la couche. Ashley l’abandonna à sa terreur et se précipita dehors. Elle avait un mauvais pressentiment.

*

C’était insoutenable, il fallait que cette douleur s’arrête ! Amber regarda autour d’elle, rien que des parois de pierre lisse. Elle s’arracha deux ongles lorsqu’elle tenta de grimper pour échapper aux flammes et chuta lourdement au fond du trou. Elle leva la tête à la recherche du démon. Il ne pouvait pas la laisser ici ! Elle l’avait aidé à s’échapper !

*

Le fouet claqua et s’enroula autour du cou de Tysiph. Elle essaya de se dégager de sa main libre. Dans l’autre, elle tenait toujours sa lanterne. Dans les tombeaux, les flammes dansaient au rythme des balancements que subissait la lanterne. Les suppliciés hurlaient leur douleur plus que d’accoutumée, et pourtant, on pouvait distinguer une clameur qui montait : les vivats des condamnés qui se réjouissaient que l’un d’eux ait réussi à s’échapper.
Eosphoros se transforma à mesure qu’il retrouvait une partie de ses pouvoirs. Les traits de son visage paraissait un peu moins humains. Des cornes poussèrent sur son front et de longues griffes prirent la place de ses ongles. D’un mouvement du bras, il tira la chef des gardiennes en arrière. Elle suffoquait. Le cuir s’enfonçait dans ses chairs. Elle abattit violemment sa lanterne contre le flanc du démon qui s’était placé derrière elle. Celle-ci se brisa, laissant échapper les flammes vertes qu’elle contenait.
— Ça fait des siècles que je vis dans ce brasier, glissa-t-il à l’oreille de Tysiph, tu crois qu’un brûlure de plus m’arrêtera ?
Il poussa un grondement bestial et enfonça ses griffes dans le flanc de sa prisonnière. Elle hurla de douleur et d’horreur lorsque les flammes des tombeaux autour d’eux s’éteignirent. Désespérée, elle chercha les autres Érynies du regard. Celui-ci se posa sur Hecate qui n’était plus très loin. Tysiph eut juste le temps de se dire qu’elle aurait dû l’écouter. Eosphoros ressera à nouveau le fouet et décapita la gardienne sous les hourras des suppliciés. Certains sortaient déjà de leurs tombeaux et engagèrent le combat avec les autres gardiennes.
— Aidez-moi ! supplia Amber d’une petite voix. S’il vous plaît !

*

Zane se réveilla en sursaut. Il se leva, la tête encore embrumée par le sommeil et sortit de sa cellule en baillant. Il entrouvrit discrètement la porte de la cellule des femmes, voisine de la sienne, et y jeta un œil. Seule Ena était endormie, Amber et Ashley manquaient à l'appel. Le privé ne put s'empêcher de s'inquiéter. Ashley avait la fâcheuse manie de se plonger dans des situations des plus compliquées. Dans quel problème allait-elle, une fois de plus, se précipiter ? Quelle impossible promesse allait-elle encore faire ? Z souffla. Ce que faisait sa louve n'était pas en son pouvoir, il ne servait à rien de s'inquiéter. En outre, il aperçut de la lumière dans le réduit familier, une odeur de tabac chaud flottait dans l'air. Père Gabriel était sans doute lui aussi réveillé. Il espérait échanger un peu avec le prêtre et tâter le terrain sur la situation.
Lorsqu'il entra, Zane fut accueilli d'un signe de la tête. Le privé entama tout de go :
— Ashley et Amber vous ont dit où elles sont allées ?
Malgré tout le détachement dont il tenta de faire preuve, l'inquiétude se lisait sur son visage.
— Trouver des solutions à leurs problèmes, je suppose, se contenta de répondre l'homme, tout en le scrutant.
Mais il se radoucit sensiblement et fit signe à Zane de s'asseoir près de lui d'un geste très naturel qui invitait à la confidence.
Le détective se détendit :
— Ça se voit que vous ne connaissez ni l'une ni l'autre !
Père Gabriel sourit.
— Puis-je vous poser une question peut être indiscrète, monsieur Zaborowski ?
— Bien entendu, fit Zane en s'asseyant, mais appelez-moi Z.
Le prêtre opina du chef.
— De quelle manière, commença père Gabriel en insistant bien sur chaque mot, avez-vous acquis autant de grâce ?
— Ildefonso m'a beaucoup aidé, répondit Zane. Vous le connaissez depuis longtemps ?
— Je l'ai rencontré avant qu'il ne devienne aumônier. Il a fait du chemin depuis...
— Il m'a fait un grand présent, je vais vous montrer.
Zane se leva et retira sa chemise, exposant ainsi son torse couvert d'écriture hébraïque. Certaines lettres s'emmêlaient inextricablement en formant une sorte de labyrinthe mystique continu et indéchiffrable. Des mots de pouvoirs patiemment tracés et formés sur le torse de l'homme et sur son dos. Pas un centimètre carré qui ne fut noirci d'encre vert sombre.
En voyant le texte saint, le prêtre resta interdit quelques instants avant de se reprendre.
Il baissa le ton de sa voix :
— Ce bon Quintana me surprendra toujours ! fit-il, mais il ne laissa pas le temps à Z de déchiffrer sa réaction. Vous avez traversé beaucoup d'épreuves pour venir jusqu'ici, n'est-ce pas ?
Zane hocha de la tête et se rhabilla.
— Mais vous l'aimez et vous êtes prêt à tout pour elle ?
De nouveau, il hocha la tête.
— Oui.
Père Gabriel témoigna de la compassion à son interlocuteur, en posant la main sur celle du privé :
— Je suis désolé, Zane, sincèrement désolé.
Z baissa la tête saisit par l'émotion. Il n'avait pas prévu ça, mais les derniers événements se pressaient autour de lui et menaçaient de le faire douter. Les Von Sterling, la meute, le passage en enfer avait été de lourdes tâches à mener à bien et ce n'était pas fini.
Père Gabriel reprit, mais sa voix avait soudainement l'accent de la menace :
— Je suis désolé, mais vous êtes trop dangereux, Z.
Pour la première fois depuis qu'il était en enfer, Zane eut peur...


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 Sujet du message: Re: Saison 2
MessagePosté: Mar Juil 16, 2019 11:34 am 
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Ashley entra dans la petite cellule attenante à celle du père Gabriel. Amber était couchée sur la paillasse, face au mur. À ses côtés, Ena semblait l’attendre.
— Ça va, ma chérie ? C’était un peu… tendu tout à l’heure, murmura-t-elle.
— Oui, ne t’en fais pas. Repose-toi. On en a tous besoin.
Ashley se coucha près d’elle. Allongée sur le dos, elle attendit un sommeil qui ne vint pas. Il fallait qu’elle trouve un moyen de libérer le démon, mais ses mots résonnaient en elle comme un écho sur les parois d’une caverne sans fond. Aide-moi, Ashley, pour sauver ton père !
Depuis qu’Amber avait été sortie de la fange des berges du Styx, Harvey occupait les pensées de la louve. Quel châtiment subissait l’ancien chef de meute pour ses crimes passés ?
Si Zane avait pu tirer son ex-femme de la boue, il devait y avoir un moyen de retrouver Harvey et de l’aider. Il n’était pas un saint, Ash ne se faisait aucune illusion là-dessus, mais devait-il souffrir le reste de l’éternité pour racheter ses crimes ? Sa vie n’avait pas été que violence et meurtres. Harvey avait été un pilier pour sa meute, mais aussi pour Hell’s Kitchen. Le quartier avaient pu profiter de la largesse de ses dons en faveur des défavorisés. Ses habitants savaient qui venir trouver en cas de coup dur : Harvey Winston répondait toujours présent, d’une façon ou d’une autre. Non, il ne devrait pas à avoir à payer jusqu’à la fin des temps. Savoir que son âme souffrait terrible châtiment depuis sa mort révoltait Ash. Il fallait qu’elle fasse quelque chose... alors, une fois ses compagnes endormies, elle se faufila dehors, sans un bruit.

*

Amber ouvrit les yeux dès qu’elle entendit la porte se fermer. La louve n’était plus là. Que mijotait cette petite usurpatrice ? La femme se leva doucement pour ne pas réveiller Ena et s’éclipsa à son tour. Une fois dehors, son regard eut juste le temps de capter un mouvement au coin de la rue. Elle tourna la tête pour voir la queue d’un animal disparaître à l’angle. Un frisson de dégoût parcourut son corps. Comment Zane pouvait-il être attiré par une telle créature ? Elle se lança sur ses traces en espérant ne pas faire de mauvaises rencontres.

*

Une louve au pelage aussi noir qu’une nuit sans étoile se faufilait dans les ruelles de Dité. Elle se glissa parmi les ombres jusqu’à la place des hérétiques. Dissimulée par une enceinte partiellement éboulée, elle s’assit et fixa son regard sur le tombeau d'Eosphoros. De là où elle était, elle ne pouvait pas le voir à l’intérieur. La voix dans son esprit ne se fit pourtant pas attendre :
— Quelle bête magnifique !
— La flatterie ne fonctionnera pas avec moi ! Je connais les ruses des démons.
— Sincérité n’est pas flatterie, se défendit-il.
La louve gronda. Elle voulait partir d’ici, loin de ces tombes enflammées, loin des cris des suppliciés, loin de l’odeur de chair brûlée qui l’écœurait, mais Ashley la retenait de toutes ses forces. Il fallait qu’elle sache pour Harvey...
— Il n’y a pas de honte à vouloir protéger les siens, susurra la voix du démon. Combien de temps devra-t-il encore payer pour ses crimes ? Aide-moi à sortir d’ici et je t’aiderai à libérer ton père. Car c’est pour lui que tu es revenue ici, n’est-ce pas ?
— Je… Je ne peux pas partir d’ici s’il souffre.
— Oh, il souffre, sois-en certaine. Il est tout près d’ici. Tu sais ce qu’ils font aux hommes comme lui ?
Ashley ne voulait pas savoir, mais la voix du démon était dans son esprit et elle ne pouvait la faire taire :
— Si tu poursuis ton chemin au-delà de la ville, tu trouveras un ravin escarpé, ravin au fond duquel coule le Phlégéthon. Tu en as déjà entendu parler ? C’est un fleuve de sang en ébullition. Oui, tu m’as bien compris, et c’est là que se trouve ton père, à bouillir pour l’éternité...
L’horreur envahit la jeune femme. Elle savait que son père avait dû être jugé sévèrement, mais ce châtiment était monstrueux.
— Aide-moi à sortir d’ici, Ashley, et ton père pourra trouver la paix.
Ashley n’oubliait pas à qui elle avait affaires.
— Tu me dis juste ce que j'ai envie d'entendre ! Une fois libre, rien ne t’obligera à tenir parole !
— Je comprends ton inquiétude et la confiance doit se gagner. Qu’il en soit ainsi. Je t’aiderai à obtenir ce que tu cherches, le Sceau de Salomon, ainsi tu verras ce que vaut ma parole.
Si Ashley trouvait le Sceau par elle-même, elle n’aurait pas besoin de ce démon pour sauver son père. Elle n’aurait qu’à utiliser l’objet magique et donner des ordres aux démons pour qu’ils le libèrent…
— Le pouvoir du Sceau ne peut être activé que par celui pour qui il a été créé : Salomon en personne, la prévint Eosphoros.
La louve émit un nouveau grognement avant qu’Ashley n’ait le temps de répondre, puis recula dans l’ombre : une démone étrange arrivait sur la place et se dirigeait droit sur la gardienne des tombeaux. La nouvelle venue avait un faciès composé de trois visages : le droit de cheval, le gauche de chien, le centre de femme.

*

Abraxis fut tiré du sommeil par le grondement d’un animal tout proche. Il rampa jusqu’à atteindre la petite fenêtre de sa cachette. Dans la ruelle juste en dessous du bâtiment où il avait l’habitude de se cacher, elle était là, la louve qui l’avait sauvé d’une nouvelle attaque d’Acham et Ob. Elle se tenait immobile, le regard tourné vers la place.
La plupart des démons en fuyaient les abords; trop de bruits, de mauvaises odeurs et des gardiennes dévouées qui n'hésitaient pas à jouer de leur fouet sur ceux qui se risquaient trop près des tombeaux, mais cela ne dérangeait pas Abraxis. Il aimait la solitude et ici, le petit démon pouvait se reposer sans crainte d’une mauvaise rencontre.
Elle belle, même sauvage.

*

Amber avait perdu de vue la louve depuis plusieurs minutes, mais elle reconnaissait le chemin emprunté plus tôt et devinait où la créature se rendait. Elle accéléra le pas, le démon avait dû promettre quelque chose à elle aussi. Il était hors de question qu’elle la laisse faire !

*

Les serpents qui formaient une chevelure grouillante sur la tête de Tysiph s’agitèrent à l’approche d’Hecate.
— Que fais-tu ici ? demanda sèchement la gardienne. Ce n’est pas ton territoire.
— Parce que tu crois que je jalouse ta petite place ? Je suis là pour une affaire bien plus importante : un de tes prisonniers va s’échapper.
— Qu’ils essaient ! défia-t-elle en claquant son fouet. Personne ne s’est jamais soustrait à sa peine et tant que je serais gardienne ici, cela n’arrivera pas !
— Mes visions te contredisent, la prévint-elle en parcourant la place du regard.
— Eh bien, elles ont tort, tes visions ! Maintenant, laisse-moi faire mon travail ! À moins que tu ne fasses en sorte de réaliser tes propres prophéties ? demanda-t-elle suspicieuse.
La femme aux trois visages secoua la tête :
— Je t'aurais prévenue.
Hecate fit demi-tour. Elle avait fait son devoir ici, une autre tâche l’attendait.

La louve la regarda quitter la place. Les yeux brillants de l’animal se fixèrent à nouveau sur le tombeau où se trouvait Eosphoros. Il avait très bien pu lui mentir… sinon pourquoi les jumeaux s'intéressaient-ils à ce Sceau ? Peut-être qu'ils ignoraient que seul Salomon pouvait l’utiliser. Peu importait. Elle devait trouver cet anneau et suivre son plan. S’il ne fonctionnait pas, elle finiraient par trouver un moyen de sortir Harvey...
La louve entendit le clic au moment où le collier se referma autour de son cou. Elle poussa un gémissement en essayant de se libérer.
— Sur ordre de Minos, vous êtes maintenant ma prisonnière ! déclara Hécate qui avait contourné sa cible par une ruelle adjacente.
La louve tira de toutes ses forces au point de s’étrangler. Elle réussit à faire quelques pas sur la place, mais Hecate ne lâchait pas la tige de fer qui maintenait le collier. Ashley se transforma en humaine et le collier s’ajusta aussitôt à la taille de son cou. Elle se débattait sauvagement et faillit atterrir dans l’un des tombeaux. Les flammes vertes lui chauffèrent le visage et lui brûlèrent l’avant-bras.
— Ne bougez pl…
L’ordre s’interrompit en plein milieu de la phrase et la pression sur la gorge d’Ashley se relâcha. Elle était à bout de souffle. Lorsqu'elle tourna la tête, elle aperçut Hecate couchée par terre la tête en sang.
— Vite ! lui cria un petit démon depuis la ruelle.
Abraxis lui tendait la main.

*

Lorsqu'elle reprit conscience, une vive douleur tambourina à l'arrière du crâne d'Hecate. Une Érinyes était accroupie à ses côtés. Elle l'écarta vivement et se redressa. Son mal de tête s'amplifia aussitôt. Elle chercha la louve du regard, sans succès.
— Combien de temps ? demanda-t-elle à la gardienne qui retournait à sa tâche. Depuis combien de temps ils sont partis ?
Les serpents de sa chevelure s'agitèrent pour lui faire face. La silhouette de la gardienne se détachait sur les volutes verdâtres qui émanaient des tombeaux de la place. L'image lui était familière, elle l'avait déjà vu dans sa vision.
— Deux, trois minutes peut-être, répondit l'autre en tournant à peine la tête.
Le cœur d'Hecate s'emballa dans sa poitrine : sa vision allait se réaliser. À moins qu'elle ne parvienne à stopper le cours des événements… Elle se mit à courir aussi vite que possible vers le centre de la place des Hérétiques.

*

Amber avait retrouvé le chemin vers cette maudite place. Elle fut soulagée de voir qu'il n'y avait aucun animal près de la tombe de cet Eosphoros. Elle repéra la gardienne la plus proche, c'était leur chef à toutes. Heureusement, elle était assez loin et lui tournait le dos. La jeune femme se glissait entre les tombeaux lorsque la voix retentit en elle :
— Es-tu prête à prendre ton destin en main, Amber ?
Elle tremblait, mais sa décision était prise :
— Que dois-je faire ?
— Approche, viens jusqu'à moi.
Amber s'exécuta. Elle voulait quitter cet endroit, retrouver son fils et reconquérir son mari, même s'il lui fallait utiliser le corps d'une autre pour cela.

*

Le petit démon ne lâchait pas la main d’Ashley. Il l’emmenait dans le dédale des rues de Dité. Elle se retourna à plusieurs reprises. Personne ne semblait les poursuivre.
— Attends ! lança-t-elle essoufflée.
Mais le petit démon la tira un peu plus par la main :
— Nous presque arrivés !
Il l’entraîna dans une ruelle mal famée jusqu’à un bâtiment à plusieurs étages. Deux démons étaient endormis à même le sol, sur la volée de marches qui menait à l’entrée. Abraxis les enjamba et se tourna vers Ashley :
— Toi en sécurité ici. Abraxis te protéger.
Ils grimpèrent jusqu’au troisième étage. Au fond du couloir, il poussa une porte en bois qu’il referma dès que la jeune femme entra dans la pièce. Celle-ci était meublée de façon sommaire : une couche dans un état de crasse abominable, un coffre en bois et un banc. Voilà tout ce qui composait le mobilier de l’endroit. Ashley s’approcha de la fenêtre dont la vitre était brisée. Elle donnait sur l’extérieur de Dité. Son regard s’attarda sur le paysage. Malgré la nuit, la louve devinait les contours du paysage alentour. Au delà de la muraille de la cité, la plaine s’étendait en pente douce sur quelques centaines de mètres avant d’être déchirée par un large ravin. Était-ce au fond de celui-ci qu’Harvey subissait son supplice ?
— Toi avoir sauvé moi et moi avoir sauvé toi. Nous unis.
La voix du petit démon la força à revenir dans le moment présent.
— Oui, tu m’as sauvée et je t’en remercie, dit-elle en se retournant. Qu’est-ce que tu veux dire par “nous unis” exactement ? demanda-t-elle étonnée.
Abraxis fouilla dans la bourse attachée à sa ceinture pendant quelques instants. Lorsqu’il en sortit la main, il tendit avec cérémonie un petit objet vers elle. Une chevalière.
— Toi, à moi, murmura-t-il pour toute explication.
Ashley ouvrit la bouche pour protester lorsqu’elle aperçut le motif gravé sur le bijou : deux triangles entrelacés dans un cercle ainsi que de nombreux symboles qu’elle connaissait bien.
— Où as-tu trouvé cette chevalière, Abraxis ?

*

Tysiph avait perçu l'altercation à l'autre bout de la place, mais Alecto était la gardienne la plus proche. Elle la laissa donc gérer, tout en observant la suite des événements de loin. Hecate était au sol. Qu'avait-il bien pu lui arriver ? Ça ne devait pas être bien grave puisqu'elle se relevait déjà. Deux de ses serpents se mirent à frémir à l'arrière de son crâne. Quelqu'un était bien trop proche d'un tombeau ! Elle claqua son fouet et se rapprocha de la coupable d'un pas vif. N'était-ce pas une des femmes qu'elle avait déjà chassé plus tôt dans la journée ?
— Vous n'avez rien à faire ici ! lança-t-elle. Reculez !
Amber sentit ses jambes mollir sous elle tandis que la créature effrayante se rapprochait.
— Aies confiance. Tu ne risques rien. Tiens-toi prête…
Tysiph donna un nouveau coup de fouet et leva sa lanterne. Le cuir arracha un lambeau de peau et un cri de rage à Eosphoros.
— Le prochain est pour vous si vous ne quittez pas cette place immédiatement, menaça la gardienne.
Amber fit un pas en arrière.
— Ne bouge pas ! ordonna le démon.
Un cri retentit à l'autre bout de la place. Tysiph se retourna. Que se passait-il encore ?
Hecate courait droit sur elles :
— Ma vision ! criait-elle.
— Maintenant ! hurla le démon.
La terreur poussa Amber à obéir. Elle donna un coup de poing au serpent qui avait les yeux rivés sur elle.
— Le fouet ! Donne-moi son fouet !
Elle bondit sur la main de la gardienne un instant trop tard. Les autres serpents avaient prévenu Tysiph, qui serra le poing sur le manche de son fouet. Amber luttait de toutes ses forces, elle donna un coup de pied dans le genou de la gardienne. Celle-ci poussa un cri de douleur et la repoussa violemment d'un coup de lanterne. Amber recula. Le temps parut soudain ralentir. Dans sa main, elle avait le fouet. Elle avait réussi ! Son pied recula encore d'un pas sous la force du choc. Il faisait chaud, trop chaud. Son corps bascula dans le tombeau tandis que les flammes lui léchaient déjà la peau. Une douleur atroce se répandit dans tout son corps. Elle hurla à se vider les poumons. À côté d'elle, le démon s'empara du fouet et bondit hors du tombeau qui le retenait prisonnier depuis des siècles. Il poussa un cri victorieux qui résonna dans toute la ville. Enfin, il était libre !

*

Le cri qui retentit donna la chair de poule à Ashley. Abraxis se couvrit les oreilles de ses mains, de la terreur dans le regard.
— Il est libre, murmura-t-il.
— Qui ça ? Qui est libre ? demanda la jeune femme inquiète.
— Hêylêl.
— Il faut que je retrouve les autres. Ramènes-moi sur cette place !
Le petit démon secoua la tête, mâchoires serrées et se recroquevilla sur la couche. Ashley l’abandonna à sa terreur et se précipita dehors. Elle avait un mauvais pressentiment.

*

C’était insoutenable, il fallait que cette douleur s’arrête ! Amber regarda autour d’elle, rien que des parois de pierre lisse. Elle s’arracha deux ongles lorsqu’elle tenta de grimper pour échapper aux flammes et chuta lourdement au fond du trou. Elle leva la tête à la recherche du démon. Il ne pouvait pas la laisser ici ! Elle l’avait aidé à s’échapper !

*

Le fouet claqua et s’enroula autour du cou de Tysiph. Elle essaya de se dégager de sa main libre. Dans l’autre, elle tenait toujours sa lanterne. Dans les tombeaux, les flammes dansaient au rythme des balancements que subissait la lanterne. Les suppliciés hurlaient leur douleur plus que d’accoutumée, et pourtant, on pouvait distinguer une clameur qui montait : les vivats des condamnés qui se réjouissaient que l’un d’eux ait réussi à s’échapper.
Eosphoros se transforma à mesure qu’il retrouvait une partie de ses pouvoirs. Les traits de son visage paraissait un peu moins humains. Des cornes poussèrent sur son front et de longues griffes prirent la place de ses ongles. D’un mouvement du bras, il tira la chef des gardiennes en arrière. Elle suffoquait. Le cuir s’enfonçait dans ses chairs. Elle abattit violemment sa lanterne contre le flanc du démon qui s’était placé derrière elle. Celle-ci se brisa, laissant échapper les flammes vertes qu’elle contenait.
— Ça fait des siècles que je vis dans ce brasier, glissa-t-il à l’oreille de Tysiph, tu crois qu’un brûlure de plus m’arrêtera ?
Il poussa un grondement bestial et enfonça ses griffes dans le flanc de sa prisonnière. Elle hurla de douleur et d’horreur lorsque les flammes des tombeaux autour d’eux s’éteignirent. Désespérée, elle chercha les autres Érynies du regard. Celui-ci se posa sur Hecate qui n’était plus très loin. Tysiph eut juste le temps de se dire qu’elle aurait dû l’écouter. Eosphoros ressera à nouveau le fouet et décapita la gardienne sous les hourras des suppliciés. Certains sortaient déjà de leurs tombeaux et engagèrent le combat avec les autres gardiennes.
— Aidez-moi ! supplia Amber d’une petite voix. S’il vous plaît !

*

Zane se réveilla en sursaut. Il se leva, la tête encore embrumée par le sommeil et sortit de sa cellule en baillant. Il entrouvrit discrètement la porte de la cellule des femmes, voisine de la sienne, et y jeta un œil. Seule Ena était endormie, Amber et Ashley manquaient à l'appel. Le privé ne put s'empêcher de s'inquiéter. Ashley avait la fâcheuse manie de se plonger dans des situations des plus compliquées. Dans quel problème allait-elle, une fois de plus, se précipiter ? Quelle impossible promesse allait-elle encore faire ? Z souffla. Ce que faisait sa louve n'était pas en son pouvoir, il ne servait à rien de s'inquiéter. En outre, il aperçut de la lumière dans le réduit familier, une odeur de tabac chaud flottait dans l'air. Père Gabriel était sans doute lui aussi réveillé. Il espérait échanger un peu avec le prêtre et tâter le terrain sur la situation.
Lorsqu'il entra, Zane fut accueilli d'un signe de la tête. Le privé entama tout de go :
— Ashley et Amber vous ont dit où elles sont allées ?
Malgré tout le détachement dont il tenta de faire preuve, l'inquiétude se lisait sur son visage.
— Trouver des solutions à leurs problèmes, je suppose, se contenta de répondre l'homme, tout en le scrutant.
Mais il se radoucit sensiblement et fit signe à Zane de s'asseoir près de lui d'un geste très naturel qui invitait à la confidence.
Le détective se détendit :
— Ça se voit que vous ne connaissez ni l'une ni l'autre !
Père Gabriel sourit.
— Puis-je vous poser une question peut être indiscrète, monsieur Zaborowski ?
— Bien entendu, fit Zane en s'asseyant, mais appelez-moi Z.
Le prêtre opina du chef.
— De quelle manière, commença père Gabriel en insistant bien sur chaque mot, avez-vous acquis autant de grâce ?
— Ildefonso m'a beaucoup aidé, répondit Zane. Vous le connaissez depuis longtemps ?
— Je l'ai rencontré avant qu'il ne devienne aumônier. Il a fait du chemin depuis...
— Il m'a fait un grand présent, je vais vous montrer.
Zane se leva et retira sa chemise, exposant ainsi son torse couvert d'écriture hébraïque. Certaines lettres s'emmêlaient inextricablement en formant une sorte de labyrinthe mystique continu et indéchiffrable. Des mots de pouvoirs patiemment tracés et formés sur le torse de l'homme et sur son dos. Pas un centimètre carré qui ne fut noirci d'encre vert sombre.
En voyant le texte saint, le prêtre resta interdit quelques instants avant de se reprendre.
Il baissa le ton de sa voix :
— Ce bon Quintana me surprendra toujours ! fit-il, mais il ne laissa pas le temps à Z de déchiffrer sa réaction. Vous avez traversé beaucoup d'épreuves pour venir jusqu'ici, n'est-ce pas ?
Zane hocha de la tête et se rhabilla.
— Mais vous l'aimez et vous êtes prêt à tout pour elle ?
De nouveau, il hocha la tête.
— Oui.
Père Gabriel témoigna de la compassion à son interlocuteur, en posant la main sur celle du privé :
— Je suis désolé, Zane, sincèrement désolé.
Z baissa la tête saisit par l'émotion. Il n'avait pas prévu ça, mais les derniers événements se pressaient autour de lui et menaçaient de le faire douter. Les Von Sterling, la meute, le passage en enfer avait été de lourdes tâches à mener à bien et ce n'était pas fini.
Père Gabriel reprit, mais sa voix avait soudainement l'accent de la menace :
— Je suis désolé, mais vous êtes trop dangereux, Z.
Pour la première fois depuis qu'il était en enfer, Zane eut peur...


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 Sujet du message: Re: Saison 2
MessagePosté: Sam Aoû 24, 2019 8:38 pm 
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Ena se réveilla brutalement lorsqu'elle entendit un hurlement bestial. Un instant paniquée, elle ne sut pas où elle se trouvait, mais assez vite elle se souvint… le monastère. Elle reposa la tête sur l'oreiller, les yeux grands ouverts.
Bon sang, mais c'était quoi ce truc ?
Elle jeta un œil sur les couches de ses colocataires… personne. Une peur soudaine l'envahit. Elle se leva précipitamment et sortit en vitesse. Z n'était pas dans la sienne et le père Gabriel non plus ! Était-elle seule dans le monastère abandonné ? Tout le monde était parti sans la prévenir ! La peur se mua en angoisse irraisonnée.
Et si Ashley et Z, et même cette mégère d'Amber, avaient quitté les enfers sans moi ? Mais c'est…. C'est… horrible !
Malgré toutes les promesses et les beaux discours, ils m'ont abandonné à mon sort !

Elle en éprouva une vive colère.

La porte du monastère était ouverte, pas de bruit à l'intérieur mais à l'extérieur Dité semblait s'agiter. Une clameur montait dans la cité, un grondement qui ne présageait rien de bon. Ena s'apprêtait à sortir, malgré la menace grandissante, lorsqu'elle perçut un bruit à l'intérieur du monastère, léger comme un bruissement. Retournant sur ses pas, elle l'entendit de nouveau. La curiosité l'emporta sur la peur et la colère.

La fae explora la bâtisse à la recherche de la source de ces sons étranges. Elle s'aventura dans une partie du monastère qu'elle ne connaissait pas. Un couloir, des alcôves, des portes. Prudemment et silencieusement, elle avança. Elle tendit l'oreille et retint son souffle. Il lui semblait entendre des chuchotements, proches mais distants à la fois. C'était assez inintelligible, mais il y en avait plusieurs.
Soudain, un coup violent retentit derrière elle. Ena sursauta et poussa un cri de frayeur en se retournant.
Le couloir était vide, son cœur cognait contre sa poitrine. Désemparée, elle voulait fuir au plus vite de cet endroit lugubre, mais de nouveau le coup retentit. Cela venait de derrière une porte.
Lentement, le souffle court, elle s'avança, prit son courage à deux mains pour tourner la poignée et pousser la porte…
Elle découvrit Z, au milieu d'une petite pièce rectangulaire contre une statue de pierre. Un bâillon lui couvrait la bouche et des liens faits de lumière lui entravait la main droite et faisait le tour de la statue de sorte qu’il ne puisse s’échapper.
Ena se précipita sur Z :
— Tu ne m'as pas abandonnée ! dit-elle réellement soulagée en se serrant contre le privé. Merci Z, merci ! J'étais folle d'inquiétude.
Zane tenta de parler, mais à cause du bâillon, il ne sortait de sa bouche que des borborygmes incompréhensibles. Ena ne comprit pas tout de suite :
— Ah oui, le bâillon.
Elle tenta de le défaire, mais le nœud était bien trop serré.
— Attends là mon chou.
Elle courut jusqu'à la pièce principale à la recherche d'un outil coupant.
Rien… Absolument rien ! Ni couteau, ni ciseaux.
Réfléchis ma belle ! Réfléchis.
Là ! Le cierge !

Elle le ramena en quatrième vitesse à Z en couvrant la flamme de sa main. Surprit le privé acquiesça finalement. Ils allaient s'attaquer au bâillon à la flamme…
Le procédé fut douloureux et Z en fut quitte pour quelques brûlures sur la joue, mais le bâillon céda.
— Que s’est-il passé ? s'empressa de demander la fae.
— C'est le père Gabriel, répondit Z, il faut l'arrêter !
— Le père Gabriel ? Mais pourquoi a-t-il fait ça ? continua Ena.
— Pour se venger, maintenant aides-moi à briser ces liens.
Rien n’y fit, ni tirer dessus, ni les brûler, ni les casser, les liens étaient solides !
— Je n’ai jamais vu de liens de lumière, tu ne pourrais pas essayer avec ton machin, fit-elle en mimant les volutes de grâce qui sortait de sa bouche.
— Non, le don que j’ai reçu ne sert pas dans ce cas, fit Z, il faut que tu trouves quelque chose de coupant et de lourd.
— Mais où ? demanda la fae. Dehors, c’est franchement pas cool ! dit-elle en faisait une moue désapprobatrice.
— Je sais, répondit Zane, mais il faut me libérer ! demande à Ashley et à Amber de t’aider.
Ena baissa les yeux :
— Je ne sais pas où elles sont…
— Comment ça? fit le privé surpris.
— Je me suis réveillée et j’étais toute seule dans le monastère, enfin, à part toi…
Le visage de Zane s’assombrit :
— Il faut m’aider Ena, je t’en prie…
De sa main libre il frôla doucement le bras de la fae.
— Je t’en prie, il faut que j’arrête le père Gabriel.
La jeune fae planta son regard bleu dans celui de Z.
— Tu m’aideras à sortir d’ici si je te libère ?
— Ena… supplia le privé.
— Jure le moi Z !
— Écoute, si je n’empêche pas cette folie, s’en est fini de notre retour et tout sera foutu ! Et on sera tous coincés ici pour l’éternité, tu comprends ?
— Jure le Z !
Les yeux étaient toujours braqués sur Z, intransigeants.
Le privé capitula :
— Je ne suis qu’un spectateur en ces lieux, mais je ferai tout ce que je peux pour te faire sortir, je te le promets.
Ena sourit et posa un baiser fugace sur les lèvres du privé avant de s’éclipser à vive allure.
— Ne bouge pas d’ici, je reviens ! lança-t-elle déjà dans le couloir.
Elle est rapide, pensa Z.
Elle revint en effet, et traînait avec elle une épée.
— Où as-tu trouvé ça ? fit Zane impressionné.
— Je te raconterai plus tard. J’assure un max, tu sais, et si tu voulais changer de partenaire une fois sorti d’ici, fais-moi signe, ok ?
Z soupira et eut un pauvre sourire.
— Oh ben, ne fais pas cette tête, je ne suis pas si laide que ça quand même !
— On y va ? répondit simplement l’homme.
Ena lut dans ses yeux une détermination sans faille. Il était serein, bien plus qu’elle ne l’était.
— On y va, fit-elle plus sérieuse, je vais les briser ces liens !
Elle leva l’épée bien haut, prête à l’abattre de toutes ses forces, mais elle fut arrêtée par Zane, de sa main libre, l’homme guida la lame de la fae lentement vers le lien. La main de Z emmena la lame jusqu’à son poignet.
— Tu frappes ici, d’accord ?
— Quoi ? Sur… sur ta main ?
Ena ne revenait pas de ce que Z lui demandait.
— Ces liens sont faits de lumière pure, ils sont indestructibles ! Mon esprit ne l’est pas, Vas-y !
Z lui posa la main sur son épaule pour la rassurer :
— Tu peux le faire, Ena, dit-il d’une voix douce, je sais que tu peux le faire.
— Et... tu te soigneras après ? demanda la fae, plein d’espoir dans sa voix.
Le privé hocha de la tête et l’encouragea à porter le coup qui lui trancherait la main. Mais Z ne disposait plus du moindre pouvoir. En effet, le père Gabriel lui avait pris toute sa grâce, jusqu’à la dernière parcelle...

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 Sujet du message: Re: Saison 2
MessagePosté: Lun Sep 23, 2019 12:18 am 
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Inscription: Ven Mar 24, 2006 4:53 pm
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Eosphoros lâcha le corps de Tisyph qui bascula dans la fosse et hurla de nouveau sa rage à la face du monde. Sur la place des damnés, le chaos régnait et cela lui plut. Soudain, il sentit qu’on tirait sur son fouet, la lanière s’était plongée dans la fosse comme il avait lâché la gardienne. Il jeta un œil à l’opportun qui osait le déranger alors qu’il savourait sa liberté retrouvée… C’était Amber. Elle s’était saisie de la corde providentielle et commença son ascension sous le regard amusé du démon, mais il ne lâcha pas le fouet, pas plus qu’il ne l’aida à monter. Il se contenta de la regarder se débattre, glisser, se reprendre, lutter pour arriver jusqu’en haut. Finalement, à bout de force, elle réussit à se hisser hors du tombeau. Comme elle reprenait son souffle aux pieds du démon, il la releva en la saisissant par le coup tout en la soulevant de terre.
— Tu es une femme tenace et tu sais ce que tu veux, j’admire ça.
Leurs visages se touchaient presque, Eosphoros se lécha les babines, sa langue effilée glissa sur ses dents. Amber prit peur mais réussit à crier au démon de la lâcher et d’honorer sa promesse, lorsqu’une voix retentit, haute et claire :
— Lâches-la !
Eosphoros connaissait cette voix, une voix familière, mais qu’il n’avait pas entendu depuis des lustres. Il tourna la tête et vit un vieil homme se tenant à quelques mètres de lui. Il découvrit les dents dans un rictus qui pouvait ressembler à un sourire.
— Gabriel, pour une surprise…
Le démon lâcha Amber qui retomba à ses pieds et en profita pour s’éloigner rapidement à quatre pattes. Elle entendit la voix d’Eosphoros résonner dans sa tête.
— Mon bien cher frère, reprit le démon, tu n’es pas venu me visiter pendant ma… détention, pas une seule fois ! Et cela m’a profondément attristé, mentit le démon.
— J’étais très occupé ces derniers temps, répondit le père Gabriel.
— Je vois. Est-ce à toi que je dois tout ceci ? fit le démon en faisant un geste large du bras.
— Je suis ici pour te châtier de tous tes crimes, Lucifer. Il est temps de payer ! lâcha le prêtre.
Ses yeux se mirent à luire d’un bleu profond de plus en plus intense. L’instant d’après, à la place du vieil homme, se tenait un ange. Ses ailes majestueuses pleinement déployées, le visage éternellement jeune et une aura bleue entourait ce personnage plein de grâce.
— Tu m’en veux toujours pour cette histoire, se désola Lucifer, dans cette ville dont j’ai oublié le nom, n’est-ce pas ?
— Magdebourg, lâcha simplement l’archange Gabriel.
Son beau visage était fermé lorsqu’il prononça le nom de la ville martyre. Il tendit le bras, des volutes de fumée bleue se formèrent dans sa main droite et prirent la forme d’une épée faite d’un cristal bleuté, tranchante comme un rasoir.
— Ah oui, se rappela le démon, Magdebourg…

*

Ashley retrouva aisément le chemin de la place des damnés. C’était facile, la plupart des gens tentaient de s’en éloigner… Lorsqu'elle arriva, le chaos avait remplacé l'ordre et la discipline qui régnaient ici depuis toujours. Les condamnés s'échappaient de leurs tombeaux, certains affrontaient les gardiennes qui ne savaient plus comment faire face alors que leur chef était morte. Ashley avisa la démone aux trois visages en mauvaise posture. Un groupe formait un arc de cercle devant elle, derrière, elle était bloquée par un bâtiment en proie aux flammes. Sans hésiter, la louve se transforma et bondit sur le démon le plus proche. Ils roulèrent aux pieds d'Hécate qui leva son épée, prête à frapper. La louve fut plus rapide et arracha la tête du démon de sa puissante mâchoire. Elle se positionna ensuite aux côtés d'Hécate, surprise de trouver une alliée. Elle serra son épée entre ses mains et se lança en avant. Ses trois bouches s'ouvrirent et lancèrent un cri étrange qui, Ashley en était persuadée, faisait frémir la plupart de leurs adversaires. Le duo se débarrassa rapidement des évadés. La démone se tourna vers la louve :
— Merci. Et maintenant, on fait quoi ?
À l'autre bout de la place, un démon et un ange se faisaient face à face.
— Qu'est-ce qu'il se passera s'ils se lancent dans un combat céleste ? demanda Ashley qui avait retrouvé sa forme humaine.
— Ils pourraient tout détruire, annonça Hécate d'une voix grave.
— Il faut les arrêter alors…

*


Ena aida Z a sortir du monastère, il s’appuyait sur la fae pour avancer, son moignon contre lui, la mâchoire crispée par la douleur. Elle était troublée et se sentait coupable de l’avoir blessé. Par ailleurs, il lui avait menti, il n’était plus en mesure de se soigner comme il le lui avait promis. Sur quel autre sujet encore avait-il menti ?
Dehors, le ciel était menaçant, des éclairs silencieux le parcourait de part en part. Dans la ville, un grondement sourd s’élevait depuis la place des damnés.
Les habitants de Dité couraient dans tous les sens, affolés, des feux s’étaient déclarés dans toute la ville, la situation était chaotique.
— J'espère que tu sais ce que tu fais ! lança la fae. La place des damnés ne me dit rien qui vaille, il y a du grabuge par là-bas !
Ena fixait les yeux droit devant elle, de là où montait le tumulte.
— Si tu veux sortir un jour de cet endroit maudit, lui répondit Z, c'est là bas qu'il faut aller.
Il se redressa et avança sans l'aide la fae, le bras droit toujours pressé contre sa poitrine.
— J'ai besoin de toi, rajouta le privé.
Ena suivit l'homme à contre cœur. Après quelques mètres, elle le rattrapa :
— Et que comptes tu faire maintenant que tu n'as plus de grâce ? demanda-t-elle inquiète.
— Il me reste encore une carte en main, répondit-il, même si je ne comptais pas l'utiliser...
Le ciel s'était encore assombri, en même temps que les lueurs venant de la place des des hérétiques s'intensifiaient.
— Vraiment ? s'étonna Ena. Qu'est ce que...
La fae n'eut pas le loisir de poser sa question : au détour d'un bâtiment, le couple arriva sur la place et ce qu'ils virent les laissèrent coi. La place était un champ de ruines, les constructions tout autour étaient fissurées, les plus instables s'étaient effondrées. Ce que redoutait Z s'était finalement produit, il arrivait trop tard. Le combat fratricide s'était déjà engagé.
Le spectacle était grandiose, d'un côté l'archange Gabriel auréolé de lumière bleue, d'une beauté à couper le souffle, un visage aux traits fins et parfait, des ailes blanches majestueusement déployées autour de lui. En face, son frère maudit, Lucifer, nimbé de flamme rouge, d'apparence affreuse et bestiale, crocs et cornes apparents, ailes membraneuses lugubres. Dans la main de l’un, une épée resplendissante faite de cristal pur et dans la main de l'autre une masse d'arme faite d'un feu ardent était apparue ! Plus rien n'existait autour d'eux sinon la haine et la vengeance. Ils tournoyaient dans les airs, frappant, esquivant les coups l'un de l'autre. Aucun être, aucune construction ne pouvaient les ralentir, rien ne pouvait plus empêcher le combat de se poursuivre.
Et une seule issue était envisageable, la destruction de l'un ou de l'autre des protagonistes, avec la ville pour champ de bataille.
Z se refusait à cette fatalité, la ville entière allait être détruite et tous ces habitants avec ! Si cela arrivait, c'en serait fini de ses espoirs de sortir de cet endroit maudit, de ramener le sceau de Salomon, et de sauver la meute d'Ashley, de voir son aimée accoucher et de serrer son enfant dans ses bras !
Impossible !
Son être entier se rebella contre cette idée, puis il regarda son moignon...
— Ici, cria Ena en pointant du doigt un tas de gravats.
La fae avait repéré Hécate et Ashley. Les deux femmes étaient à couvert derrière un épais muret et fixaient attentivement le combat qui se déroulait devant elles. Elles semblaient déjà avoir souffert des dégâts occasionnés par les deux frères ennemis, mais à cette distance, ils n'étaient sûrs de rien.
Ena et Zane décidèrent d'aller les rejoindre. À peine eurent-ils fait quelques pas qu'une violente projection de gravats les souffla contre un mur. Les combattants faisaient des dégâts considérables sans s’en rendre compte, obnubilés qu'ils étaient par la haine et la colère. Encore sonnés, le privé et la fae reprirent leur route. Ils se couchèrent précipitamment au sol pour éviter un bloc de pierre de la taille d'une voiture qui fonçait dans leur direction. Le bloc poursuivit sa course et fila droit vers la cachette des femmes. Zane cria de toutes ses forces pour les prévenir. Le bloc rebondit lourdement une fois, deux fois au sol puis percuta violemment le muret où il s'arrêta à grand fracas.
Zane suivit de Ena, coururent aussi vite qu'ils le purent. Ils contournèrent les tombeaux enflammés. Sautèrent par dessus les obstacles et fouillèrent les décombres. La fae dégagea le corps sans vie de la gardienne des routes. Elle lança un regard inquiet vers Zane. Tous deux se remirent à fouiller les décombres.
Zane retrouva Ashley à demi ensevelie, sous une planche de bois. Elle était inconsciente, du sang coulait de ses tempes et une lourde pierre lui entravait les jambes. Le privé poussa sur la pierre de toutes ses forces, elle bascula sur le côté. La douleur réveilla Ashley qui poussa un gémissement.
Il pencha son visage vers celui de sa bien aimée. Ashley vit des yeux doux la fixer, les yeux de Zane, elle lui sourit malgré la douleur puis aperçut une ombre au dessus de la tête de son aimé. Un mouvement brusque, un bruit sourd et Zane bascula sur le côté, inerte. Au dessus de lui se tenait Amber, une pierre à la main. Elle se jeta auprès de son époux :
— Je suis si désolée, mon amour, fit-elle sincèrement contrite de ce qu'elle venait de faire. Je fais ça pour nous.
Elle posa ensuite un regard glacial sur Ashley, le poing serré sur la pierre dans sa main. La jeune femme tenta de se relever, mais ses jambes ne répondaient plus. Apeurée, elle se traîna sur les gravats, tenta de reculer tandis qu’Amber avançait, un air résolu sur le visage.
— Qu’est-ce que tu fous, Amber ? Lâche ça ! Regarde ce que tu lui as fait !
Mais l’autre continuait d’avancer. Elle leva le bras, prête à frapper lorsqu’Ena se jeta sur elle :
— Non !
Un instant surprise, Amber était mue par une détermination sans faille. Elle poussa un cri de rage et frappa la fae en plein visage à plusieurs reprises. Celle-ci s’effondra à genoux, le nez en sang. Une nouvelle volée de débris s’abattit sur le petit groupe. Une poussière épaisse envahissait l’air. Amber se positionna au dessus d’Ashley et leva à nouveau le bras. La chef de meute perdit le contrôle et la louve bondit au cou d’Amber. Ena hurla :
— Non ! Si tu la tues, tu le perds !
Amber bascula en arrière sous le poids de la louve qui avait les mâchoires serrées autour de sa gorge. Le souffle haletant, la bête et la jeune femme luttaient intérieurement. Amber, terrorisée, desserra le poing et lâcha la pierre ensanglantée. La louve se calma et finit par relâcher son étreinte autour de la gorge. Ses crocs avaient laissé leurs empreintes et des filets de sang s’écoulèrent le long de la gorge d’Amber. La louve s’écarta, laissant la jeune femme se relever chancelante. Ena tentait en vain de stopper les saignements de son nez. Zane remua doucement et finit par ouvrir les yeux. En plus de la douleur qui le lançait au niveau de son moignon, il avait maintenant un mal de tête phénoménal. Ashley était sous sa forme de louve, son ex-femme et la fae étaient blessées. Il essaya de se rappeler ce qu’il s’était passé lorsqu’une ombre passa derrière Amber. La femme lâcha un cri d’étonnement et se tint le ventre. Une lame venait de la transpercer.
— Louve mienne ! Toi pas lui faire de mal ! Jamais ! s’écria Abraxis derrière elle.
— Non ! hurla Z.
Il se porta immédiatement auprès d'Amber qui tomba à genoux en se tenant le ventre. Elle allait basculer en arrière lorsqu'il la rattrapa. Le petit démon reconnut l'homme qui avait fait disparaître un démon dans un éclat de lumière et recula de quelques pas, apeuré.
— Vois dans quel état tu t'es mise, se désola Zane en regardant la blessure de son ex-femme.
— Il me l'a promis... nous devions... être réuni à nouveau.
Elle repris difficilement son souffle.
— Toi, Jason et moi, comme avant, insista-t-elle.
— Les promesses du Diable ne sont que tromperie, Amber.
— Tu sais, j'aurais aimé avoir une seconde chance...
Elle parlait difficilement et souffrait atrocement. Zane l'aida à s'adosser contre un muret.
— Ne parle plus, économises-toi, nous allons essayer de régler la situation.
Mais la jeune femme ne lui répondit pas.
Il se releva en titubant, la tête lui faisait mal. Il palpa son crâne avec sa main valide, un liquide poisseux était collé à ses cheveux.
Sur la place des Hérétiques, le combat faisait toujours rage, il devait faire quelque chose. Malheureusement, il comprit qu'il n'avait plus assez de grâce en lui pour mettre fin à cet affrontement titanesque. Si tant est qu’il en eu disposé d'assez au début de ce voyage.
Il se retourna vers sa bien aimée avec un pauvre sourire :
— Désolé Ashley, les événements ont pris une mauvaise tournure.
La louve réalisa l’état dans lequel se trouvait son compagnon. Elle se retransforma en jeune femme et s’approcha de lui :
— À quel moment ça a dérapé ?
Un profond sentiment d’échec l’étraignait. Pourquoi tout ce qu’elle entreprenait finissait toujours en catastrophe ?
Zane tendit sa main valide :
— Viens !
La voix était douce, presque un murmure, une supplique. Ashley eut un moment d’étonnement, mais ne posa pas de question et alla se réfugier contre le torse de Zane.
— Au moins, j’ai retrouvé le sceau, murmura-t-elle.
L’homme caressa les cheveux de la louve de sa main encore valide. Il savourait de la sentir contre lui.
— Tout n’est peut être pas perdu alors ?
— Qu’est-ce qu’on fait pour eux ? demanda-t-elle en tournant la tête vers les combattants.
— Il faut les arrêter pendant qu’il est encore temps.
Zane regarda en direction de l’ange et du démon engagés dans un duel serré. Quelque chose lui disait que cela ne durerait pas comme cela.
— Il me reste encore une carte à jouer, mais je ne sais pas où cela nous mènera.
— Je crois qu’on a pas trop le choix. Dis-nous quoi faire.
Les yeux noirs de la jeune femme fixèrent ceux de son compagnon. Il fallait qu’elle fasse quelque chose, qu’ils quittent cet endroit.
— Je dois me rendre au centre de la place, répondit-il. Et une fois là-bas, faites-moi gagner du temps.
Ashley acquiesça de la tête puis déposa un baiser sur les lèvres poussiéreuses de Zane.
— Fais attention à toi. Promis ?
— Je t’aime, fut sa réponse.
Puis il se dirigea vers le centre de la place.
— Je n’aime pas quand il me dit je t’aime dans ces moments-là. J’ai toujours l’impression d’un adieu… confessa-t-elle.
Ena lui prit la main :
— Je pense que tu n’as pas tort, dit-elle d’une voix nasillarde.
Le ventre d’Ashley se serra en voyant son homme s’éloigner. Elle se reprit, il fallait qu’elle se mette en action pour oublier ses craintes. Elle se tourna vers Abraxis, s’agenouilla pour être à sa hauteur et lui ordonna :
— Abraxis, tu m’as déjà sauvée deux fois, mais j’ai encore besoin de ton aide.
Le petit démon hocha vivement la tête :
— D’accord ! Moi aider !
— Je veux que tu surveilles Amber. Il ne doit rien lui arriver.
Abraxis secoua la tête :
— Non ! Elle essayer de faire mal à toi !
— Je sais, mais elle n’était pas vraiment elle-même. Le démon lui avait fait de fausses promesses. Protège-la, pour moi, je t’en prie...
Le petit démon ne résista pas à la douce voix de la louve et finit par céder. Ashley se releva et jeta un œil à la blessée. Elle n’arrivait même pas à lui en vouloir. La pitié était tout ce que lui inspirait Amber à ce moment.
La chef de meute observa ensuite la place des damnés, ou du moins ce qu’il en restait. Zane avait besoin qu’elles fassent diversion. Diversion, diversion… Il aurait au moins pu nous dire ce qu’il comptait faire ! S’ils arrivaient à rentrer vivants, il allait vraiment falloir qu’ils aient une petite conversation sur la communication.
Son regard se posa soudain sur le corps d’une gardienne, à quelques mètres sur leur droite. Peut-être, ça pourrait marcher, pensa-t-elle en s’élançant.
— Ena, avec moi ! lança-t-elle.
Arrivée près du corps mutilé, elle fouilla les décombres quelques instants avant de trouver ce qu’elle cherchait. La lanterne était intacte, mais avait perdu tout éclat. Elle la tendit à Ena qui s’en empara, surprise :
— Qu’est-ce que tu veux que je fasse de ça ?
— Regarde…
La fae baissa les yeux. La flamme verte à l’intérieur retrouvait son incandescence et se reflétait dans les yeux d’Ena.
— Impossible, souffla-t-elle. Je… je n’ai pas de pouvoirs ici.
— Apparement, si. Essaie de la contrôler.
— Comment ça ?
— Je ne sais pas… improvise !


Le privé prit le chemin le plus court, il était courbé et serrait toujours son bras blessé contre lui.
Faut que j’y arrive ! se répétait-il à chaque pas, c’est pas le moment de flancher !
Mais sa progression ne fut pas aussi rapide qu’il l’espérait. Un jet de flammes vertes le frôla avant de s’écraser contre un pilier à l’autre bout de la place. Zane trébucha surpris et tomba.
— Attention ! Tu as failli toucher Zane ! s’écria Ashley la voix pleine de reproches.
— Je fais ce que je peux ! Désolée mon chou ! cria-t-elle à l’adresse de Zane qui ne pouvait l’entendre avec le vacarme que faisait l’ange et le démon qui s’affrontaient toujours.
L’homme se releva et reprit son chemin. Parfois, il dût se jeter à terre afin de ne pas subir les effets indirect du combat qui se déroulait non loin de lui. L’archange Gabriel et Satan se battaient dans les airs, fondaient au sol, poursuivaient leurs passes d’armes sans montrer de signe de fatigue. Une fois à l’emplacement voulu, l’homme s’arrêta et tomba à genoux.
Il leva la tête au ciel, écarta les bras et psalmodia. Une légère lueur blanche l'entoura. Soudain, un tourbillon se forma dans les cieux au dessus de la ville. À peine perceptible au départ, le tourbillon s'agrandit et occupa rapidement la taille de la ville. Les nuages lourds et sombres s’enroulaient autour d'un point central, irrémédiablement soumis à son attraction. Gabriel et Lucifer arrêtèrent de s'affronter, autant pour reprendre leur position que pour s'enquérir de l'énergie qu'ils perçurent. L'archange Gabriel comprit dès qu'il aperçut Zane sur la place. Résigné, il baissa son arme lentement.
— Tout est terminé, murmura-t-il à l'adresse de son frère.
Lucifer ne comprit pas tout de suite, mais il leva la tête au ciel et vit le maelstrom au dessus de la ville. Il n'en croyait pas ses yeux.
— C'est… c'est impossible… fit-il, frappé de stupeur.
Puis il vit Zane et saisit instantanément. Il se précipita alors sur l'homme à genoux.
— Trop tard, l'avertit Gabriel. Il est déjà là !
Mais Lucifer ne l'entendait pas de cette oreille.
Avec un peu de chance, j'écraserai cet avorton et empêcherai cette farce de se produire !
Il fondit sur sa proie et leva sa masse, prêt à l'abattre sur l'homme sans défense qui ne fit aucun mouvement pour éviter la charge. Il y était presque. L'ombre du diable recouvrit le privé toujours à genoux. Lucifer se prépara à frapper lorsqu’un jet de flammes vertes l’atteignit en plein sur le torse. La douleur lui arracha un cri monstrueux, mais ces flammes, il les avait subi pendant des siècles. Il les endura une fois de plus et se força à terminer son mouvement. Son bras s’abaissa.
— Non ! hurla Ashley qui se mit à courir le plus vite possible vers le centre de la place.
Il ne peut pas mourir ! Il ne peut pas mourir ! se répétait-elle sans cesse.
Soudain, Zane se raidit, de ses yeux et de sa bouche grands ouverts sortait une lumière blanche intense.

Puis, dans un grondement terrifiant, l'oeil du tourbillon s'ouvrit et un pilier de lumière aveuglant et assourdissant s’abattit sur le privé. Le diable fut projeté en arrière, glissant sur le sol sur plusieurs mètres, balayé comme un fétu de paille. Ashley également fut propulsée en arrière. La lumière blanche recouvrit la place entière et même au delà.
Lorsque le calme revient et que la lumière s'estompa, a la place de Zane se dressait un ange auréolé d’honneur et de gloire, six paires d'ailes majestueuses déployées en grand. Les traits du visage étaient parfaits, il était vêtu tout de blanc immaculé. Figure terrible de majesté et de pureté, l'archange Michel était arrivé.
Une lance de lumière brillait entre les mains.
Gabriel et Lucifer revirent leur frère pour la première fois depuis des temps immémoriaux. Une voix cristalline retentit alors :
— Vous avez suffisamment répandu le chaos mes frères. Il est temps de rentrer !
— Je ne retournerais pas là-bas ! prévint Lucifer en se relevant ! Vois-tu, mon glorieux frère, je garde de bons souvenirs d'ici, dit-il provocateur, et je me suis même fait des amis !
D'un geste il désigna les fosses maudites ou des gémissements se faisaient entendre, Pas très causants, c'est vrai, je l'admet! Et les gardiennes ne sont pas très bavardes non plus, j'en ai peur, mais ça me ferait de la peine de les abandonner à leur triste sort. Que veux-tu, je suis un éternel sentimental. Tu sais, reprit-il plein d’emphase, ils me manqueront… Bon, peut-être pas, mais tout de même, 400 ans, ça fait quelque chose ! Même un être aussi dépourvu de sentiment que toi peut le comprendre, non ?
— Tu n'as pas changé, Lucifer, toujours aussi insolent, lui répondit Michel, mais tes jérémiades ne t’aideront pas cette fois-ci.
L’aura rouge s'intensifia, le diable était prêt à livrer sa dernière bataille.
— Gabriel, fit-il soudain, à nous deux, on peut le vaincre ! Et on réglera nos différents entre nous ensuite. Qu'en dis-tu ? C'est ta dernière chance de te venger ! Faisons alliance, nous contre Michel !
Avant même que l'archange Gabriel ne répondit, Michel s'élança d'un coup d'ailes à une vitesse telle qu'il surprit Lucifer alors même qu'il lui faisait face. La lance de lumière s'enfonça profondément dans l'épaule du diable qui hurla de douleur. L'archange continua son vol, emportant avec lui Lucifer impuissant. Alors, d'un geste, l'archange Michel projeta son frère au sol. La lance perfora l'épaule et s'enfonça lentement dans la chair et la pierre, centimètre après centimètre. Ainsi immobilisé et hurlant sa haine, Lucifer n'était plus une menace. Michel se dirigea ensuite vers Gabriel.
— Mon frère, je sais que tu as beaucoup souffert à cause de lui, dit il en posant une main sur son épaule, mais il est temps de stopper cette folie.
Gabriel hocha simplement de la tête. Les yeux de Michel se mirent à luire et un pilier de lumière tomba sur Gabriel, lorsque le pilier se retira ce dernier n'était plus là. Michel se dirigea ensuite vers Lucifer toujours cloué au sol. Son frère posa une main sur son épaule :
— Il est temps pour toi aussi de rentrer.
— Je m'enfuirai à nouveau ! Aucune prison ne pourra me retenir pour l'éternité, cracha le diable, mais bon, j'avoue, tu m'as eu par traîtrise ! Et peut on savoir depuis combien de temps tu habites le canal ?
Devant le mutisme de Michel, le diable sourit puis se laissa aller à un rire sans retenue. Un rire fort et sincère à la fois. Lucifer cloué au sol semblait particulièrement apprécier la situation et il le montrait ! Il riait jusqu'aux larmes. Parfois, la douleur lui arrachait une grimace. Michel impassible, dominait son frère de toute sa stature, mais ne pipait mot.
— Décidément… rajouta t il en reprenant son souffle, et c'est moi le diable ?
Lucifer repartit en éclat de rire.
— Tu ne t’échappera pas cette fois-ci, j'y veillerai… personnellement, finit par répondre l’archange.
Le pilier de lumière tomba sur Lucifer qui riait toujours à gorge déployée avant de disparaître à son tour. Le son de son rire résonna encore dans la tête d’Ashley, même après le départ de Lucifer.

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 Sujet du message: Re: Saison 2
MessagePosté: Lun Sep 30, 2019 7:44 am 
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Final de la saison 2
Mais le calme était revenu dans la ville. Les destructions étaient toujours visibles. L'archange contempla les alentours d'un œil attristé. L’aura blanche de pureté l'enveloppant s’étendit alors dans la place entière. Tous les êtres présents ressentir une douceur les envahir, les plaies commençaient à se guérir d’elles-mêmes, sous l’action bienveillante de l’envoyé de lumière.
Le nez d’Ena ne saignait plus, Amber se releva et apparut derrière le muret. Ashley ne sentit plus aucune douleur, mais elle n’y prêta pas attention. Tout ce qu’elle voulait, c’était retrouver Zane, le prendre dans ses bras et enfin partir d’ici.
Ashley sortit des décombres prudemment, et s'avança vers l'ange au centre de la place des Hérétiques. Il illuminait l'endroit d'une douce clarté blanche, qui lui rappelait l’aura de Zane, et réconfortante en ces lieux sombres. Ces ailes majestueuses étaient repliées dans son dos.
— Où est-il ? fit doucement la louve.
L'être de lumière garda le silence.
— Vous savez, celui qui vous a... appelé, s'aventura-t-elle soudainement inquiète.
L’archange la dévisagea sans montrer d'émotion. Après un instant qui parut une éternité à Ashley, il répondit d’un ton détaché :
— Approchez toutes de moi.

Amber, encore honteuse de ses actions, et Ena s’approchèrent.
— Vous, fit l’archange en se tournant vers Ena, si votre corps est de nouveau disponible, ou si vous disposez d'un qui vous a été donné librement, vous pourrez franchir les portes de l'enfer, personne ne s'y opposera et ainsi retourner dans le monde des vivants. Cela ne vaut que tant que votre corps original est vivant. Avez-vous compris ?
Ena fit signe de la tête que oui.
— Quant à vous, fit Michel en regardant Amber, sachez que le canal qui m'a permis de venir jusqu'ici m'a charger de vous transmettre un message : Il vous a pardonné, dans cette vie-ci et dans la précédente. Tout est réglé entre vous. Cependant, vous resterez ici le temps imparti.
Des larmes roulèrent sur les joues d'Amber.
— Mais où est-il ? J'aimerai le voir une dernière fois, parvint-elle à articuler la gorge serrée.
Michel se tourna alors vers Ashley sans tenir compte de la question de la jeune femme et tendit lentement la main droite vers la louve :
— Prenez ma main, et vous saurez…
La jeune femme s’approcha et tendit une main tremblante à l’archange. La jeune femme saisit doucement la main tendue vers elle. Elle avait de l'appréhension, mais en même temps elle voulait savoir. Au moment où elle effleura les doigts de l'ange, un flash lumineux jaillit devant ses yeux. Lorsque la lumière s'estompa, elle assista à une scène. Elle voyait Zane parler aux mages Von Sterling. La scène devait se situer dans un passé proche.
Comment se pouvait-il ?
Il arborait sa barbe fournie et son œil gauche était fermé.
— Quel est le contretemps ? demanda Z impatient, vous aviez promis de garder Ashley en stase, d'ouvrir le portail des enfers et de me permettre de passer ! Qu'y a-t-il encore ?
— Et nous tiendrons parole, soyez rassuré. Cependant, maintenir la stase et le portail ouvert demande énormément d'énergie magique. Nous n'espérons pas de vous que vous compreniez, sachez simplement que les dépenses sont phénoménales et qu'il ne nous est pas possible d'en faire plus, nous sommes navrés.
— Et qu'est-ce que cela implique ? demanda Z sur la défensive…
Le privé sortit de l'entretien avec les mages. Il se dirigea lentement vers le sarcophage où reposait sa bien aimée. Autour d’eux s'était rassemblée la petite troupe de loups. Ashley les reconnaissait tous.
— Alors ? demanda Penny impatiente et inquiète à la fois.
Z avait les yeux toujours rivés sur Ashley.
— Alors, ils n'ont plus de jus…

La jeune femme aurait aimé pouvoir accélérer les choses, comprendre enfin où était son homme, et quel sorte de pacte il avait passé avec les jumeaux. Elle dut cependant attendre la suite, impuissante.

Dans sa gangue de glace, le corps de la louve était figé, suspendu entre la vie et la mort. Mais pour Zane, Ashley était bien vivante et tant que les mages maintenaient la stase, il ne pouvait rien lui arriver. Cela soulagea le privé, mais il regrettait de ne pouvoir la toucher... Une dernière fois...
Après un moment de silence et ne le voyant pas poursuivre, Penny s'inquiéta :
— Zane ? demanda t-elle doucement. Qu'y a-t-il ?
L'homme détourna les yeux de sa bien aimée et tourna le dos à la meute.
— Si je veux aller en Enfer, répondit-il enfin, je dois m'y rendre par mes propres moyens.
Un instant surpris par la déclaration, les loups se regardèrent, dubitatifs. Personne n’osait comprendre ce que cela impliquait. Alors, Zane se retourna pour leur faire face, son revolver à la main.
— Si je veux aider Ashley, commença-t-il, je dois...
Ses yeux s’abaissèrent vers son arme.

— Non ! Je te l'interdit ! hurla la jeune femme comme s'il pouvait l'entendre.
La panique l'envahit. Qu'avait-il fait pour arriver jusqu'à elle ?

Comme un écho à la réaction d'Ashley, une autre personne s'insurgea contre l'idée du chef de meute par intérim.
— Tu n'es pas sérieux ! s'emporta Penny.
La femme était horrifiée. À côté d'elle, les autres lycans hochèrent la tête en signe d'approbation.
— Nous avons déjà perdu deux alpha en peu de temps, renchérit Jasper, la meute ne peut pas se permettre de te perdre maintenant.
Un murmure d'assentiment parcourut la petite assemblée. Le jeune loup continua :
— Au début, j'avoue que je t'ai vu comme un usurpateur ! Tu as accédé à une position que tu n'avais pas méritée au sein de la meute, au détriment de meilleurs que toi... Pire encore, tu refusais le don qui t'avait été fait. Après, tu nous as prouvé ce que tu as dans le ventre et aujourd'hui personne n'oserait remettre en cause tes décisions, mais là...
— Et puis, ajouta Penny, tu ne sais pas si cette... extrémité marchera ? Es-tu certain d'arriver où se trouve ma fille ? Et si ce n'était pas le cas, que deviendra-t-elle et que deviendrons-nous si tu te trompes ? Ne te méprends pas sur mes paroles, j'adore ma fille et je souhaite plus que tout la voir revenir parmi nous saine et sauve.
La mère porta alors un regard plein de tendresse sur le corps de sa fille.
— Mais ce que tu te proposes de faire est... tout simplement insensé ! Nous allons vous perdre tous les deux. Il doit exister une autre solution !
— J'ai beau chercher, Penny, je n'en vois pas d'autre, se désola Zane. Les mages vont bientôt couper le portail et la stase qui maintient Ashley en vie.
Le silence se fit dans la salle.
— Elle est enceinte, le saviez-vous ?
Penny posa la main sur la gange qui maintenait sa fille en vie, puis la glissa à hauteur de son ventre :
— Enceinte, répéta-t-elle dans un souffle pour assimiler la nouvelle.
Autour d’elle, la meute se rapprocha un peu plus du corps de leur chef. Des chuchotements à la fois enjoués et inquiets animaient les loups.
Zane posa la main sur l’épaule de Penny :
— Non, elle ne t’avait rien dit. Désolé de te l’apprendre comme ça, mais je veux donner une chance de vivre à notre enfant et à Ashley de sortir de l’endroit maudit où elle se trouve. Je vous l’ai ramenée une fois déjà, lança-t-il au groupe. Je la ramènerai une fois de plus. Faites-moi confiance. Mais je sais aussi que vous avez besoin de directives, de guide, voici donc mon dernier ordre… Il existe une chance qu'on ne revienne pas de ce voyage, c'est un fait qu'on ne peut ignorer. Alors, une fois que je serai parti, voilà ce que vous ferez. Vous choisirez parmi vous quelques personnes dignes de confiance, avisées et mues par le bien commun. Elles formeront un conseil qui aura pour vocation de prendre les décisions importantes concernant la meute. Cessons ces jeux sanglants pour l’élection de l'alpha, ils ne nous garantissent pas un chef clairvoyant. Je sais, c'est un changement radical que je vous demande, mais les temps qui s'annoncent s'avèrent dangereux et les défis nombreux et difficiles dans un monde en pleine mutation. Les factions s'agitent et complotent à nous faire tomber... Mes amis, si nous ne nous adaptons pas, nous serons simplement écrasés par l'adversité. Par ailleurs, nous mettons une trop grande pression sur les épaules des alpha dont tout dépend. Il est temps d'arrêter de subir les événements et de se mettre en position de riposter.
Zane n'était pas sur que le message soit bien passé, ni qu'il allait être respecté, néanmoins, personne n'osa le contredire.
— Bien, reprit-il, il me reste une dernière chose à vous demander. Ses yeux se portèrent à nouveau sur son revolver. Je ne... pas…

— Je viens juste d'apprendre que ma fille est enceinte et tu veux que je presse la détente ? s'insurgea Penny. Et que vais-je dire à ma fille lorsqu'elle reviendra, si elle revient un jour ? Désolé Ashley, mais j'ai du tuer Zane, tu sais celui que tu aimes et le père de ton enfant !
C'était au dessus de ses forces, Penny détourna les yeux, des larmes roulèrent sur ses joues.
— Aussi absurde que cela puisse paraître je sais ce que je fais et je compte bien revenir. Regardez…
Zane prit tout le groupe à témoin puis il retira son T-shirt de la main gauche. Tout le monde vit alors les inscriptions sacrées peintes sur son torse.
— Je ne pars pas sans atouts, ces caractères m’appuieront dans ma tâche... aidez-moi, je vous en prie !
L'atmosphère était lourde dans la pièce. Personne se semblait vouloir bouger et prendre la responsabilité d'un tel geste. Cette requête allait à l'encontre de tout ce en quoi croyaient les garous. Exécuter un des leurs était tout bonnement impensable, encore moins s'il s'agissait du couple alpha.
Néanmoins, un homme fit un pas en avant. Zane tendit l'arme et lui fit un signe de tête, reconnaissant.
— Vises le cœur, Jasper.

Les larmes coulaient également sur les joues d'Ashley, témoin impuissante de la scène. Il est mort pour moi.

La plupart des loups détourna le regard, incapable de supporter la suite des événements. Ashley, elle, fixait Zane, la vue brouillée par ses larmes. C'était une torture, le temps parut interminable. Jasper leva lentement l’arme, Zane hocha la tête pour lui donner un dernier consentement. Soudain, l'arme retentit une fois. Ashley ne put réprimer un sursaut, un flash lumineux envahit la pièce et le corps de Zane tomba au sol sans vie, foudroyé en plein cœur.
Ashley lâcha un cri de désespoir.
En silence et avec égard, la meute souleva Z et l'installa sur une table aux côtés de sa bien aimée. Tous prièrent de les revoir sains et saufs.

— Il est temps pour vous de rejoindre votre corps, fit une voix désincarnée proche de la louve. Le temps qui vous a été imparti s'achève à présent.
— Non ! Où est-il ? demanda-t-elle.
Mais l’archange ne prit pas la peine de répondre. Elle sentit qu'on la guidait par la main, avec douceur et tendresse jusqu'à son corps toujours prisonnier dans son sarcophage de glace. Soudain, elle se sentit aspirée par son corps et par la vie. Elle quittait le domaine des morts pour rejoindre le monde des vivants. L’instant suivant, elle ressentit à nouveau les pulsations de son cœur, des picotements dans ses doigts, la douleur de ses blessures reçues lors de l’affrontement avec Dame Cho se réveilla également.
Ashley ouvrit les yeux. Sa vision était légèrement troublée par le sarcophage qui protégeait son corps. Paniquée, elle tenta de bouger pour se libérer. Il n’y avait que peu d’espace ce qui limitait ses mouvements. Elle s’apprêta à taper du poing lorsque la gange de glace disparut. Instinctivement, elle prit une grande bouffée d’air avant de tourner la tête autour d’elle.
Faites qu’il se réveille lui aussi, je vous en supplie.
Elle ne savait pas exactement à qui elle adressait cette prière, mais après tout ce qu’elle venait de vivre, elle espérait que quelqu’un l’entende et y réponde.
Mais rien ne vint et son amour restait désespérément immobile, une plaie béante au niveau du cœur.

Lorsqu'elle comprit qu'il ne reviendrait jamais, elle prit la main de Zane qu'elle porta à son visage et pleura. Sa mère la prit dans ses bras et pleura avec elle. Après toutes ces épreuves, le privé avait fini par tirer sa révérence. Cette satanée ville avait fini par avoir sa peau, tout était fini.
La meute se resserra autour de son leader et garda le silence, toute parole était vaine en ces moments-là. Chacun connaissait le prix des mots, en cet instant aucun ne serait à la hauteur. Soudainement, un murmure se fit dans l'assemblée, puis un bruit métallique retentit dans la salle, clair et net. Ashley baissa les yeux et vit une balle au sol, maculée de sang. Elle bondit de son siège, la plaie de Zane s'était complètement refermée ! Elle n'en croyait pas ses yeux et s'autorisa un sourire timide. Son homme venait d'ouvrir son œil valide. Folle de joie, elle se jeta à son cou en pleurant de plus belle, mais cette fois-ci, ce furent des larmes de joie qui coulaient sur son visage.
— Ashley ? articula Zane.
— J'ai eu si peur ! lâcha-t-elle en l'embrassant. Ne me refais plus jamais un coup comme ça ! D'accord ?
Mais le privé ne répondit pas à sa question. Inquiète, Ashley le regarda dans les yeux.
— Sincèrement désolée ma belle, répondit la voix de Z, mais ton homme est parti. C'est moi, c'est Ena...

La chef de meute secoua la tête et s’écarta.
— Non, murmura-t-elle. Non. Non. NON !
Penny tenta de passer le bras autour de sa fille, celle-ci la repoussa :
— NON !
— Ma chérie, je suis désolée, il…
— NON !
Ashley arracha le collier en pierre de lune de son cou. Elle retira une chevalière aux deux triangles entrelacés de son pouce et fourra le tout dans la main de sa mère. La douleur était trop forte pour Ashley, bien trop pour qu’elle puisse la supporter. Alors la louve prit le relai. Sous les yeux ébahis de sa meute, la jeune femme se transforma. Ils ne l’avaient pas vu ainsi depuis son adolescence.
— La pleine lune est passée, murmura Jasper, admiratif.
L’énorme louve se planta devant lui et gronda, crocs sortis. L’homme baissa la tête de soumission. Le loup en lui l’avertit, l’alpha savait ce qu’il avait fait.
— Ashley ! cria Penny pour couvrir le brouhaha qui se répandait dans l’assemblée. Zane a donné l’ordre !
La louve lâcha alors un hurlement déchirant qui fit frémir les siens. Sa souffrance était maintenant la leur.
La louve s’élança et bondit par la fenêtre ouverte. Elle courut le plus vite qu’elle put, fuyant cette ville maudite, fuyant ses erreurs, fuyant la mort de son amour.

Fin.

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